Il y a deux ans, l’une des toutes premières dates du Chabada à passer à la trappe pour cause de confinement fut la soirée live-coding de l’atelier de recherche NaN. C’est donc avec une émotion non-feinte que nous reprogrammons enfin cette soirée le 31 mars prochain. À l’époque, nous avions posé quelques questions à Mathieu Delalle, enseignant à l’ESAD (École supérieure d’art et de design) pour nous en dire plus sur le contenu de cette performance à part. Nous republions aujourd’hui cet entretien, remis au goût du jour.
Vous êtes déjà dans le futur et vous ne le savez pas. Il y a bien longtemps qu’il ne suffit plus de savoir jouer d’un instrument pour composer de la musique. Dès le début du 20ème siècle, Edgar Varèse abandonne les méthodes de composition classiques pour jouer directement avec la matière sonore. Les musiciens n’ont eu de cesse depuis de chercher à synthétiser et recréer/moduler les sons qui les entourent. L’atelier de recherche NaN (Not A Number) est le fruit d’un travail expérimental collaboratif entre des étudiants de l’ESAD Talm Angers (École supérieure d’art et de design, qu’on connaissait sous le nom de Beaux-Arts par le passé) et des étudiants de Polytech-Angers (qui fait partie du regroupement national d’écoles d’ingénieurs polytechniques). Ils ont cherché à tester les frontières du live-coding. Kezaco ? Explications avec Mathieu Delalle, enseignant à l’ESAD.
Le live coding, ça consiste en quoi ?
C’est une façon de composer de la musique électronique en utilisant le coding informatique en direct. En clair, le musicien entre une ligne de code informatique dans un logiciel qui va lancer une boucle d’un son préalablement défini. La ligne de code apparaît sur un écran visible du public en même temps que le son se déclenche. Au fur et à mesure que le morceau avance, le ou les musicien.ne.s se trouvent à composer/improviser en jouant avec les algorithmes. Il existe désormais une véritable scène nationale et internationale de live coding. C’est un prolongement assez naturel des premières musiques jouées sur des synthétiseurs.
Et qu’est-ce que l’atelier de recherche NaN (Not A Number) veut creuser là-dedans ?
Généralement, quand on entend collaboration entre des écoles comme les nôtres, ça cache souvent de la simple sous-traitance : ceux qui ont le savoir-faire technique exécutent une commande pour ceux qui ne savent pas faire. Là, on a voulu que les étudiants travaillent véritablement ensemble. Qu’ils mutualisent leurs connaissances, qu’ils réfléchissent ensemble à ce qui leur manque, comment ils peuvent l’inventer, et pour quoi faire. Ce qui est donc intéressant pour nous, c’est que le live coding est un outil intuitif et créatif. C’est-à-dire que contrairement aux logiciels de MAO (Musique Assisté par Ordinateur) habituels, le logiciel SuperCollider sur lequel nous travaillons est un logiciel libre et évolutif. On peut donc créer nous-mêmes des programmes et des fonctions dont on a besoin et les incorporer au logiciel de départ. On peut donc ajouter une somme infinie de nouveaux sons et de nouvelles façons de les manipuler/modifier.
Tout se passera donc exclusivement du clavier à l’écran ?
Non, car on a aussi voulu inventer de nouvelles interfaces, et ne pas se contenter du clavier pour lancer des sons. Plusieurs capteurs (cardiaques, capacitifs, détection de mouvements par caméras, …) nous permettent d’impliquer le corps et d’établir une conversation entre du langage informatique et ces déclencheurs très physiques, presque artisanaux. On sera entre le concert, l’installation et la performance.
Comment va se dérouler la soirée Echos Numériques du jeudi 31 Mars ?
A 20h30, il y aura « une sortie de fabrique », c’est à dire une performance expérimentale d’une quinzaine d’étudiants de l’atelier assez proche de ce qu’on connaît dans la musique concrète, ou l’ambient. En gros, le public découvrira l’état d’avancée de nos recherches à la date du 31 mars, qui utilisent le processus de compositions en direct pour construire, cette année, une sorte de récit sonore qui nous mènera dans une sorte d’errance narrative. Pour finir à 22h00, les étudiants utiliseront le même logiciel, mais dans une optique plus festive, assez electro, pour faire danser les gens. Tout ça gratuit, bien entendu !