Il fallait bien l’abominable homme des neiges pour bousculer à la fin des années 80 une municipalité peu complaisante vis-à-vis des nouvelles musiques qui commencent à inonder les radios dites libres.
Aux manettes du 1er numéro de cette publication datée d’octobre 1988, une bonne partie de l’équipe fondatrice de l’ADRAMA, créée quelques mois plus tôt par la réunion de plusieurs associations engagées dans l’organisation de concerts et de manifestations culturelles. Bien que de confessions musicales diverses, les membres de l’ADRAMA s’accordaient tous sur un point : Il n’y avait rien à Angers pour jouer et faire jouer du rock. Et comme les responsables municipaux de l’époque ne bougeaient pas, ils ont décidé de secouer le cocotier.
Profitant d’un climat politique plus favorable au développement culturel (Merci François & Jack), l’ADRAMA, à travers le YÉTI notamment, milite dès cette première publication pour “obtenir la réalisation et la gestion de locaux de répétition et d’une salle de concerts” (édito du Yéti °1, daté d’octobre 1988). Des militants donc, mais des militants bâtisseurs qui souhaitent non seulement que s’élèvent des murs pour produire et écouter de la musique, mais qui veulent également en avoir les clés sans tutelle politique.
© croquis de Raoul Gouache -Yéti de décembre 1988
De telles velléités ne sont bien évidemment pas du goût des élus alors en poste à la mairie d’Angers, qui souhaitent inscrire le projet dans un cadre plus global d’ouverture vers la jeunesse. Seulement, voilà, les François, Olivier, Eric, Philippe, Frédéric, Stéphane, Gilles, Jean-Paul et autres ne sont déjà plus des minots et souhaitent que leur projet s’adresse à tous, et pas seulement aux jeunes.
Friture sur les ondes pendant plusieurs mois (… années) malgré l’ouverture des locaux de répétition de la Cerclère en 1990. Les mois passent mais le YÉTI continue son travail de démarginalisation de la musique rock en réclamant bien évidemment toujours une salle, mais en mettant également sous les projecteurs la scène rock angevine alors très active (Thugs, Happy Drivers, Specimen et autres Shaking Dolls).
Il faudra attendre décembre 1991 et la diffusion sur les murs d’Angers d’une campagne d’affichage culottée pour qu’enfin les lignes bougent.
© Affiche de décembre 1991
Bousculé mais également amusé par l’action de force de l’association, Jean Monnier, alors édile d’Angers, accepte le principe de la réalisation d’une “salle adaptée aux rocks et aux musiques non-institutionnalisées (vivantes)”.
Finalement, la “Salle à faire”, sera faite et c’est en septembre 1994 que les portes du Chabada s’ouvriront aux plus de 5 000 personnes présentes à l’inauguration. Pour fêter l’évènement, le YÉTI sort un numéro spécial. “Ce projet de Lieu vivant (…) est aujourd’hui une réalité” peut-on lire dans l’édito de septembre 1994. Victoire acquise, le YÉTI devient par la suite une publication phare pour qui veut connaître la programmation du Chabada ou les actualités musicales et culturelles de l’Anjou. Tiré alors à 10 000 exemplaires (3 000 à son lancement) et toujours gratuit, le YÉTI ne milite plus mais reste une source d’informations culturelles de référence pour les Angevins.
L’adoption massive d’Internet à la fin des années 90 et début 2000 provoque l’arrêt de nombreuses publications papiers, et le YÉTI ne fera malheureusement pas exception (dernière parution en décembre 1999). Dorénavant, l’actualité du Chabada et des groupes angevins sera visible dans la rubrique le Mag du site Internet du Chabada. Bien que disparu, le YÉTI reste un témoignage écrit d’une époque foisonnante d’énergie musicale et militante à Angers. Cette période où, guidée par le seul désir de faire et d’écouter du rock, une troupe de militants bâtisseurs a su faire d’un rêve une salle aujourd’hui trentenaire.
© Couvertures Yéti 1988, 1992, 1994 et 1995
Un grand merci à Olivier Bulard, François Delaunay, Philippe Teillet et Frédéric “Crayon” Tremblay pour le temps qu’ils m’ont accordé et pour ces échanges passionnants. Merci à Séverine et Coline du Chabada pour l’accès aux ressources documentaires.
Rédaction : Arno
Arno est un ado des années 90, amateur du rock des années 60/70 et boomer selon ses propres enfants !! N’a jamais pu trancher entre les Beatles et les Stones alors a décidé d’aimer les 2.