La réussite ne tient à pas grand chose. Après avoir découvert le calypso presque par hasard, Thibaut Kret a recruté de vieux complices pour monter The Loire Valley Calypsos et jouer dans les guinguettes. Aujourd’hui, il se retrouve invité à jouer chez Antoine De Caune sur Canal+ ou encore chez Radio Nova. Rencontre avec Thibaut aka Blind Bud, chanteur et banjoïste des Caraïbes ligériennes.
Comment tu as découvert le calypso ?
Il y a quelques années, j’avais un projet plutôt axé sur le blues très roots, qui s’appelait Bud McMuffin. J’effectuais alors beaucoup de recherches pour me documenter sur des vieux bluesmen d’avant-guerre, et notamment sur un chanteur appelé Blind Blake. J’ai réalisé en fouillant sur le Net qu’il existait un autre Blind Blake, aux Bahamas, qui jouait du calypso. Ca m’a tout de suite plu. Coup de bol, le label suisse Moi J’Connais Records a réédité un de ses albums au même moment. Je me suis donc acheté le LP, et le virus était inoculé. J’ai vite eu envie de m’y frotter moi-même. J’aimais bien le côté assez minimaliste : chant/banjo ou guitare + contrebasse + percussions. Au début, il n’y avait même pas vraiment de percussions, juste un shaker et un bongo. Du coup, j’ai aussi monté le groupe dans un but « alimentaire ». Il devait me permettre de jouer en local, en petite formule légère, dans des guinguettes, etc. pour pouvoir boucler mon intermittence, vu que mes autres projets de l’époque (Bud McMuffin, 2024) ne me permettaient pas de faire suffisamment de dates. Et de fil en aiguille, c’est devenu mon gagne-pain principal… (rires)
Ca a été facile de trouver des musiciens ?
Je ne suis pas allé chercher très loin. J’ai demandé à Antoine parce que je jouais déjà avec lui dans Bud McMuffin, que c’est mon cousin et que c’est un super batteur ! (rires) Pierre (contrebasse) et Antoine ont joué dans plusieurs groupes ensemble depuis super longtemps (ils sont en ce moment dans Cherry Plum). On a sensiblement les mêmes goûts musicaux, ils ont donc vite accroché au calypso, et Antoine a apporté plein d’idées de nouvelles percussions pour élargir le spectre sonore. Récemment, quand on a enregistré notre album avec Freddy Boisliveau (Des Lions Pour Des Lions), Freddy a proposé pas mal d’arrangements à la guitare qui nous ont beaucoup plu et qu’on voulait garder pour la suite. Du coup, on a recruté un quatrième larron à la guitare électrique, en la personne de Sam Galienne (Cherry Plum). Il s’est acheté une chemise à fleurs et son contrat était signé.
Le disque est composé pour moitié de standards et pour moitié de compositions originales. Ce qui est assez rare, vu que la plupart des disques de calypso de l’époque reposait sur un petit catalogue de standards que tout le monde revisitait…
On s’est effectivement d’abord fait la main sur des standards. Puis nos premières compos étaient vraiment décalquées sur des morceaux traditionnels pour garder cette patte authentique qui nous plaisait. Mais aujourd’hui, on se rend compte qu’on varie peu à peu les plaisirs. Plusieurs morceaux sur le disque ouvrent des pistes qu’on espère bien creuser à l’avenir. Pourquoi pas vers du mambo ou de la rumba ? Pourquoi pas du chant en français ?
La génération plus ancienne a découvert le calypso avec Harry Belafonte. Les plus jeunes avec Calypso Rose. Est-ce que tu peux nous donner des pistes pour aller creuser le sujet ?
Il y a donc ce disque de Blind Blake & The Victoria Royal Hotel Calypsos, mais aussi plusieurs excellentes compilations sur le label Frémeaux & Associés, qui fait un travail absolument dingue sur les musiques enregistrées d’avant-guerre. Ce sont de véritables mines d’or ! Il y a un volume par île : le mento jamaïcain, le gumbay des Bahamas, et le calypso de Trinidad. Avec ces trois compiles, tu as déjà une vue d’ensemble assez précise de ce qui pouvait se faire à l’époque. Et ensuite, il faut fouiller sur le Net, vu que de plus en plus de collectionneurs mettent leurs trouvailles en écoute sur YouTube, etc.
Vous avez d’ailleurs monté votre propre label MaAuLa Records pour vous aussi rééditer de vieilles pépites ?
Au départ, on a créé ce label pour sortir notre premier 45-tours. On est potes avec les mecs qui tiennent le label et magasin suisse Bongo Joe. Ils nous avaient invités à jouer chez eux, et on a parlé tout le week-end de label et de rééditions. Sur le chemin du retour, dans la voiture, on a tous décidé qu’on voulait nous aussi participer. On avait repéré plein de pépites qui n’avaient jamais été rééditées, on était en contact avec des collectionneurs à l’étranger… C’est comme ça qu’on a ressorti des compiles de The Wrigglers et de The Talbot Brothers. Mais on sort également les disques de groupes actuels, toujours dans une veine exotique décalée, comme Passion Coco. On vient aussi de sortir une compile digitale, « Exotic Viennoiseries », avec dix groupes français qui se réapproprient des musiques du monde avec lesquelles ils n’ont à priori aucun lien.
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Pourquoi le calypso et d’autres musiques « exotiques » (mambo, biguine, etc.) ont eu un tel succès dans les années 50/60 ?
C’étaient les débuts de l’aviation civile. Les gens les plus aisés ont commencé à faire des voyages, et les Caraïbes ne sont pas très loin des côtes américaines. A l’époque, il était difficile de se faire une idée d’une culture étrangère (et donc de promouvoir des destinations). Ca passait beaucoup par la musique ou le tout jeune cinéma, mais c’était souvent résumé à des clichés (rappelez-vous des chemises à fleurs d’Elvis Presley dans ses films). Du coup, beaucoup d’orchestres américains se sont mis à parodier les groupes des îles, qui ont souvent eux-mêmes reproduit les clichés qu’on attendait d’eux pour pouvoir jouer devant les touristes. C’est ce qui a fini par donner cette image easy-listening à toutes ces musiques exotiques… Mais plein de grandes stars de l’époque en ont tâté à un moment ou à un autre : Dizzy Gillespie, Harry Belafonte, Paul Anka, Robert Mitchum ou Henri Salavador en France.
Justement, vous avez été invités sur Canal+ et chez Radio Nova… Est-ce qu’ils ont invité un groupe un peu rigolo, ou bien vous ont-ils pris au sérieux comme n’importe quel autre groupe ?
Un peu des deux, j’ai envie de dire. On est bien conscients que les gens accrochent d’abord sur le côté très léger et fun des chansons, parce qu’on a tous un peu besoin de légèreté en ce moment avec ce qui se passe dans le monde… Mais j’ai pas l’impression qu’on nous prenne que pour des amuseurs non plus. La personne qui s’occupe de notre promo ne pensait pas trop que les média nationaux accrocheraient au projet par exemple, alors que finalement les retours sont plutôt super positifs. On a aussi le parti-pris de jouer très roots, contrairement à d’autres groupes de calypsos avec des claviers, un grand orchestre, etc. C’est notre particularité, et peut-être que finalement c’est ce qui touche les gens ?
Plus d’infos sur loirevalleycalypsos.com
CHRONIQUE:
The Loire Valley Calypsos – Chalonnes Island (MaAuLa Records)
Marre de ce pays de cons et de cette époque complètement folle? Ecoutez le premier album de The Loire Valley Calypsos. Vous vous retrouverez instantanément catapultés en croisière dans les Caraïbes à la fin des années 50s, à siroter un cocktail à base de noix de coco. Ah, tout de suite, on se sent mieux, non ? Le trio (devenu récemment quatuor) a enregistré une poignée de standards de calyspos jamaïcain, trinidadien et bahaméen rôdés sur scène depuis deux ans, mais aussi une bonne moitié de compositions originales qui sonnent toutes plus vraies que nature ! Et même si le groupe s’attaque à une musique extrêmement codifiée, les Angevins ont su trouver une signature sonore très personnelle, roots et finement arrangée à la fois, qui fait d’eux beaucoup plus qu’un simple groupe easy-listening. Dès que l’aiguille touche le vinyle, on ondule alors lascivement du bassin, on déboutonne un peu sa chemise à fleurs, on ferme les yeux, et on relance l’album une fois qu’il est (déjà?) fini.
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