Il y a quelques années, j’avais assisté à une conférence où l’intervenant expliquait que l’irruption d’Internet dans nos vies quotidiennes allait transformer nos sociétés d’une manière aussi profonde et radicale que l’arrivée de l’électricité à la fin du 19ème siècle. Et c’est sûr que la Toile répond aujourd’hui à un paquet de nos problématiques de tous les jours, de l’accès aux services publiques jusqu’à l’aide aux devoirs des enfants, en passant par nos divertissements ou nos relations sentimentales. Et pourtant, n’en déplaisent aux adorateur·rices inconditionnel·les du Cloud, de l’IA et des méta-données, non, tout ne se trouve pas (encore) sur Internet. J’en ai fait la douloureuse expérience en préparant la rencontre autour du livre sur Black & Noir qui avait lieu demain au Donald’s Pub (quand j’ai écrit ces lignes) ou hier (quand vous les lirez).
Impossible par exemple de mettre l’oreille sur un paquet de chansons de groupes angevins ou français des années 80/90, que ce soit sur les plateformes de streaming officielles ou même dans des versions à l’arrache sur YouTube, alors que je les possédais toutes en vinyles, CD ou K7. Tout un pan de la culture indé est donc absent de notre cerveau virtuel collectif, et donc potentiellement amené à disparaître totalement avec ces supports d’origine. Le tout dans l’indifférence générale, voire -plus triste encore- dans l’ignorance la plus absolue. Parce que la frontière peut être fine entre « on ne sait pas que ça a existé » et « ça n’a jamais existé ». Et que l’IA ne base ses réponses que sur ce qu’elle trouve dans la giga-base de données. D’où l’importance des labels de réédition, des missions patrimoniales (allez faire un tour sur Clip49 !), des remises en circulation de la culture oubliée, et des articles sur la scène angevine (vive moi !).
On ne remerciera donc jamais assez le label Nineteen Something de dépoussiérer ces trésors du passé pour les rendre disponibles sur le serveur mondial. Vous pouvez donc désormais (ré)écouter l’intégralité des 45-t sortis par le label angevin Black&Noir entre 1990 et 1992 dans le cadre de son « Club Single », compilés en streaming et en CD, pour accompagner la sortie du livre de Patrick Foulhoux sur cette incroyable aventure du siècle dernier qui a permis à pas mal de groupes d’ici ou d’ailleurs (dont certains connaîtront ensuite de belles carrières) de faire leurs premiers pas discographiques (Burning Heads, Dirty Hands, Drive Blind…). D’autres, absents de cette compilation, restent encore à remettre en circulation pour mieux comprendre notre présent, comme les Angevins The Drift (dont les membres officient aujourd’hui dans Scenius, Black Boiler et Frank And The Machines), Boochon (Des Lions Pour Des Lions, DA Pontcé), Bepi Faliero (Hint) ou Outburst Of Cosmic Sounds (Kham Meslien, Zenzile)), mais aussi l’excellent premier album des Deity Guns de Lyon, ou encore la mythique compile « Enragez-vous ! ». Bref, au boulot !
De l’importance aussi de garder des traces écrites et/ou audiovisuelles de collaborations ponctuelles qui peuvent parfois en dire long sur les groupes concernés. Au printemps dernier par exemple, le groupe Rouquine avait invité Joanne O Joan à les rejoindre pour le tournage de l’émission nantaise La CoLAB. Personne ne se doutait alors que Nino Vella, une moitié de Rouquine, allait tragiquement nous quitter au début de l’été. Cette émission restera donc comme le témoignage éloquent que la musique rassemble les gens et leur apporte une énorme dose de bonheur communicatif. Et vu comment tourne le monde ces temps-ci, autant vous dire que chaque petite dose est déjà bonne à prendre !
On l’attendait depuis un bail, ça y est, Michelle et Les Garçons ont enfin annoncé la sortie de leur premier album pour le 14 mars prochain. On y retrouvera probablement ce « Cœur au Diable », dernier single en date, dont le refrain imparable devrait encore enfiévrer les corps pendants les concerts. Un grand bravo également pour ce clip de haute facture, signé Benjamin Pépion aka Stav, qui réussit à transporter le groupe dans un univers différent (en mode chevalière et ménestrels façon Mylène Farmer de la grande époque) tout en restant très cohérent avec leur image arty et décalée.
On se demande toujours comment fait Stav, malgré son air du type qui vient éternellement de se réveiller, pour abattre autant de boulot. En plus des jolis clips pour les autres, le bonhomme vient quand même de sortir un excellent premier album « Contretemps » et clippé plusieurs de ses morceaux de son côté. Et on sent que Stav a mis beaucoup de lui dans ce disque, prenant définitivement le large avec ce qui le retenait dans le passé. Plusieurs de ces morceaux ont en tout cas un gros potentiel tubesque, toujours entre profondeur et naïveté, entre mélancolie pop et envie de faire la fête. Comme en atteste ce dernier single, « Couleur à toi », dont le clip très malin (réalisé par Josic Jégu) explore tous les personnages de Stav ces dernières années (allez remater tous ses vieux clips sous son nom ou sous Rezinsky, vous allez vous marrer).
Admirez ce sens de la transition : clip de Stav réalisé par Josic Jégu, qui est également guitariste chez… Fragile qui a annoncé il y a quelques semaines ses dernières dates (dont une avec Hint à Nantes ce week-end) avant un moment, le temps de se plonger dans la composition de leur prochain disque. Pour clôturer ce premier chapitre de leur carrière, le groupe est d’ailleurs retourné sur les lieux du tournage du premier clip tiré de son premier EP pour y filmer une live-session de « Model », qui montre à quel point le groupe a pris en épaisseur et en assurance depuis sa création. Pas pour rien que le groupe est cité un peu partout comme les grands espoirs français de la scène émo-core… Inutile de dire qu’on sera là à leur retour dans les bacs.
En voici un autre qu’on a attendu longtemps : Arcania vient enfin de lâcher son troisième album (en quasi 25 ans de carrière, on ne pourra jamais leur reprocher de se précipiter…). Mais quel album ! Ce « Lost Generation » réussit l’exploit de mettre tout le monde d’accord, des fans invétéré·es de metal aux néophytes qui aiment à s’encanailler de ci de là, grâce à un équilibre toujours maîtrisé entre musique ultra-technique et mélodies irrésistibles. Sans parler de la production absolument énorme qui fait sonner ce disque comme les plus grands chefs-d’œuvre du genre depuis les années 90 (Metallica ou Machine Head en tête, pour donner une idée aux non-initié·es). Ça blaste à tout va, ça tonne, ça se déchire les cordes vocales et de guitare, ça propulse au milieu d’un stade en furie, bref, c’est jubilatoire. Bravo !
Ce son de dingue du dernier album d’Arcania, c’est à David Potvin qu’on le doit. Le sorcier des manettes du Dome Studio et guitariste en chef des groupes Lyzanxia, One-Way Mirror, Phaze 1 ou Bad Rescue a par ailleurs récemment composé la musique d’un court-métrage intitulé « Bedtime Stories », absolument pas metal pour le coup, mais qui devrait ravir tous·tes les fans des ambiances à la Tim Burton, ça fait donc pas mal de monde ! À noter que ce joli petit conte d’Halloween a été réalisé par Cyril Taussat à l’aide de l’Intelligence Artificielle. Comme quoi je ne suis pas rancunier.
Rédaction : Kalcha