FUTUR IMPARFAIT

13.11.2024

Vous vous souvenez du deuxième épisode de « Retour vers le futur », quand Marty et le Doc reviennent dans le présent après un voyage mouvementé dans le futur, au cours duquel le vieux méchant Biff Tannen avait réussi à mettre la main sur un almanach des résultats sportifs du 20ème siècle puis l’avait refilé en loucedé à son jeune alter-ego des années 50 ? Le présent de 1985 s’était alors transformé en un énorme bordel ultra-violent et décadent, avec un Biff devenu roi du monde grâce à sa fortune pourtant bien mal-acquise… Eh bien, je ne sais pas ce qu’ont encore boutiqué le Doc et Marty mais un Biff plus décomplexé que jamais vient de gagner une deuxième fois l’élection présidentielle aux États-Unis, et c’est peu dire que le monde risque de ne pas en sortir meilleur. Pas sûr en plus que cette fois quelqu’un·e réussisse à corriger ce futur imparfait… En attendant la fin du monde, assurez-vous au moins d’écouter de jolies choses jusqu’à la dernière minute. Et commencez donc par celles-ci !

On vous en parle depuis déjà quelques semaines, ça y est, le nouvel album de The Loire Valley Calypsos est enfin sorti. Et comme prévu, il est très beau. Le groupe y laisse libre cours sur une majeure partie du disque à une mélancolie qu’on ne lui connaissait guère, sans pour autant abandonner tout à fait le groove chaloupé qui le caractérise. Écoutez par exemple « Mon Gamin » (qui donne son titre à l’album), « Chercher la chaleur », « Samos » ou encore le dernier single « La Semaine » avec Oriane Lacaille (Titi Zaro, Bonbon Vodou) en guest, tous ces morceaux fonctionnent aussi bien en mode euphorique sur une piste de danse qu’en solitaire les yeux perdus dans l’horizon… Que celles et ceux qui sont déjà au bord de la déprime à cause de l’état du monde se rassurent, l’autre moitié du disque est plus franchement joyeuse (« Discodebs », « Tu Appelles », « Salvador »…), quand elle ne vire pas carrément cosmique (« Goombay Mama »). On va en avoir besoin !

© Claire Huteau

On va avoir besoin de poésie aussi. Et pour ça, il y a Lo’Jo. « Josephine », leur nouveau single tiré de leur récent « Feuilles Fauves », sonne déjà comme un classique du groupe, avec son groove si singulier et les mots de Denis Péan plus musicaux que jamais. Chaque syllabe libère en effet un imaginaire entier de sonorités équilibristes, de danses sensuelles et de grâce infinie qui nous emporte loin de la tourmente. Bref, vous l’aurez compris, ce morceau restera probablement parmi les grands standards du groupe (qui n’en manque pourtant déjà pas).

Il a brillamment assuré la première partie des Lo’Jo la semaine dernière lors de leur date au Grand Théâtre d’Angers. Le batteur Béranger Vantomme vient également de sortir son premier album solo. Forcément, c’est plus facile de le voir sur scène virevolter entre ses futs, jouer avec ses tambours de manière non-académique, caresser ses peaux, les brutaliser, les rendre folles. Mais l’écoute de son album « L’orchestre seul » ouvre d’autres portes, plus introspectives sans doute, mais tout aussi riches si vous acceptez de lâcher prise et de vous laisser guider dans ce bouillonnant maelström musical.

© Sarah Quentin

On va avoir besoin de fantaisie aussi. Et pour ça, on peut compter sur Phil Devaïl. Le chanteur vient de sortir un nouvel album, « Le Bal Amer », entre pop funky et blues made in France, comme si Arthur H ou Mathieu Boogaerts s’étaient amusés avec la musique du Diable en le tirant par la queue. Neuf titres qui manient l’absurde et l’ironie, tout en restant très groovy, vous avouerez que c’est pile poil ce qu’il nous faut, non ?

« Pile Poil », c’est aussi le titre d’un des deux morceaux originaux du nouvel EP d’Arno Gonzalez, agrémentés chacun de quatre remixes, dans toutes les nuances entre house et techno. « Pile Poil » donc lorgne un peu du côté de l’electronica avec ses blips, ses clicks, et autres sons parasites qui rappelleraient même certaines plages d’Autechre, tandis que « Palace Loisirs » est plus frontalement techno avec sa rythmique froide et butée, survolée par des nappes inquiétantes. Après plusieurs EPs sur le label Brique Rouge, le producteur angevin semble annoncer un format long dans un futur plus ou moins proche. Il va donc falloir s’armer d’un peu de patience.

© Rémi Sourice

Pour Daria aussi. Encore qu’il ne reste que quelques semaines à attendre avant de pouvoir mettre une oreille sur leur nouvel album, prévu pour le 6 décembre. À l’écoute de « The Coral Wounds », troisième extrait de « Fall Not », certaines personnes auront peut-être du mal à croire que Daria s’était mis en veille plusieurs années après la sortie de leur dernier album en date en 2016. Parce qu’on tient là un morceau pur-jus du quatuor, quasiment une signature sonore, telle qu’elle nous vient en tête quand on évoque le nom du groupe : titre mid-tempo, mur de guitares, mélodie efficace et voix déchirée/déchirante. Ajoutez à cela une très belle pochette d’album qui rappellera probablement quelque chose aux fans de The Jesus Lizard (dont font clairement partie ces quatre-là), et ça sent fort le cadeau de Noël sous le sapin…

Ils sont deux, ils sont jeunes, ils sont beaux, et ils pondent des tubes cold wave/shoegaze comme s’ils avaient connu les 80s/90s. Mais si on devait vraiment leur chercher un défaut, on pourrait quand même leur reprocher d’être un peu trop discrets. La preuve, Lunar Lock avait sorti un nouveau single fin septembre (« Lonely Storm ») et on ne l’avait même pas vu passer. On fait donc coup double aujourd’hui puisque le duo vient de lâcher ces jours-ci un autre titre, « Wipe The Tears From Your Eyes ». Clairement, Lunar Lock fait partie des groupes qu’il va falloir garder dans le viseur ces prochaines années, et pas seulement parce que leur musique crépusculaire fait une parfaite BO de fin du monde…

Rédaction : Kalcha