©Thylacine

Pluriels et singuliers

23.02.2022

À l’heure où certain·es veulent nous faire rentrer dans des cases (identitaires, sociales, genrées, politiques…) pour mieux nous opposer les un·es aux autres, il est important de revenir aux grands penseurs afin d’appréhender la complexité de la vie. « « Ça dépend », ça dépasse. » constatait ainsi amèrement Christian Clavier face à Marie-Anne Chazel (aka Zézette, Épouse X) dans « Le Père Noël Est Une Ordure ». Et effectivement, souvent ça dépasse.

Tenez, Angers, par exemple, on continue de croiser des gens qui nous parlent -à regret ou avec nostalgie- d’une « ville rock ». Tout ça parce qu’il y a quelques décennies, une poignées de bons groupes de rock a marqué les esprits. Pourtant, au même moment, des artistes comme Lo’Jo ou Titi Robin commençaient eux-aussi à tracer leur route (qu’ils n’ont d’ailleurs jamais arrêtée, contrairement à la poignée de bons groupes de rock). Et depuis, la liste des groupes non-rock qui ont fait et/ou continuent de faire la vitalité musicale d’Angers est longue comme le bras, de Zenzile à Soul Choc, en passant par Christophe Bell Œil, Titi Zaro, Sweet Back, Kwal ou Thylacine.

 

Puisqu’on parle de lui (vous remarquerez ce sens inné de la transition… c’est un métier !), Thylacine vient de sortir un nouveau single. Le producteur globe-trotter angevin a parcouru quelques kilomètres depuis sa rampe de lancement lors d’un On Stage au Chabada en Décembre 2012. Cette fois-ci, après la Russie ou l’Argentine, la musique l’a emmené au nord de la Norvège, à bord du bateau Polarfront, pour créer le morceau « Polar » et sa vidéo au cours de deux semaines de résidence. La musique de Thylacine se prête parfaitement à ces paysages lunaires et grandioses. Elle a toujours eu quelque chose de spatial. Ce n’est sans doute donc pas un hasard si le réalisateur Anthony Cordier lui a demandé de composer la BO de sa série « OVNI(s) » (dont la deuxième saison passe en ce moment sur une chaîne cryptée).

© Thomas Jean Langlet

Si aujourd’hui Thylacine est devenu le sommet de l’iceberg (ah, ah !) de la scène électro made in Angers, il ne faut pas oublier ceux qui ont ouvert les brèches pour que la jeune génération s’y engouffre. Sans remonter jusqu’au pionnier DJ Kristian (Palace Records), on peut avancer sans trembler que les musiques électroniques d’ici auraient un autre visage sans Arno Gonzalez. Organisateur de soirées mythiques (Modern, Domingo) et producteur et remixeur infatigable depuis plus de vingt ans, le bonhomme sort projet sur projet ces derniers mois, notamment pour le label Brique Rouge. On vous colle dessous son tout dernier excellent EP, « Mate On The Dancefloor », ainsi que sa collaboration avec feu-le duo angevin Després (qu’il est d’ailleurs en train d’essayer de transformer en NFT), mais vous trouverez plein d’autres choses à écouter sur sa page Bandcamp.

Dans le genre infatigable, on vous parlait il y a quinze jours du beatmaker Spectateur, et voilà que déboule sur la Toile un nouveau clip de son projet Stereo Utopia, dont « La Terra Madre », son premier album pour le label grec Melting Records sorti l’an dernier, est bien sûr toujours disponible, et hautement recommandé si vous aimez les plongées dans les sons ethniques rehaussés de beats hip hop ultra fat.

Si vous n’aimez pas les plongées dans les sons ethniques rehaussés de beats hip hop ultra fat, 1) vous avez tort, et 2) vous pouvez toujours vous refaire en écoutant son quasi-contraire. En parallèle de son duo kissdoomfate, la chanteuse Mathilda Lien explore en effet des paysages plus arides et intimistes avec son projet solo folk. Elle vient d’ailleurs de sortir un tout dernier titre, « Sweet Mary », qui rappelle les grand·es songwriters de l’Ouest américain. Une voix + une guitare = des émotions fortes.

Des émotions fortes, on en a aussi toujours avec Chahu. On vous annonçait la fin des Dogs For Friends il y a quinze jours, le chanteur rebondit aussitôt avec un nouveau morceau bouleversant qui annoncerait un deuxième EP à sortir dans quelques mois (mais on n’est pas trop censé en parler, alors ça reste entre nous, hein ?). D’ici-là, « Gros Blouson » risque de beaucoup tourner sur le player. De la « sad pop » comme ils disent dans le dossier de presse, et c’est exactement ça !

Question pop triste, Théophile a déjà montré par le passé qu’il maîtrisait le sujet (rappelez-vous son très beau « Andy » paru il y a déjà presque deux ans). Son tout dernier clip, toujours réalisé par ses potes Hugo & Seb, illustre le morceau « Bouquet de Rose », tiré de son EP « Abscisse » sorti en fin d’année 2021. Il séduira probablement aussi bien les féru·es de chanson française que les jeunes fans de pop urbaine. Autant vous dire qu’aujourd’hui ça fait du monde !

On reste un peu en famille, puisque Théophile a fait ses premiers pas grâce à Nino Vella du groupe Babel. Babel n’est plus, mais Nino a désormais retrouvé son vieux complice Sébastien Rousselet (chanteur de Babel) pour créer Rouquine, dont on a beaucoup parlé ces derniers mois puisqu’ils ont remporté la finale de « The Artist », le télé-crochet de France 2 avec le morceau « Tombé ». Ils viennent de clipper leur excellent « Mortel » dont on vous disait déjà le plus grand bien avant tout le monde. On n’a pas changé d’avis, vous tenez là le tube de l’été. Et si ça ne marche pas, on reviendra à la charge l’été prochain, on n’est pas du genre à se décourager. D’ici-là, on vous laisse écouter tous ces groupes, pluriels et singuliers à la fois, tout comme chacun·e d’entre nous, qui font la richesse musicale de notre bonne vieille ville, et qui participent sans doute à sa douceur légendaire.

Rédaction : Kalcha