Eustache

Le Chab et moi, trente ans déjà ! (Partie 2/6 : 2000 – 2004)

03.04.2024

J’avais quinze ans quand le Chabada a investi le site des anciens abattoirs de la ville d’Angers. Depuis, il est là, à mes côtés, comme le témoin silencieux de chacune des étapes de ma vie. Son trentième anniversaire est l’occasion pour moi de faire le récit de notre aventure commune…

Je suis plusieurs fois retourné au Chabada avec mes parents. J’y ai acclamé Noir Désir, Louise Attaque et Yann Tiersen. Et j’y ai découvert Marcus Miller, Maceo Parker et Nada Surf – et Magma, aussi, sauf que là on ne peut plus parler de découverte mais carrément d’épiphanie.

Pourtant, la relation intime que je nouerai pendant trente ans avec Le Chabada n’a pris cette tournure singulière qu’en 2000, l’année de mes vingt-et-un ans. Je venais de prendre mon indépendance – toute relative, tant mon frigo de l’époque débordait de ces tupperwares pleins de légumes et de viandes mijotées que ma mère apportait toujours dans un sourire. J’étais inscrit à la fac de droit, sur le campus de Saint-Serge, et j’avais noué quelques amitiés solides – bien qu’elles fussent le plus souvent liquides, d’abbaye ou à triple fermentation. J’occupais un petit studio non loin de la place Ney. C’était un appartement certes coquet mais suffisamment proche du Chabada pour faire office de camp de base très prisé les soirs de concert.

Avec mes potes, nous nous étions accordés sur un rythme d’un concert par mois, avec des pointes à deux ou trois quand les finances nous le permettaient.

Nous avons ainsi vu Saez, FFF, Sanseverino, K’s Choice, Paris Combo, Lhasa, Luke, Emilie Simon, Alexis HK… Nous étions comme chez nous au Chabada. À chaque fois, nous devions y claquer dix paires de bises et y échanger au bas mot vingt poignées de main avant d’enfin toucher le Saint-Graal : notre verre de bière d’avant concert, lui aussi toujours servi dans un sourire. J’aimais particulièrement ce bref instant après mon entrée dans le club : dans mon dos, le bruit étouffé des portes battantes qui se referment ; au-dessus de moi, cette lumière si particulière, à la fois noire et tamisée ; et sous mes yeux, cette foule de gens si heureux de bientôt passer, tous ensemble, le même bon moment.

C’est à cette époque que j’ai pu esquisser une classification fine des amateurs de concerts. Selon moi, le gros des troupes est constitué de ces diesels au temps de préchauffage un peu long mais qui, une fois lancés, deviennent de véritables machines : un diesel tiède en début de concert peut parfaitement se muer en leader d’opinion convaincant pendant l’hystérie collective des rappels.

À côté d’eux, il y a les stoïques, pour qui la musique est une expérience intime qui se vit de l’intérieur, droit comme un i, et les exubérants, qui se déhanchent du début à la fin comme si la musique était en péril et méritait bien à ce titre un dernier baroud d’honneur. Il y a aussi le grand, qui décide invariablement de s’installer devant toi parce que d’ici on voit bien, le maladroit, qui rôde tout autour de toi avec cette bière dangereusement pleine à la main, ou le couple, toujours en retrait et pour qui la musique est visiblement plus chouette quand on se sert fort fort fort.

Mais le soir du concert de Lofofora, en 2004, j’ai compris que ma classification était incomplète : il y manquait Marie, l’amie d’un ami d’une amie, dont je suis tombé amoureux à l’instant même où je l’ai vue, alors que j’attendais au bar une bière que j’ai finalement oublié de boire, rapport à l’émotion.

LIRE PARTIE 1 – Le Chab et moi, trente ans déjà : 1994-1999 !

Rédaction : Stéphane Mouton
La passion de l’écriture est un jour tombée sur les épaules de Stéphane ; c’était un jour de beau temps, quoiqu’un peu frais pour la saison. D’abord attiré par la nouvelle, il a finalement commis l’irréparable : écrire un roman, aujourd’hui auto-édité. Il est par ailleurs photographe bénévole au Chabada et musicien à ses heures perdues.

 

Eustache
Eustache, le Fanzine des bénévoles du Chabada, s’intéresse à celles et ceux qu’on n’entend pas forcément au Chabada. Vous ! Les usager·es de ce lieu. Spectateur·rices, passionné·es, musicien·nes amateur·rices, membres de la scène locale, ce Fanzine veut mettre en lumière tout ce qui vous fait aimer cette salle bientôt trentenaire.