Des Lions Pour Des Lions : Comme des fauves en cage
Ils sont dans les starting-blocks. Des Lions Pour Des Lions sortent « Derviche Safari », leur premier album, le 30 Mars prochain sur le label angevin MaAuLa. Autant vous dire que les membres de la fanfare-punk tournent en rond en attendant de pouvoir vous présenter enfin leurs nouveaux morceaux. On a donc bravé ces grands fauves pour aller leur poser quelques questions. Entretien à bâtons rompus (et mordillés) avec Babette (saxophones, chant) et Momo (percussions). Ca les fera peut-être patienter un peu jusqu’à la release-party au Chabada le 3 Avril…
Le groupe existe officiellement depuis 2010. Votre premier album ne sort qu’en 2018. Vous devez être sur des charbons ardents?
Babette: Oui, on a hâte! Mais on a vraiment l’impression que le groupe a eu une seconde naissance il y a deux ans avec l’arrivée de Freddy à la guitare dans le trio qu’on formait alors avec Momo, Bouchon et moi. Ca a beaucoup fait évoluer notre son. Ca nous a ouvert plein d’horizons nouveaux. Auparavant, ce projet était surtout une sorte de défouloir à idées, on adorait tenter des trucs, mais on n’a jamais trop rien fait pour développer le projet. Là, on est enfin entourés de partenaires qui nous aident à avancer (label, booker…). C’est une nouvelle dynamique, ça n’a plus rien à voir!
Momo: Freddy a plusieurs casquettes. C’est un très bon guitariste, capable de jouer plein de choses différentes, des choses très rock comme des trucs très fins, juste des textures de son pour enjoliver une atmosphère. Ca a enrichi le spectre sonore qu’on pouvait avoir. Auparavant, on n’avait que des sons percussifs et secs, comme des impacts, avec les cuivres et les percussions, aucun son long. Ca change donc beaucoup de choses. Ca permet aussi plus de mélodie. Et Freddy est aussi ingénieur du son. C’est d’ailleurs comme ça qu’on l’a rencontré, via tous les groupes de copains qu’il avait enregistrés (Titi Zaro, The Loire Valley Callypsos…). Il a donc une oreille différente de la nôtre. Il nous cadre un peu plus, tout en nous laissant beaucoup de liberté, en s’adaptant à nous.
Je trouve votre univers assez proche du mouvement dada. C’est quelque chose que vous revendiquez?
Babette: Oui, ça nous parle à fond. J’aime bien les écrits de Tristan Tzara, l’un des fondateurs du mouvement dada. Et je suis une grande fan du compositeur Erik Satie, qui était proche de ce mouvement également. Dada, ça renvoie aussi au côté enfantin en chacun de nous, à l’humour, à l’absurde, au non-sens, au non-respect des règles, à la liberté. Ce sont des choses qui font écho en nous. Peut-être que notre côté dada vient du fait qu’avec Bouchon on écoute et on joue pas mal de classique pour nous entraîner avec nos instruments. Sauf qu’on vient d’une culture beaucoup plus punk-rock à la base. On n’a pas tout le background des instrumentistes classique, et donc on bouscule forcément un peu plus ces codes, parce qu’on ne les maîtrise pas bien.
Vous reprenez d’ailleurs un morceau de Mozart sur le disque et un autre du compositeur anglais Purcell. Et finalement ça sonne parfaitement comme vos autres compositions!
Babette: C’est cool! Le morceau de Mozart ne fait pas partie de ses « tubes ». C’est un truc qui était déjà assez ludique à la base, avec des choeurs en canon. Ca nous correspondait bien. C’est un morceau qu’on jouait déjà sur scène. On avait envie de le mettre sur l’album.
Momo: Le morceau de Purcell, ça vient un peu d’une commande. On devait jouer à l’Abbaye de Fontevraud, et il fallait jouer un morceau de classique. Bouchon a eu envie d’essayer ce morceau de Purcell, parce que c’est l’oeuvre qui a inspiré Walter/Wendy Carlos, pour le thème principal de la BO du film « Orange Mécanique » de Stanley Kubrick. C’est aussi possible de jouer ces trucs parce que Freddy peut également jouer de la guitare classique, et qu’il sait tout à fait trouver sa place dans une composition comme celles de Purcell ou Mozart. Et finalement, même dans la musique classique, on retrouve très rapidement cette notion de transe qui nous plaît tant. La répétition, l’évolution, l’explosion…
La reprise de « Sweet Black Angel » des Rolling Stones, c’est suite à votre participation à la soirée « Sors Tes Covers: Beatles vs Stones » il y a trois ans?
Babette: Oui, ce morceau, c’est un double plaisir. Parce que c’est un titre des Stones qu’on aime beaucoup jouer, et qu’on a souvent fait sur scène depuis la « Sors Tes Covers ». Et c’est surtout un morceau qui parle d’Angela Davis, une militante américaine pour les Droits Civiques dans les années 60. Et on est super fans de cette femme. Dans nos autres morceaux où on utilise du chant, on fait bien plus attention à la musicalité des mots, à ce que peut provoquer leur imbrication ensemble, qu’au sens qu’ils ont. Mais pour Angela Davis, on pouvait faire une exception! (rires)
On a l’impression que tout peut arriver avec vous?
Babette: C’est sans doute quelque chose qu’on a attrapé à force de jouer dans la rue. Quand tu déambules dans la rue, tu dois composer avec ce qui va se passer pendant que tu joues. Tu n’es pas protégé comme sur une scène avec les lumières dans les yeux qui t’empêchent de trop voir le public. Quand tu joues dans la rue, tu peux tomber nez à nez avec une mamie au look improbable et ça va forcément t’inspirer. Tu ne peux pas faire comme si de rien n’était. Tu dois inventer. Donc on a beaucoup appris à cette école-là. On accepte l’imprévu, l’accident. On aime bien jouer sur ce fil. Mais au final, c’est drôle, parce que je pense que ça nous permet de toucher des publics très différents. A la fin des concerts, on a parfois des fans de jazz à la Don Cherry ou The Art Ensemble Of Chicago qui viennent nous voir pour nous féliciter, et on a aussi des gamins à donf dans la techno qui viennent nous dire qu’ils ont trouvé ça hyper transe! (rires)
Vous sortez l’album sur le label MaAuLa. Comment les avez-vous rencontrés?
Babette: Je joue avec Antoine dans Titi Zaro. C’est le batteur de The Loire Valley Callypsos et l’un des fondateurs du label MaAuLa. On cherchait un label, et eux avaient envie d’ouvrir un peu leur ligne éditoriale, qui était plus axée sur des musiques folkloriques (calypsos, mento, cumbia, etc.) détournées. Et on a tout de suite bien aimé leur façon de fonctionner. De par nos parcours et nos instruments, on n’avait jamais vraiment été assimilés à une famille musicale précise. On n’a jamais été pop, ou metal, ou rap, ou je ne sais pas quoi. On a toujours été au milieu du gué, à écouter tous ces trucs, à en jouer parfois, mais jamais intégrés dans un groupe de gens précis. Ca nous a même peut-être parfois un peu manqué. On était un peu isolés. Du coup, avec toute la clique du label MaAuLa, The Loire Valley Callypsos, Titi Zaro, on a vraiment trouvé des gens qu’on comprend et qui nous comprennent, et qu’on aime beaucoup. C’est donc génial d’avoir des gens comme ça comme label, en plus dans sa ville. C’est un luxe, un confort de travail. Ca met en confiance, ça motive.
Notre chronique de « Derviche Safari » à lire le 30 Mars.