Voilà un disque dont on entend parler depuis un moment. Ce deuxième album des Eagles Gift aura connu plus d’un rebondissement dans sa conception mais il atterrit enfin sur votre platine aujourd’hui, vendredi 30 septembre. Les amateurs de psychédélisme ne seront pas déçus, le disque vrille la tête! Romain Lejeune, guitariste-chanteur et compositeur du groupe, revient sur tout ce qui s’est passé ces deux dernières années.
Ce deuxième album était annoncé depuis un bail. Pourquoi ne sort-il que maintenant?
En fait, les choses sont allées très très vite au début d’Eagles Gift. J’ai enregistré le premier disque tout seul chez moi, puis il a fallu monter un groupe en urgence pour jouer au premier festival Levitation en 2013. Suite à ça, on a été sollicités dans d’autres festivals à l’étranger (USA, Norvège, Écosse…). On a signé chez 3C pour le tour. La première année du groupe a été vécue la tête dans le guidon. À Austin, on a rencontré Brett Orrison, l’ingénieur du son des Black Angels et producteur pour leur label Reverberation Appreciation Society. Il a bien aimé notre musique, et il nous a proposé de nous aider à enregistrer ce qui devait au départ être un single ou un EP. Je me suis donc mis à composer des nouveaux morceaux. Et comme c’était une période où j’avais du temps, je me suis vite retrouvé avec suffisamment de titres pour un album. On a proposé à Brett de produire tout l’album, et il a accepté. Mais on ne pouvait pas se permettre de le faire venir sur une longue période en studio. Il a donc fallu qu’on enregistre neuf titres en cinq jours et c’était bien entendu trop court, surtout pour une première vraie expérience. Le temps de faire tous les réglages studio, déjà. Et comme ce disque a été composé assez vite, on n’avait pas du tout eu le temps de bien le roder en live. On n’était clairement pas assez préparés. Brett est reparti aux Etats-Unis pour faire les mix, mais je n’étais pas vraiment convaincu par le résultat. Il nous a pourtant proposé trois mix différents, mais je voyais bien qu’un truc ne collait pas. J’ai donc décidé de ré-enregistrer certaines parties de mon côté, de modifier certaines compositions, de trouver de nouveaux d’arrangements. C’est un engrenage. Plus tu modifies, et plus tu as envie de modifier. On a perdu beaucoup de temps à cause de ça. Je me rends compte maintenant que ça va plus vite si tu dois partir de la feuille blanche, que si tu dois modifier quelque chose de déjà existant. Le disque qui sort aujourd’hui n’a au final plus grand chose à voir avec ce qui a été enregistré en 2014 avec Brett.
Est-ce que ce n’est pas l’inconvénient d’enregistrer des morceaux qui n’ont pas déjà eu une vie sur scène?
C’est sûr que si tu as la possibilité de jouer tes morceaux sur scène avant de les enregistrer, c’est un bon moyen de juger ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Ça te permet de bien les travailler et de les enregistrer plus ou moins tels quels si tu as une session studio assez courte. Quand ce n’est pas le cas, comme pour nous, c’est vrai que c’est un travail plus long, mais c’est aussi super intéressant. Ça te permet de tester des choses, d’essayer de trouver un son bien précis. J’avoue que c’est un truc que j’adore faire. Mais ça demande du temps et de l’argent. Il faudrait qu’on soit les Beatles! (rires) Surtout que lorsque tu dois ensuite jouer ces morceaux sur scène, ce n’est pas certain que tout soit rejouable en l’état. Certains effets, certaines parties ne sont pas toujours possibles sur scène. Il faut donc réarranger les morceaux pour la scène. C’est ce qui s’était passé pour notre premier album, qui avait été enregistré dans mon home-studio avant même que je trouve des musiciens pour le groupe! (rires) Donc pour ce deuxième album, c’était bâtard. On n’avait pas eu le temps de bien se préparer en amont, et on n’avait pas eu le temps non plus d’expérimenter en studio. C’est pour ça que j’ai décidé de ne pas le sortir tout de suite et de revenir dessus à mon rythme.
Est-ce que tu ne t’es pas aussi fait surprendre par l’écho que recevait au même moment ton autre groupe, The Blind Suns? Ça t’a aussi pris du temps, j’imagine…
Peut-être un peu. Mais ce n’est pas vraiment un problème d’emploi du temps, je pense. En fait, je pense même que ça m’a fait du bien d’avoir les Blind Suns à cette période. Ca m’a fait prendre du recul. Après la session avec Brett, j’étais dans une impasse. Je n’arrivais pas à débloquer la situation. Je ne trouvais rien pour faire évoluer ces morceaux qui ne me convenaient pas. Du coup, les Blind Suns ont été un bol d’air frais. J’ai dû me plonger dans une autre couleur musicale. Ça m’a obligé à penser à autre chose. Quand je suis revenu sur le disque d’Eagles Gift il y a à peu près un an, j’avais les oreilles beaucoup plus fraiches. J’ai bossé dessus pendant six mois et les choses se sont bien décantées. Avec le recul, je pense surtout que les choses ont été trop vite la première année pour nous. Il faut bien comprendre qu’on ne se connaissait quasiment pas avant de préparer le concert pour le Off de Levitation en 2013. On n’avait jamais joué ensemble. On a appris à se connaître cette première année quand on devait vivre les uns avec les autres lors des concerts à l’étrangers, gérer les attentes qu’il y avait autour de nous. On n’avait aucune expérience de tout ça. On apprend.
Un morceau de l’album va se retrouver dans la BO du prochain film de Jodorowsky?
Oui, le morceau «Charlie’s Violence» doit figurer dans le film «Poésie sans fin» qui sort le 1er Octobre, soit le lendemain de notre album. C’est probablement le morceau le moins planant du disque. C’est un titre au contraire très dynamique, un peu épileptique. Ça devrait donc plutôt illustrer une scène un peu speed. On n’a malheureusement pas pu aller voir le film quand il a été montré à Cannes pendant la Quinzaine des Réalisateurs. On ne sait donc pas encore à quoi ça ressemble. En fait, Simon, notre clavier et deuxième chanteur, est super fan du travail de Jodorowsky. Quand il a vu que Jodorowsky allait donner une série de conférences sur Bordeaux, Simon a décidé de s’y rendre avec une lettre d’amour dans laquelle il le remercie pour toutes les émotions qu’il lui a procurées avec son travail. Et combien ça l’influençait dans sa musique. A la fin d’une conférence, il l’a approché pour lui donner la lettre, et un CD de démos de l’album d’Eagles Gift. Quelques mois plus tard, on a reçu un mail de son assistante qui nous disait que Jodorowsky voulait tel morceau pour la BO de son prochain film. On n’y croyait pas! D’habitude c’est son fils qui s’occupe de composer ses musiques. On pense donc qu’il a été touché par notre démarche… Le plus drôle, c’est qu’on avait mis les morceaux sur le CD dans le désordre et sans même les nom- mer. Alors quand l’assistante nous a dit «On veut le morceau n°3», on était tous là: «Merde, c’est laquelle la n°3 déjà???» (rires)
Vous pourrez utiliser les images du film pour un clip?
Après la sortie du film, on aura droit d’utiliser la séquence telle quelle ou d’en utiliser certaines images pour les incruster dans un clip. On verra ce qui rendra le mieux. Quoi qu’il arrive, ça nous fera une belle exposition. On a déjà des demandes d’interviews croisées avec Jodorowsky par certains magazines. On devait donc le rencontrer. J’espère qu’on aura l’occasion d’approfondir une collaboration.
NB: Eagles Gift jouera au Chabada le vendredi 21 Octobre 2016.
CHRONIQUE « AN ASTRAL JOURNEY » :
Enfin! On entendait parler de ce disque depuis deux ans, et le voici enfin entre nos mains. Sans doute très différent de ses premières moutures vu sa très longue gestation. Mais le jeu en valait la chandelle. Le deuxième album d’Eagles Gift va en effet beaucoup plus loin que leur premier essai. Notamment en termes de compositions. Le premier album était surtout une suite d’ambiances psychédéliques, sans qu’aucune chanson ne ressorte vraiment du lot. Sans doute que l’expérience parallèle de The Blind Suns a depuis permis à Romain Lejeune, le compositeur d’Eagles Gift et The Blind Suns, de prendre ses aises dans des compos pop ultra-efficaces. On retrouve donc plusieurs titres dans ce «An Astral Journey» qui ne dépareilleraient pas tellement sur un disque de The Blind Suns (peut- être aussi car on y entend parfois la voix de Dorota): le flippé «Charlie’s Violence» (qui sera au générique du prochain film de Jodorowsky!), le super cool «Say It Again» ou l’entêtant «Drifting Away». Mais il y a aussi des titres plus évanescents, plus tortueux, plus heavy, dont cet énorme (énooooorme!!!) bombe à neutrons qui vous explose à la gueule et vous expédie dans l’espace en pièces détachées: «Pythia In The Barn» est le véritable climax de ce disque, plein de rebondissements inattendus, qu’on est ultra-impatient d’entendre en live. Prévoir les combinaisons spatiales…
Le disque est en écoute intégrale sur le site de Noisey: noisey.vice.com
An Astral Journey – Eagles Gift
(Wild Valley – sortie 30 septembre 2016)