Une voix pour tous⸱tes, c’est une série d’articles pour l’égalité des genres dans les musiques actuelles. Aujourd’hui, nous nous penchons sur le travail de Babette, musicienne très investie.
Elisabeth Herault, de son surnom Babette, est une musicienne très présente sur la scène musicale angevine, et notamment au Chab. Vous avez pu la voir dans “DaPonCé” ou “Des Lions Pour Des Lions” mais aussi dans d’autres configurations, comme “Erdeven spiritual ensemble”, ou encore avec Gondhawa lors des Chabada Sessions. Elle joue du saxophone, du trombone, du cornet, de la flûte traversière, elle chante, écrit, compose, et vient même de commencer les harmonies au piano. En réalité, ce n’est qu’un échantillon des projets dans lesquels elle est investie.
“C’est sans fin, la découverte te donne l’élan de créativité, de fraicheur, il faut s’en nourrir”
Après un parcours scolaire musical et la formation de ses premiers groupes, elle commence à jouer avec la compagnie “Joe bitume”. Alliage de théâtre de rue et fanfare, cette compagnie née aux Accroche-Cœurs a eu un impact énorme sur les rues et le public angevin. Avec une tournée européenne, cette expérience lui a permis de jouer dans d’autres contextes et d’aller vers un autre public.
“Il y a un vent nouveau dans les arts de la rue”
Cette proximité avec le théâtre de rue ne l’a pas quittée après l’arrêt de la compagnie. Elle compose aujourd’hui des musiques pour des pièces, qui par choix ou non, ont toujours des thématiques ou histoires assez engagées.
Curiosité et inspirations plurielles pour la composition, la musique devient un outil de réflexion et d’appropriation de son image.
Pour créer et s’inspirer dans ses créations, Babette ne manque pas de références. Elle ne se retrouve pas forcément dans un style particulier. Avec “Des Lions Pour Des Lions”, ce sont les 4 personnalités musicales du groupe qui en font sa richesse. L’un s’intéresse à la musique indienne, l’autre au rock indé du type “Thugs” et l’autre plutôt au rock cinématique. C’est peut-être justement l’éclectisme qu’elle apporte qui fait sa personnalité propre.
“Ce sont 4 discours qui nous surprennent tous, ce qui est excitant, car on ne peut pas prévoir où la musique nous emmènera. J’essaie d’avoir une petite signature malgré tout, de raconter une histoire à travers ma musique, on s’inspire de tout.”
Lors des Chabada Sessions, le groupe “Des Lions Pour Des Lions” et “Gondhawa” ont justement travaillé à reprendre un titre de Titi Robin, “Mehdi”.
Cette initiative est née de l’idée de pouvoir faire communiquer des musiciens de générations différentes à travers leur musique, mettant en avant leur parcours et leur relation au Chabada et à la scène locale. Pour Babette, jouer avec d’autres groupes permet de rencontrer de nouveaux univers musicaux. C’est une richesse dans la création et dans l’improvisation qui fut une découverte en termes d’approche musicale et de gammes, qui l’inspireront sûrement dans ses propres morceaux.
C’est par ailleurs avec la composition que le groupe DaPonCé devient un véritable outil de réflexion et d’appropriation de son image et sa personne en tant qu’artiste.
“Ce groupe, ce sont mes mots, mais ma méthode d’écriture et mon inspiration est un grand mystère au fond de mon téléphone. Je n’ai pas envie d’assomer les gens avec des idées frontales, bien que j’aie envie de dire des choses. Ça peut paraitre naïf, mais je trouve qu’il y a un petit côté sombre car je parle de parcours de vie, de migrations…”
Elle qualifie son écriture d’assez minimale, teintée de jeux de mots et sons, qu’elle nomme “pirouettes sonores”. Bien que la recherche de son identité soit difficile et perpétuelle, c’est dans l’écriture qu’elle s’assume de plus en plus. Elle se heurte à cette contradiction du monde narcissisé du live dans lequel elle se demande où est sa place, et qui invoque pourtant un puissant sentiment de partage. C’est ce qu’elle essaie de réaliser par ses “petites déclarations” sur ses convictions écologiques, d’égalité et de justice sociale.
Sur scène, “tout est complexe mais magnifique, c’est le plaisir de célébrer la vie, l’amour, une féminité du “j’ai envie d’être comme je suis”
Son rapport à soi est un sujet qui anime Babette qui s’est vu reprocher son manque de féminité ou dévaluer ses compétences techniques. Ces expériences révèlent des agissements systémiques qui empêchent l’accès aux femmes à certaines strates de la musique.
“Il y a plein de filles qui pensent ne pas être à la hauteur, comme des gars qui pensent être au-dessus, je l’ai subi. J’ai changé d’instrument, peut-être pour ça, mes parents voulaient que je fasse de la flute traversière pour que ça me pose, parce que je bougeais beaucoup. En commençant le trombone, ma posture était bien différente.”
Dans ses groupes, elle ne travaille qu’avec des hommes. Il y a, de manière générale, peu de femmes dans ce monde musical. C’est en travaillant avec le monde du théâtre qu’elle a pris conscience de cette inégalité de représentation.
“Je n’avais pas de référence musicale féminine et pourtant j’avais envie d’être libre. Alors je pense que je me suis exprimée “garçon manqué” pour m’acheter cette liberté. Mais tu payes cher quand t’es différent, ça dérangeait. Aujourd’hui la notion de sororité me soulage, car ça m’a défini physiquement. La vie que je voulais avoir était celle des gars.”
La transmission pour nourrir des vocations, et devenir une référence féminine
En dehors, de la création, Babette a enseigné la musique de ses 18 à 28 ans. Un savoir-faire qu’elle exploite toujours aujourd’hui lorsqu’elle encadre des groupes d’ado au sein de l’association “L’R de rien” dans le cadre du projet “Listen to this”. C’est un travail d’équipe qui permet de les préparer à la technique et de recréer l’écosystème de la scène, qu’elle connait très bien. Ce volet transmission parmi ses diverses activités témoigne de son investissement au sein du “village” musical angevin et de sa curiosité constante. Babette n’en a pas fini de créer et de nous inspirer, rendez-vous au prochain événement !
Rédaction : Angélique Meih
Illustration : Mélissa Tricot, aka Syno
Angélique :
Passionnée d’art et d’événements culturels depuis toujours, c’est tout naturellement qu’elle a voulu en faire son métier. Vous la croiserez dans les salles obscures du cinéma, durant les concerts de Chabada, dans les festivals du coin, et plus encore !
Mélissa Tricot, aka Syno est illustratrice et autrice. Si elle a souvent un stylet à la main, c’est toujours en musique – et avec un volume manifestement trop élevé – qu’elle rythme ses journées. C’est d’ailleurs son admiration pour les designs d’albums et affiches de concert qui lui a donné envie de travailler dans les arts visuels !
![Eustache Eustache](/ims21/eustache.png)