Vous avez lu cette histoire incroyable en Colombie ? Quatre enfants, entre treize et un an, ont miraculeusement survécu après avoir erré 40 jours dans une jungle ultra-inhospitalière, suite au crash d’un petit avion. C’est tout bonnement hallucinant. Et terriblement flippant. Car soyons réaliste, moi qui me perds dès que je quitte mon quartier, même armé d’un GPS, et qui suis à l’article de la mort le jour de fermeture hebdomadaire de ma boulangerie, je les aurais vraisemblablement retardé·es. Clairement, ma devise dans la vie, c’est plutôt « Only the tongs survive ». Mais pas sûr que ça soit très utile au milieu de la jungle. Pour le coup, je vais donc me contenter de ce que je sais faire de mieux : essayer de vous donner envie d’écouter à votre tour les groupes locaux qui m’ont le plus tourneboulé ces derniers jours. Et éviter de prendre l’avion au-dessus de la Colombie.
S’il y en a un qui doit se sentir à son aise dans la jungle (et même dans la drum’n’bass), c’est bien Kazamix. Parce que sa musique est toujours touffue, enchevêtrée, colorée et pleine de « végétation ». Pas un hasard d’ailleurs si on lui a demandé de mettre en musique un a capella inédit du mythique deejay/singer jamaïcain King Kong, enregistré par le Turbulent Sound. Ça donne donc ce très bon « Trouble Again », entre drum’n’bass paresseuse, dancehall nonchalant et dub langoureux. Autant vous dire que ce titre va tourner cet été dans les after-parties !
On peut aussi imaginer que Des Lions Pour Des Lions kifferaient la jungle vu qu’elle et ils en sont, d’après la rumeur, la reine et les rois. Même si les plus terre-à-terre d’entre vous m’objecteront qu’en vrai les lions vivent plutôt dans la savane. Mais ces Lions-là s’adaptent à tout : free jazz, punk psychédélique, blues du désert, chanson décalée, techno chamanique. Pourvu que ça se danse, et pourvu que ça se transe. La preuve avec une vidéo-souvenir de leur concert au Chabada à la fin 2022 qui avait essoufflé le public après une telle virée cosmique. Ça s’appelle « La Grande Aventure », et ça n’a jamais aussi bien mérité son titre.
Chahu, il semble préférer les chiens aux gros matous. L’ex-Dogs For Friends vient d’ailleurs de sortir un nouveau clip avec un toutou. C’est pour la chanson « RQN » (> Rien Que Nous), tirée de son très beau dernier EP. Et à mon avis, heureusement que les enfants perdus dans la jungle colombienne ne connaissaient pas encore cette chanson, parce que ça les aurait sans doute trop rappelés à leur triste sort. Surtout qu’elle est du genre à tourner en boucle dès qu’on a entendu cette petite intro au ukulélé. Ça donne envie de se rouler en boule dans un canapé moelleux, blotti dans des bras bienveillants, et de laisser le monde sauvage filer sans nous.
Le canapé moelleux, c’est aussi un bon endroit pour écouter « L’Amour à la main », le nouveau single de Rouquine, dont le duo a même enregistré une live-session. On avait découvert Rouquine avec le très bon « Mortel » sur cette saleté de crabe, Nino Vella et Sébastien Rousselet (que vous croisiez autrefois dans Babel) traitent un nouveau sujet, encore peu abordé en chanson : le don de sperme pour permettre à des copines homosexuelles de connaître les joies de la parentalité. Comme d’habitude avec le duo, le sujet est traité avec malice et poésie, sur une mélodie entêtante qui devrait lui ouvrir les portes de la renommée.
« ...about going home ». Sur le point de rentrer à la maison. C’est en effet tout ce qu’on peut souhaiter à ces enfants miraculés et opiniâtres. Mais c’est aussi le titre du premier mini-album de FRAGILE, sorti il y a quelques jours chez Twenty Something. Et on doute fort que ce premier effort les ramène immédiatement aux vestiaires. Rythmiques bondissantes, murs de guitares ascensionnelles, chant égosillé de désespoir, mélodies efficaces, tous les éléments sont plutôt réunis pour propulser FRAGILE et leurs huit brûlots emo-core/post-punk dans les playlists des fans de Idles, Young Fathers et autres Turnstile. Et on espère pour eux sur les mêmes scènes. On leur souhaite donc autant de présence d’esprit et de ténacité pour trouver leur voie dans la grande jungle du show-biz.
Rédaction : Kalcha