Une voix pour tous⸱tes, c’est une série d’articles pour l’égalité des genres dans les musiques actuelles. Il y a quelques semaines, dans les studios Tostaky, nous avons rencontré Carmen Carbon, un groupe 100% féminin créé l’année dernière. On a discuté de leur groupe, de la condition féminine dans la musique et de l’atelier “Monte ton groupe“ proposé par le Chabada.
Chris, Marie et Kroquette composent aujourd’hui le groupe de rock “Carmen Carbon”. Fusion entre une figure emblématique féminine et un élément chimique, rappelant Marie Curie et sa découverte du radium et du polonium, dont elles se sont inspirées pour leur premier nom “Rosa Radium”. “On voulait un truc un peu patate, qui ne soit pas délicat quoi, un truc musclé.” (Marie).
C’est Chris qui a lancé l’initiative du groupe : « j’ai voulu refaire un groupe féminin sur Angers alors j’ai passé une annonce, ça a collé tout de suite avec Marie ». C’est ensuite lors de l’atelier “Monte ton groupe” au Chabada, qu’elle rencontre Kroquette : « je savais que Kroquette était batteuse, je lui ai demandé et elle m’a dit “tu sais, moi je ne dis jamais non !“ » (Chris). Après des auditions peu concluantes de chanteuses, elles ont décidé de rester à trois instrumentistes et de chanter elles-mêmes : « y’a vraiment une pelle de chanteuses par rapport aux instrumentistes. C’est dommage parce qu’elles n’ont pas forcément l’assise musicale nécessaire et finissent dans des groupes de mecs qui leur disent “tu feras-ci, tu feras-ça“ » (Chris). Un constat qui pousse à la réflexion sur l’apprentissage de la musique déterminé par le genre : « Pour les filles, il y a beaucoup de travail perso en amont, parce qu’on a l’impression d’avoir besoin de savoir jouer pour être dans un groupe. Alors qu’il y a plein de mecs qui apprennent direct comme ça. Ils démarrent et ne savent rien faire à part un accord quoi » (Kroquette).
Ateliers Monte ton groupe 14/10/23 © Ange
Mis en place au Chabada depuis deux ans, l’atelier “Monte ton groupe” permet de réserver un espace de création et de rencontre exclusivement pour les femmes et minorités de genre. Le but est d’inviter à se projeter dans la pratique musicale, favoriser l’entraide entre tous·tes et légitimer leurs propos auprès du public et d’elles-mêmes afin de faire bouger, petit à petit, la scène actuelle angevine « Il commence vraiment à y avoir une émulation. Donc j’espère que ça va faire bouger les choses » (Kroquette). Ces initiatives produisent un véritable élan en termes de création féminine grâce aux liens noués entre actrices de cette sphère, et contribuent à changer notre regard, notre posture et développer notre réflexion autour des programmations musicales non mixte. « les prog de festivals moi j’y vais pas s’il n’y a pas au moins un groupe de meufs » (Marie). Cet atelier a d’ailleurs été une bulle de bienveillance pour Chris : « au niveau osmose, c’est super intéressant parce que tout le monde essaie de s’aider, essaie de communiquer ». Des apéros, un groupe WhatsApp où s’échangent les bons plans, un soutien entre tous·tes, travaillent à définir un cercle vertueux. « J’espère, hein, j’en ai vraiment marre de voir des concerts où il y a que des mecs » (Kroquette).
En revanche, la représentation d’une femme dans la musique et dans un espace public peut susciter des remarques de spectateurs, ou même de professionnels du monde du spectacle. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est produit : « C’était notre premier concert, on a plutôt bien joué. Le mec vient et se sent à l’aise pour me parler de ma position de batterie, limite un cours de batterie qui a quand même duré un bon 25 minutes. C’est le genre de trucs qu’on a quand on fait des concerts, et qui plus est, quand on est un groupe que de meufs. J’ai l’impression qu’ils se sentent pousser des ailes. Il n’est pas allé voir les batteurs des autres groupes » (Kroquette).
Pour toutes les trois, ce sont leurs expériences passées et l’envie de se démarquer des groupes de rock, très souvent masculins, qui ont mené à ce désir d’un groupe exclusivement féminin. Pour Chris, ses premiers groupes au lycée étaient avec des femmes, ce qui l’a aidé à prendre sa place et s’imposer. À l’inverse, Marie a vécu une expérience de groupe assez mauvaise avec des hommes : « J’ai eu un groupe qui a bien tourné sur Angers, j’avais 17 ans. J’avais l’impression de leur donner des cours de guitare pendant les répets. La communication était très difficile, on ne se comprenait pas ». Kroquette, quant à elle, ne voit au premier abord pas tellement de différences avec des groupes d’hommes. Pourtant, elle a commencé la musique avec des groupes féminins, ce qui lui a permis de débuter plus sereinement : « je trouve qu’il y a vachement moins le délire de la technique, d’être en concurrence, de montrer qu’on fait le plus gros solo de ouf, d’avoir le plus gros matos. […] ça rendait le truc plus léger et intuitif ». Ce qui lui plaît particulièrement, c’est la façon de composer. Selon elle, là où les garçons vont vouloir coller à un style technique et stéréotypé, les femmes lui paraissent plus libres et finalement plus originales dans leur création. « La musique, c’est d’abord un truc qui se ressent, et mettre de la technique après ça rajoute une couche de magie dessus ».
Et c’est ce qui fonctionne si bien dans leur groupe : « On a trouvé notre langage » (Kroquette). Leur style rock, plutôt alternatif, s’est ensuite dévoilé assez vite. « On a commencé par faire des reprises. Pour s’apprivoiser un peu, c’est quand même moins intimidant. Et après chacune a composé un peu » (Marie). Avec désormais 8 compos à leur actif en 6 mois d’existence « On a des chansons trop mignonnes et d’autres vraiment hyper dark ! » (Marie), elles sont prêtes pour leur prochaine date début 2025 !
Rédaction : Angélique Meih et Héloïse Nouet
Illustration : Mélissa Tricot, aka Syno
Héloïse :
Après quelques années à voyager, c’est à Angers qu’Héloïse s’est installée. Photographie, écriture, radio elle est un peu touche à tout ! Son domaine de prédilection : la culture et donc la musique, c’était un peu une évidence d’être bénévole au Chabada quoi…
Angélique :
Passionnée d’art et d’événements culturels depuis toujours, c’est tout naturellement qu’elle a voulu en faire son métier. Vous la croiserez dans les salles obscures du cinéma, durant les concerts de Chabada, dans les festivals du coin, et plus encore !
Mélissa Tricot, aka Syno est illustratrice et autrice. Si elle a souvent un stylet à la main, c’est toujours en musique – et avec un volume manifestement trop élevé – qu’elle rythme ses journées. C’est d’ailleurs son admiration pour les designs d’albums et affiches de concert qui lui a donné envie de travailler dans les arts visuels !