Sheraf, c ’est un gang. Une mafia. Quatre jeunes branleurs qui se baladent en ville en arborant fièrement leur nom sur leur blouson. Mais ce sont aussi quatre musiciens doués, inventifs et hyper-productifs (ils jouent également dans San Carol, Eagles Gift, VedeTT…). Leur deuxième EP sort sous la forme originale d ’un court-métrage de 20mn où des bikers ultra violents organisent des combats clandestins sur fond de heavy rock psychédélique. Rencontre avec Chris (basse), Stw (guitare) et Nerlov (batterie).
Pourriez-vous nous resituer les débuts de Sheraf? Comment ça a démarré?
Chris: Notre première répétition remonte à Décembre 2013. Ca fait donc un peu plus de deux ans maintenant.
Stw: Tu vas te foutre de ma gueule, mais au départ, j’ai fait un rêve (rires). Je déconne pas. On avait dû se remater pour la énième fois «Le Grand Détournement» de Michel Hazanavicius, où il y a la réplique cultissime «Sheraf? Tu connais pas Sheraf, c’est un groupe, ils étaient number one.» Dans mon rêve, je jouais donc avec Chris un truc super bourrin, et j’avais un pédalier fuzz géant devant moi, genre 5m de diamètre, sur lequel je me vois sauter à pieds joints. Et juste quand j’atterris sur le pédalier, ça fait apparaître un immense SHERAF en fond de scène. (rires) Du coup, le lendemain, j’en ai parlé à Chris, et on s’est fait une ou deux répètes pour délirer à côté des répètes pour Eagles Gift. Tucker et Nerlov, avec qui on avait bien sympathisé depuis la première édition du festival Levitation (on avait tous adoré le concert de Dead Skeletons!), ont entendu parler du truc et le groupe était formé.
Et l’idée de départ du groupe? Y avait une couleur musicale précise?
Chris: Pas vraiment. Il fallait juste qu’il y ait beaucoup de fuzz!
Nerlov: On a pas mal évolué depuis le début. Au départ, on avait des morceaux un peu plus rock’n’roll façon années 50s ou à la The Cramps un peu. On faisait par exemple une sorte de reprise un peu caverneuse de «J’aime regarder les filles» de Patrick Coutin que Thibaut, le chanteur de 2024, nous avait fait écouter. Puis petit à petit on a trouvé un son plus personnel, plus cohérent peut-être.
Y avait une certaine idée du blues dans votre musique au départ, qu’on entend peut-être moins aujourd’hui, mais qu’on retrouve presque à chaque fois que vous avez fait des reprises pour les soirées «Sors Tes Covers» au Chabada.
Stw: Pendant un an, Chris et moi, on a fait tous les boeufs blues du mardi soir au T’es Rock Coco. Ça nous a pas mal appris à jouer, donc il y a forcément des restes… Et le rock, c’est de toute façon du blues.
Nerlov: Ce qui nous reste du blues, c’est peut-être aussi le côté un peu improvisé de notre musique. Sur scène, on explose souvent les formats des morceaux. C’est quelque chose qu’on ne peut jamais faire dans nos autres projets, notamment à cause des séquences des machines qui donnent un cadre aux concerts. Avec Sheraf, c’est la liberté!
D’où vient cette idée de sortir cet EP intégré dans un court-métrage?
Chris: Il nous fallait un clip. Et au fil des discussions entre nous, on s’est dit que ça serait super classe de clipper les 4 morceaux en même temps, et qu’ils soient liés dans une même histoire. On avait déjà l’idée pour un clip. Il a donc fallu diviser la chose en quatre parties, pour avoir une histoire qui se tienne. Du coup, on a fait appel aux copains. Tout s’est tourné en trois jours, les «acteurs» apprenant le scénario juste avant de filmer. On a eu la chance d’avoir l’équipe du collectif La Raffinerie derrière nous, qui nous a sacrément bien aidés. Ce sont des mecs du coin qui sont désormais dans des écoles de cinéma à Paris. On a mis un mois et demi pour le montage, la post-prod, etc.
Vous aviez des influences cinématographiques en tête?
Chris: Moi, j’adore les vieux road-movies: «Vanishing Point», «Duel»…
Nerlov: Il y a quand même aussi un côté Tarantino. La violence, le côté druggy…
De ce point de vue-là, les images rejoignent bien la musique. C’est heavy et psychédélique.
Stw: On cherche le côté transe de la musique. C’est répétitif, binaire, violent.
Nerlov: Je pense aussi que la voix de Tucker fait partie intégrante de l’identité sonore de Sheraf. Il a cette voix très grave, atypique, noyée dans les delays. C’est un peu le truc qui fait qu’on reconnait instantanément un morceau de Sheraf.
Cet EP existera sous quel format?
Stw: Il va d’abord exister grâce à ce court-métrage et en version digitale. On va fabriquer quelques exemplaires en CDs customisés pour vendre aux concerts. Et on espère bien trouver un label qui le sortira en vinyle comme on a fait pour le premier EP.
Et les concerts?
Nerlov: Oui, on a quelques dates qui tombent. On joue notamment le 25 Mars à Paris avec notamment le groupe Lonely Walk. Ça va être cool!
Stw: Mais c’est sûr que c’est encore le point faible du groupe. Il nous faudrait quelqu’un qui fasse tourner le projet parce qu’on s’épuise vite en le faisant nous-mêmes. On jongle déjà pas mal entre nos emplois du temps pro, perso et ceux des quatre groupes dans lesquels on joue, donc il reste peu de temps pour booker des concerts ailleurs. On va démarcher avec le court-métrage pour voir si ça décante des choses.
D’ailleurs, est-ce que ce court-métrage vivra sa vie dans les festivals de cinéma?
Chris: Il a été montré en avant-première lors d’une soirée Premiers Plans. Et j’ai été contacté par un festival de Bordeaux pour postuler, donc on va leur envoyer le film. mais pourquoi pas?
Et il sera diffusé sur scène pendant que vous jouez?
Stw: Non, parce qu’on n’est pas trop dans le délire de jouer au clic. Quand tu fais un ciné-concert, tu dois respecter les séquences du film, etc. Nous, comme on te le disait tout à l’heure, les concerts de Sheraf sont des moments où les choses peuvent devenir très improvisées. Ça ne rendrait pas justice au film, ni à nos prestations.
Chris: Sans compter que Stw devrait changer quatre fois de guitare par morceau, techniquement, ça serait impossible! (rires)
CHRONIQUES:
Sheraf – Bloody Town (Autoproduit)
Planquez-vous, ils rappliquent!! Qui ça?! Mais la bande de branleurs de Sheraf, voyons! Vous entendez pas le raffut que ça fait au loin? Ces petites frappes reviennent avec un second EP, encore plus balèze que le précédent. Quatre titres psyché sludge sous champis qui vous bastonnent la tête jusqu’à ce que vous crachiez vos tripes dans le caniveau. Et comme ils aiment se la raconter «on fait rien comme tout le monde», ils ont enrobé tout ça dans un court-métrage de 20mn -qui doit autant à Quentin Tarantino qu’à Paul Thomas Anderson («Inherent Vice»)- où des bikers ultra-violents passent le temps en organisant des combats de gens kidnappés. Je vous avais prévenus, ces types sont pas bien. «Back In Town» est la bande son que Marlon Brando aurait exigée à donf sur le tournage s’il avait dû jouer aujourd’hui son «Équipée Sauvage». Un truc ultra-jouissif et rectiligne façon Moon Duo, où vous avez l’impression de vous faire rouler dessus par une horde de barbus. «Punir Punir» ralentit la cadence, mais vous tord les boyaux dans tous les sens comme si vous aviez pris de la mauvaise dope. «James Bond Sucks» ne fait pas de quartier. Heavy boogie rouge sang. Unsane meets Canned Heat. Vous restez sur le carreau. Pour terminer, «Bankstore» vous tourne autour comme un vautour qui attend de vous bouffer les entrailles. Et qui finit par le faire. On a jamais autant aimé avoir mal.
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