ALEX GRENIER : EN SEPTET A TETE

08.05.2019

Crédit: Fabien Tijou

On l’a découvert dans une autre vie à la guitare d’un groupe de potes à peine sortis de l’adolescence dont le but ultime était de faire un maximum de boucan, avant qu’il ne vole de ses propres ailes pour jouer… du jazz. Depuis une grosse dizaine d’années, Alex Grenier s’est construit une carrière déjà bien remplie. Il compte aujourd’hui passer encore à la vitesse supérieure avec un disque qui sort le 24 Mai. Explications avec l’intéressé.

Tu jouais en trio depuis déjà quelques années avec les deux mêmes musiciens. Pourquoi soudainement ce disque en septet ?

Je joue avec Hervé Moquet à la basse et Franck Durand à la batterie depuis 2012/2013. On s’est vraiment trouvés musicalement et humainement. On a pu essayer plein de choses différentes tous ensemble sur plusieurs disques, deux EP et deux albums. Mais j’ai senti qu’on prenait le risque de la routine si on ne restait que tous les trois. J’ai eu besoin d’intégrer de nouveaux instrumentistes pour renouveler la formule, pour imaginer de nouvelles choses, composer différemment. Mais là aussi, je ne voulais pas prendre n’importe quel musicien sur ses simples compétences musicales. Il faut que ça colle humainement, c’est hyper important. Les quatre musiciens qui nous ont rejoints sont donc des gens qu’on connaît depuis longtemps ou bien qui nous ont été recommandés par des amis. Un bon groupe, c’est un groupe qui dure. En jazz, il y a une bonne part d’improvisation, de feeling, donc c’est très important de bien connaître les musiciens avec qui tu joues. C’est primordial pour moi en tout cas, la musique va toujours plus loin si l’humain est au centre du jeu. C’est une expérience humaine avant tout.

 

Est-ce que ça veut dire que tu as composé toutes les parties des musiciens ? Ou bien tu leur as laissé le champ libre ?

On avait déjà plus ou moins maquetté les morceaux avec le trio. On a ensuite envoyé ces démos aux quatre autres pour qu’ils comprennent ce qu’on attendait d’eux. Et on s’est vus deux fois avant d’enregistrer le disque. La plupart des compositions étaient donc déjà écrites, mais je tenais aussi à laisser des parties un peu plus freestyle dans certains morceaux. La formation à sept permet ça, alors que c’est plus compliqué en trio. Par exemple, un truc que j’ai trouvé génial pendant l’enregistrement et que je n’avais jamais pu expérimenter avant, c’est que pour un morceau je lance l’intro à la guitare, puis je m’arrête de jouer et je peux me transformer en chef d’orchestre pour guider les autres musiciens. En trio, c’est impossible à faire. Si l’un de nous s’arrête de jouer, ça devient bancal. A sept, tu peux dire à untel de s’exprimer, à l’autre de laisser du champs, etc. Je découvrais donc ma musique en train de se créer devant moi, sans en être vraiment acteur. C’était une sensation absolument géniale !

D’un point de vue strictement logistique/économique, c’est plus compliqué de faire tourner un septet qu’un trio, non ?

Oui, surtout qu’on a un technicien son sur la route avec nous. Mais c’était un peu un pari. Quand tu es un trio pas encore très connu, on ne te propose au mieux que des premières parties. C’est compliqué de tenir l’affiche sous ton seul nom. Les programmateurs pensent que ça n’aura pas la puissance pour tenir les gens tout le long. Un septet, on ne lui propose pas souvent de première partie, justement parce que c’est un peu plus cher à programmer. C’est donc un peu une façon de mettre le pied dans la porte et de pousser un peu de l’épaule pour entrer dans la cour des plus grands. On a gagné pas mal de gros tremplins, on a fait de belles premières parties, j’aimerais bien qu’on puisse passer au niveau supérieur maintenant. Après, j’ai toujours la possibilité d’adapter la formation suivant les propositions de dates, revenir au simple trio, passer en quartet, en sextet…

 

En Juillet, tu pars faire une tournée en Angleterre ?

Le disque sort le 24 Mai. Je viens de jouer au Sunset à Paris pour la release-party. Ensuite, j’ai quelques dates et on part en Angleterre. Ca va donc nous faire une belle aventure pour commencer à faire vivre l’album, même si on fait cette tournée en trio pour justement les raisons logistiques que tu évoquais. Mais comme c’est notre première tournée là-bas, le public n’attend pas forcément que je ne joue que les morceaux de ce nouveau disque. Pour le moment on a déjà six dates calées dans de belles villes comme Londres, Manchester, Glasgow, Leeds… On va jouer à Wigan aussi, la ville jumelée avec Angers. Et je cherche encore à en caler d’autres.

 

Cette formation élargie t’a permis d’explorer de nouveaux territoires ?

Oui, c’était le but. J’avais une vision assez précise de ce que je voulais faire avec ce septet. Notamment essayer des choses qui viraient vers le jazz-funk des 70s avec des parties moins écrites, mais super vivantes. Des choses qui se dansent aussi.

C’est déjà ce qui se dessinait pas mal dans tes derniers concerts en trio où tu incorporais quelques parties aux claviers/machines. Ca sonnait presque disco-jazz, ou French Touch comme Superdiscount.

Oui, c’était suite à l’EP « Red Nova », on avait envie d’incorporer un peu d’électronique à notre jazz, de s’éloigner un peu du jazz purement acoustique. Du coup, sans doute que certains morceaux du septet ont gardé un peu la même saveur. Il faut dire qu’avec une flûte et des congas, on a vite une couleur latine qui marche bien avec un jazz très dansant sur des morceaux à rallonge. C’est la première fois que je compose des morceaux qui vont jusqu’à sept minutes, ce qui veut dire qu’en live ils seront sans doute encore plus longs, plus évolutifs. Mais je ne voulais pas me l’interdire sous prétexte d’essayer de passer en radio, ou je ne sais quoi. Même pour le vinyle, je vais devoir faire des choix et enlever certains morceaux parce qu’ils ne tiennent pas tous sur le disque. Mais tant pis, je les voulais comme ça.

 

Ce nouveau disque sort sur le label angevin MaAuLa ?

Oui, je ne les connaissais pas vraiment, même si on faisait tous souvent appel au même photographe, Fabien Tijou. C’est Fabrice qui travaille au Chabada qui m’a soufflé l’idée et qui nous a connectés. Je suis assez loin de leur catalogue habituel, même s’il y a d’évidentes passerelles à faire avec le jazz. Du coup, je pense qu’ils sont contents d’ouvrir leurs horizons et moi je suis content de travailler avec de nouvelles personnes motivées. Le fait qu’ils soient tous eux-mêmes musiciens (dans The Loire Valley Calypsos) est aussi très important pour moi. Ca veut dire qu’on se comprend, qu’on sait ce que l’autre vit, on connaît la réalité de la vie d’un musicien indépendant. On reste donc bienveillants entre nous. L’humain, encore…

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