LEVITATION FRANCE : L’OPÉRA COSMIQUE / INTERVIEW AVEC MARION GABBAÏ (PROGRAMMATRICE)

24.04.2024

On démarre bientôt la deuxième décennie du festival Levitation France. Et on la démarre en grande pompe avec l’annonce de deux têtes d’affiche très attendues : le retour des ténors de la pop cosmique de Fat White Family (qu’on avait déjà accueillis en 2019) et surtout le duo déglingo Sleaford Mods et sa poésie techno-punk. On a donc voulu rencontrer Marion Gabbaï, programmatrice du festival depuis 2017, pour se mettre encore un peu plus dans l’ambiance…

Tu es devenue la programmatrice du festival Levitation France après quelques éditions. Tu peux nous rappeler comment tu as rejoint l’aventure ?

Pour être honnête, quand j’ai rencontré Doudou de Radical, c’était pour travailler avec lui sur le festival Rock en Seine. Et puis, finalement, il m’a dit que c’était ok, mais qu’il me confierait bien également la programmation du festival Levitation ! Je connaissais bien le festival car j’y plaçais souvent des groupes du catalogue de ma boite de booking depuis la première édition. Les premières années, c’était Rob Fitzpatrick, le fondateur du festival à Austin avec les Black Angels, qui s’occupait également de la prog à Angers. Mais ça devenait compliqué à gérer pour lui, surtout à distance, c’est pour ça que je suis arrivée dans l’aventure.

 

Cette année, on sent un bel engouement pour les têtes d’affiche, notamment Sleaford Mods qui vient pour la première fois.

Tant mieux ! (rires) C’est la plus grosse difficulté pour Levitation : trouver des têtes d’affiche sur la route et pas trop chères, capables néanmoins de créer la bascule en terme de billetterie. C’est même la raison principale qui a fait qu’on a décalé le festival de septembre à juin, pour élargir le panel des possibilités. On a bien vu l’an dernier, avec Altın Gün et The Dandy Warhols, qui étaient probablement les deux groupes les plus « gros » qu’on n’ait jamais programmés, que ça faisait la différence pour le public vu qu’on a été complet sur les deux jours. Pour Sleaford Mods, ça faisait un bout de temps qu’on les avait en tête, parce qu’on adore et qu’on voyait bien qu’ils remplissent partout, mais ça représente quand même un petit pas de côté pour Levitation, car avec eux on s’éloigne clairement du rock à guitare ou du psychédélisme. Mais ça fait déjà quelques années que le festival fait de la place à toutes sortes de chapelles du rock indé ou de l’electro. Bref, tant mieux si les gens sont impatients de les voir !

 

© Crédit photo : Philippe LEVY

Comment justement on ouvre la programmation d’un tel festival, au départ revendiqué comme un festival de rock psyché, sans en perdre l’ADN ?

C’est effectivement parfois un grand écart un peu délicat. Disons qu’on a la chance d’avoir un public curieux, et que ça nous laisse par conséquent une certaine liberté de programmation, de la pop americana à l’electro-dark-wave. On essaie néanmoins toujours d’avoir quelques marqueurs psyché assez forts dans la prog, pour ne pas non plus perdre la ligne de départ. Par exemple, cette année, on aura à nouveau les Japonais d’Acid Mothers Temple qui font dans le psychédélisme pur jus. Ça contrebalance Sleaford Mods, pour que tout le monde trouve toujours chaussure à son pied. Programmer à Levitation, c’est clairement ça, essayer de trouver des équilibres sur le festival, et sur chaque jour du festival, entre les différentes facettes des musiques qu’on a envie de défendre. De toute façon, avec entre 7 et 10 groupes par jour, on est bien obligé de chercher du relief, sinon ça deviendrait vite monotone et redondant.

 

Levitation France, c’est quand même l’exemple parfait du festival duquel tu repars avec en tête un groupe différent de celui pour lequel tu étais venu·e…

C’est bien l’illustration de ce que je mentionnais plus haut : on a la chance d’avoir un public très curieux, qui est friand de découvertes. On le voit d’ailleurs juste au fait que les gens arrivent très tôt sur le site du festival, ils ne viennent pas que pour les têtes d’affiche.

© Crédit photo : Ameline Vildaer

En 2013, quand le Levitation est arrivé à Angers, plusieurs autres festivals autour des musiques pysché se sont montés en France et dans le monde. Aujourd’hui, c’est un des derniers encore actifs. Tu as une explication à ça ?

Je pense que c’est surtout dû au fait qu’à Angers, ça ait été porté dès le début par des structures reconnues, qui savent faire, et surtout qui ont envie de le faire. Que ce soit l’équipe du Chabada ou celle de Radical, on sent bien la passion et l’énergie que tout le monde y met pour que ça se fasse coûte que coûte. On est sur des musiques de niche, donc forcément avec une économie fragile, qui ne génère donc pas vraiment de profits. Le festival n’existerait donc clairement pas sans l’engagement des deux structures qui le portent. Ça pousse tout le monde dans la même direction !

 

© Crédit photo : Ameline Vildaer

RDV les 24 et 25 mai pour la 11e édition de Levitation France !

Infos et billetterie : levitation-france.com