CERCLERE : Les Loco ont 1 an. Et quelque…

21.05.2021

Les locaux de répétition de la Cerclère viennent de fermer leurs portes définitivement. Ils avaient ouvert en 1990, c’était le premier équipement municipal confié en gestion à l’ADRAMA. En 1991, le Yéty (magazine d’information de l’association) faisait le bilan de cette première année. Revoici le texte original, paru dans le numéro de mars 1991, avec nos commentaires en rouge.

Les loco ! (les fous en espagnol). C’est le nom de baptême des locaux de répétitions que la Mairie a aménagés dans l’ancienne ferme de La Cerclère. L’aDRaMa gère ce lieu depuis un an. Nous avons embauché deux personnes pour l’accueil des groupes, mais aussi pour tout le travail administratif et comptable de l’asso. Interviou-bilan avec F. Jonquet, le gestionnaire depuis l’ouverture. 

Il y avait toujours deux personnes en 2020 en alternance pour l’accueil des groupes et le travail administratif, mais François Jonquet était monté en grade puisqu’il est aujourd’hui co-directeur du Chabada.

 

Combien de groupes sont passés ici depuis l’ouverture ?

Une quarantaine.

On a arrêté de compter il y a bien longtemps. Probablement des milliers. On comptait environ une centaine de groupes utilisateurs de la Cerclère par  an. 

Et combien sur ces quarante répètent régulièrement ?

Une trentaine.

Entre trente et quarante également. Les autres faisaient des apparitions plus sporadiques.

Est-ce que ce sont uniquement des groupes d’Angers ?

Oui, on peut dire de l’agglomération même si certains musiciens viennent de plus loin. On a même eu droit à la visite d’Hubert-Félix Thiéfaine pour travailler avec de nouveaux musiciens, et dans un autre style les Mega City Four qui ont répété avant d’aller enregistrer leur dernier album à Berlin.

Là-aussi, la plupart des musiciens venaient d’Angers et les environs. Mais nous avions aussi des groupes dont les membres vivaient à Nantes, Rennes ou Le Mans et qui se retrouvaient à mi-chemin à Angers pour répéter. Et si on peut jouer au name-dropping, on a eu les Tinariwen qui sont venus répéter à la Cerclère, les Islandais psychédéliques de Dead Skeletons et le New-yorkais Cochemea Gastelum, saxophoniste des Dap-Kings qui a joué sur l’album d’Amy Winehouse et tourné avec Prince, et qui sort bientôt un nouvel album sur le label Daptone. Et ouais…

 

Quels sont les styles de musique que tu perçois derrière les doubles portes ?

Rock, principalement quand même mais ça passe aussi par la pop, le funk, le latino, la new-wave, le rhythm’n’blues, de tout quoi !

Même chose, avec aussi du rap, du reggae, de la chanson, du metal, du blues, du grindcore, du jazz, du zouk. On a même eu un joueur de cornemuse qui faisait plus de boucan que tous les groupes de metal réunis.

 

Est-ce qu’il y a des groupes de bal ici ?

Un ou deux, ceux qui font plutôt dans la musique tropicale.

Lesdits groupes avaient dû lire cette interview, on ne les a plus revus.

Est-ce que c’est vraiment dans l’optique de l’aDRaMa ?

En théorie, ils font une musique électrique, donc ils peuvent rencontrer les mêmes problèmes pour répéter, mais effectivement ils ne sont pas prioritaires dans la mesure où ils ont plus une démarche commerciale que créative.

De manière générale que pensent les musiciens de ces locaux ?

Il est clair que le besoin était évident. Les premières constatations des gens sont plutôt positives, locaux bien faits, c’est super, quoi ! À l’usage on constate tous qu’il y a quelques petits points techniques à améliorer tout en sachant que c’est une ancienne ferme et pas du neuf.

Ah l’extase des débuts…

Des exemples ?

Certains locaux sont vraiment petits pour être occupés par deux groupes qui laissent leur matériel. Sinon, cet été on suffoquait au premier étage. Manque de ventilation efficace ou d’air climatisé. Il faut dire qu’il n’y a pas de fenêtres à cause du bruit. Et puis tiens, le bureau par exemple, il est bien trop petit, impossible d’être plus de deux.

En été, on suffoquait, et en hiver on gelait. Les locaux de La Cerclère étaient parmi les premiers locaux de répétition financés par une municipalité en France, il n’y avait donc alors pas beaucoup de points de comparaison. Aujourd’hui, de nombreuses villes ont des bâtiments réfléchis et conçus pour la répétition, avec les volumes, l’acoustique et l’équipement adaptés. Les locaux de la Cerclère étaient un outil vieillissant qui ne correspondait plus aux besoins des musiciens d’aujourd’hui. Et le bureau dont parle François est devenu un placard à balais après quelques années, ça donne une idée de sa taille.

Est-ce que tous les groupes sont logés à la même enseigne ?

Dès l’ouverture on avait déjà une liste de groupes à la démarche professionnelle ou quasi-professionnelle (concerts, enregistrements) qui avaient besoin de travailler très souvent. Ceux-là se sont partagé sept des neuf locaux. C’est ce qu’on appelle chez nous les locaux au mois. Chacun de ces sept locaux est utilisé par deux ou trois groupes qui s’organisent entre eux pour les horaires. Ils sont un peu chez eux et ils laissent leur matériel sur place. Restent donc deux locaux pour les groupes de passage avec un tarif de location à l’heure, dégressif sur une semaine.

En 2020, il n’y avait plus que cinq locaux au mois, partagés par une dizaine de groupes. Trois locaux (dont deux équipés de batterie, amplis, etc.) attendaient les groupes de passage. Et le neuvième local était devenu un bureau.

As-tu déjà refusé du monde faute de place ?

Oui, plusieurs fois, par manque de locaux au mois et puis aussi pour des raisons pratiques, comme la taille des pièces ou le nombre d’heures d’ouverture par jour, il y a des groupes qui ont besoin de travailler toute la journée. Pour les locaux de passage, il y a des créneaux horaires qui sont très embouteillés comme après 18h00 et les week-ends. Donc il y a une petite règle à respecter pour s’inscrire (pas plus d’une semaine à l’avance), il y a forcément des frustrés.

Quand le standard des locaux ouvrait le lundi à 14h00 pour les réservations de la semaine suivante, bien des fois tous les créneaux en soirée étaient réservés en moins de 20mn.

À quel moment as-tu senti la saturation ?

À la rentrée, en septembre-octobre. Je pense que les gens ont entendu parler des « Loco » et puis il y a eu des nouveaux groupes qui se sont formés. C’est peut-être dû au fait qu’ils savaient où ils répéteraient.

Des groupes sont même nés à la Cerclère, entre formations qui partageaient un même local. Deux exemples qui ont plutôt bien mené leur barque ensuite : Hint et Zenzile.

Comment répondre à la demande ?

En ouvrant plus tard le soir jusqu’à minuit et puis plus d’heure le week-end. Ça veut dire embaucher un deuxième mi-temps (en plus de Seb, le bassiste d’Hydrolic Systems qui fait déjà le week-end).

En 2020, nous étions deux permanents à 80% (et quelques renforts de temps en temps) pour tenir l’ouverture du lundi au samedi de 14h00 à 22h00 (20h00 les samedis et jours fériés) toute l’année, sauf la première quinzaine d’Août.

En avez-vous les moyens financiers ?

C’est une question de priorités car ouvrir plus pour nous ne rentabiliserait pas l’embauche d’un deuxième mi-temps. Donc si on fait ça, c’est pour le service rendu avant tout. C’est vraiment un choix de priorités, à moins de toucher plus de subventions.

Nous comptons utiliser ce dernier argument lors de notre prochaine demande d’augmentation.

Tiens, parlons-en des subventions. L’aDRaMa est-elle un organisme municipal ?

Certainement pas et on n’est pas les premiers à bénéficier d’une mise à disposition de bâtiments et de subventions. La municipalité n’intervient absolument pas dans la vie de l’association, et puis je crois que l’on peut être fier de boucler cette première année avec un auto-financiement de 50% malgré de gros investissements en matériel informatique. Et puis on reçoit de petites subventions de la D .R.A.C et de la DDJS.

Toutes les activités du Chabada sont gérées par l’association ADRAMA dans le cadre d’une Délégation de Service Public culturel de la Ville d’Angers, de conventions avec la Direction Régionale des Affaires Culturelles et du financement du Conseil Régional des Pays de la Loire et du Département de Maine-et-Loire. On avoue, on a copié/collé ça d’ici.

J’entends parler de stages que vous avez organisés…

On a effectivement testé la formule cette année avec un stage de sonorisation en juillet. Ça coûte cher et on ne peut faire payer le prix de revient à chaque stagiaire. L’aDRaMa doit couvrir la moitié des frais engagés. Il faut dire que ces stages sont faits dans une optique générale de professionnalisation du milieu musical. On a déposé des dossiers pour pouvoir financer cette année toute une série de nouveaux stages.

Désormais, les stages et ateliers ont lieu aux studios Tostaky. On espère qu’ils vont bientôt pouvoir reprendre. Plus d’infos ici.

Tu n’es pas seulement concierge alors ?

Pas vraiment et même de moins en moins depuis septembre, malgré ou à cause de l’informatique, j’ai beaucoup de secrétariat à faire, plus toute la comptabilité. Je joue aussi les agences de renseignements au téléphone, et puis je fais profiter dans la mesure du possible les groupes de notre ordinateur pour réaliser les pochettes de disque, les affichettes, tracts, press-books, contrats.

Aujourd’hui, le moindre musicien avait un téléphone plus puissant et performant que notre vieil ordinateur. Mais on faisait toujours l’agence de renseignement téléphonique. « Locaux de la répétition de la Cerclère, bonjour ? »

Interviou by « the good son »
Commentaires par Kalcha