Ce qu’il y a aussi de passionnant dans la musique, c’est le destin de personnages extraordinaires, au sens premier du terme (« bigger than life », disent les Anglo-saxons). Et dans cette catégorie, le trompettiste de jazz Eddie Rosner est sans conteste dans le haut du panier. Nous sommes à la fin des années 1920, à Berlin. Un jeune musicien juif passionné de jazz, prénommé… Adolf, devient une star, adoubée par Louis Armstrong en personne. Pour fuir le régime nazi qui n’est pas archi-fan de cette musique « judéo-nègre », il s’enfuit en Pologne, puis en Russie où il devient une immense vedette, jouant devant des centaines de milliers de spectateurs, demandée en concert privé par Staline lui-même. Mais, en 1946, quand la victoire des Alliés se transforme en guerre froide entre les deux super-puissances, tout symbole américain -et donc le jazz- devient interdit. Eddie Rosner est alors déclaré persona non grata et envoyé au goulag pendant huit ans, où la première chose qu’on lui ordonne, c’est de former un orchestre de jazz parmi les prisonniers pour divertir le personnel pénitencier! Et ce n’est même pas la fin des aventures rocambolesques de celui qu’on surnommait le Tsar et qui avait gagné l’admiration de ses pairs américains Duke Ellington et Benny Goodman.
Toute son histoire est formidablement racontée dans deux épisodes de 30mn sur France Culture.
Et pour ceux qui veulent aller plus loin, il y a aussi « Red jazz, ou la vie extraordinaire du camarade Rosner » (chez Parangon), une très bonne biographie racontée à la première personne par Natalia Sazonova (qui intervient dans les émissions de France Culture) et un documentaire intitulé « Le Jazzman du goulag » peut-être disponible sur les plateformes de streaming. En attendant le biopic hollywoodien qui finira bien par arriver…