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La Collective

Un pour tous, tous pour un ! La célèbre devise des 3/4 mousquetaires aura été sur toutes les lèvres des acteurs de la ville ces derniers mois d’anémie culturelle. À l’heure où les mesures sanitaires semblent vouloir s’assouplir et les possibilités de revoir des concerts en condition à peu près normales se concrétisent, on ne pouvait que vous aider à remplir les pages de votre agenda estival. Rencontre avec Sarah Nadifi et Clémence Maillochon, de l’association La Collective, pour nous parler des six rendez-vous musicaux incontournables de l’été à Angers.

Dans quelles circonstances s’est créée La Collective ?

Sarah : L’an dernier, la Ville d’Angers avait demandé aux structures culturelles de l’aider à compléter sa programmation musicale d’été en cette période de COVID. Plusieurs structures avaient donc travaillé ensemble un peu dans l’urgence, ou en tout cas de manière un peu bricolée. Et nous avions alors privilégié les artistes locaux. A l’automne dernier, à l’occasion des petits déjeuners pro entre acteurs locaux qu’organise Le Chabada, a émergé l’idée de continuer ce travail collaboratif, mais de manière plus structurée. On sentait bien qu’il serait encore compliqué de proposer des choses au printemps devant un public, donc on a voulu anticiper et tout de suite réfléchir à une vraie programmation élargie pour l’été. Du coup, peu à peu, plusieurs structures ont rejoint le projet et aujourd’hui La Collective est une association, officiellement constituée en Avril dernier, qui réunit 13 associations ou entreprises culturelles locales : Paï Paï, Black Up, D3, Growl Up, Hervé Productions, La Caverne Sensorielle, Les Folies Angevines, L’Igloo, le Joker’s Pub, Orange Platine, Twin Vertigo, Tigre Noir et Le Chabada.

 

Qu’est-ce que cette association vous permet de faire que vos structures respectives n’auraient pu faire ?

Clémence : Dans l’absolu, c’est surtout un outil qui facilite le dialogue avec la mairie. Ça lui permet de n’avoir qu’un seul interlocuteur, et de mieux mutualiser les demandes logistiques. Comme chaque structure membre de la Collective a son savoir-faire propre, on est donc complémentaires et on peut mieux compter les uns sur les autres. L’an dernier chacun avait un peu organisé sa date dans son coin. Cette année, ça a été le fruit d’une vraie concertation et d’un vrai travail collectif. Chacun a pu proposer des choses, puis on a voté pour élaborer cette prog qu’on a voulue à l’image de tous les membres de La Collective, d’où ces six soirées thématiques.

Est-ce que La Collective est pensée pour durer au-delà de cet été ?

Sarah : On verra. Pour l’instant, on se concentre sur cette prog estivale, mais personne ne peut dire l’avenir. Pour être honnête, cette association n’aurait sans doute jamais vu le jour sans le COVID, non pas par manque d’envie mais par manque de temps pour s’y consacrer. Donc quand la période reviendra à la normale et que chacun va de nouveau être accaparé par ses projets personnels, je ne sais pas si on trouvera encore du temps à y consacrer. Mais peut-être qu’on va tout de même y trouver une efficacité de travail qu’on aura envie de voir perdurer ?

 

Vous pouvez nous présenter sommairement cette programmation ?

Clémence : On a donc prévu six rendez-vous centrés autour d’une esthétique musicale. Le 2 Juillet, c’est une soirée autour des musiques jamaïcaines avec Art-X and The Roots Addict de Tours et le Black Up Sound d’Angers en DJ set. Le 9 Juillet, c’est une soirée musique non-occidentale avec le groupe belge de blues du désert Kel Assouf + le groupe psyché de Nancy, Taxi Kebab. Le 15 Juillet, c’est une date folk, avec Teenage Bed du Mans et Back And Forth d’Indre-et-Loire. Ensuite, on passe en Août, le 20, avec une soirée rock. Il y aura Unschooling et Bandit Bandit. Le 27 Août, ça sera du rap avec deux artistes locaux, Odor et Joh Berry, ainsi que le duo nantais Pumpkin & Vin’S da Cuero. Et la dernière date sera électro le 3 Septembre avec Akou Bayo de Nantes et le groupe de techno faite-main Cabaret Contemporain. Tout ça aura lieu dans le jardin des Beaux-Arts et sera gratuit sur réservation.

Sarah : On espère que les gens viendront en nombre, ça fait tellement longtemps qu’on a pas pu faire de vrais concerts tous ensemble !

Plus d’infos et réservations ici.

CERCLERE : Les Loco ont 1 an. Et quelque…

Les locaux de répétition de la Cerclère viennent de fermer leurs portes définitivement. Ils avaient ouvert en 1990, c’était le premier équipement municipal confié en gestion à l’ADRAMA. En 1991, le Yéty (magazine d’information de l’association) faisait le bilan de cette première année. Revoici le texte original, paru dans le numéro de mars 1991, avec nos commentaires en rouge.

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STAV : POP CORNES

Photo : Léna Mezlef

Son premier EP, « Musique de Supermarché » vient de sortir, c’était donc le bon moment pour poser toutes les questions qui nous brûlaient les lèvres à Stav sur cette nouvelle métamorphose de Benjamin Pépion, que la plupart d’entre vous a découvert en MC vénère du duo Rezinsky, mais dont les plus anciens se souviennent peut-être aussi comme d’un rappeur rêveur sous le nom de Pepso Stavinsky. Cette fois-ci, Stav assume faire de la pop, et compte bien faire danser tout le monde au rayon bio des supermarchés sur ses refrains bubblegum. Est-ce que vous avez la carte du magasin? Pas encore? Toutes les infos ci-dessous.

Quand t’est venue l’envie de ce nouveau projet en solo ?

Rezinsky, c’était un groupe, et je dis souvent que c’est un peu comme un couple. Et dans un couple, au fil de son développement, de la façon dont le contrat de départ peut parfois évoluer voire nous échapper, on a un peu tendance à s’oublier soi-même. Rezo et moi, on vivait ce groupe à fond (de l’artistique au management) et je pense qu’on a tous les deux été un peu déçus que le dernier album ne marche pas mieux que ça, même si on a eu plein de bons retours et qu’on a quand même pas mal tourné pour le défendre. On s’attendait probablement à mieux. Et ça nous a fait prendre conscience que chacun de nous s’était un peu oublié dans le processus : on créait avec Rezinsky en ligne de mire. Est-ce que ça colle au groupe ? Et au moment du bilan, on s’est rendus compte qu’on n’avait plus tellement envie des mêmes choses. Ça faisait longtemps que j’avais envie d’essayer quelque chose de plus pop, mais je n’avais pas encore les clés pour le faire. J’en avais parlé à Rezo, il était ok pour me produire quelques titres pour un projet solo mais n’avait pas envie de se lancer dans un projet comme ça à plein temps. On avait alors décidé de sortir un dernier EP de Rezinsky dans un premier temps. Un jour, j’ai eu l’opportunité de signer avec une boite de management qui s’appelle Excuse My French (qui manage notamment Gaël Faye). Ils m’ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas me suivre sur la promo d’un EP d’un groupe qui allait se mettre en pause pour ensuite enchainer sur mon projet solo. Il a fallu choisir, et ça a un peu précipité les choses. Du coup, j’ai pris ma décision en janvier, et les premières compositions sont venues vers mars 2019.

Comment se sont passées les premières tentatives pop ?

Après un des derniers concerts de Rezinsky, je me suis pointé un soir chez Joh Berry, bien crevé. J’étais un peu dépité, parce que j’avais reçu quelques prods de beatmakers à droite à gauche, mais il n’y avait rien qui me parlait. Et Joh m’a dit qu’il avait quelques accords qui trainaient dont il ne savait pas quoi faire pour ses propres morceaux. Il a commencé à me les jouer au clavier et je me suis rendu compte à ce moment-là qu’en fait j’avais déjà des refrains qui me trottaient dans la tête. J’avais pas fait attention que souvent quand je me promenais dans la rue j’avais des bribes de textes, des refrains qui me venaient, et tout ça se stockait dans mon inconscient. Mais ça ne sortait pas quand j’essayais de poser mes idées sur les prods qu’on m’envoyait, parce que tout était déjà en place musicalement. Or, Joh a adapté en direct ses accords à mon flow, et ça m’a soudainement permis de chantonner, et de réellement placer ce que j’avais en tête. Et donc sans trop le savoir, je suis entré dans ce processus de travailler des chansons, et non plus des morceaux de rap. Et on partait ensuite de mes idées de chants ou de textes pour composer la musique, et non l’inverse comme dans Rezinsky.

Tu travailles avec d’autres personnes que Joh ?

Au départ, on a beaucoup travaillé avec Joh, puis assez rapidement Titouan, le musicien couteau suisse qui m’accompagne sur scène, s’est également investi dans la production ces derniers mois (vu qu’on n’avait plus de concerts), et je travaille aujourd’hui pas mal aussi avec Chahu des Dogs For Friends sur des nouveaux morceaux. Et il y a bien sûr toujours Atom qui continue de faire un énorme taf en faisant sonner nos petites démos faites sur des plug-in pourris. On commence à trouver nos marques, et je ne me suis jamais senti autant en phase avec ce que je voulais faire.

Ça pourrait étonner pas mal de tes fans qui t’ont découvert dans Rezinsky ?

Oui, c’est sûr. La première mouture d’un morceau comme « Avec moi », par exemple, est arrivée assez tôt, genre en mai 2019, soit deux mois après les toutes premières ébauches plus pop. Et j’ai longtemps hésité avant de la faire écouter à mes potes comme Odor ou Nerlov, je craignais un peu leur réaction. Et finalement, la première réaction de tout le monde a été de sourire, et de me dire que finalement, ça avait beau être très différent musicalement, on me reconnaissait bien dans ce délire. Ça m’a beaucoup conforté parce que c’était mon cercle proche, qui me connaissait aussi en tant que personne, et pas seulement le type sur scène. A la fin de Rezinsky, j’étais trop dans un personnage hip hop redneck à jouer la surenchère de la provoc, la vulgarité. Je voyais ma mère qui commençait à tiquer, et j’avais des potes qui commençaient à avoir des enfants, et qui me disaient « ouais, c’est cool, mais je ne ferai jamais écouter ta musique à mes gosses ! » (rires)

Pourtant, Stav est juste un nouveau personnage, comme ont pu l’être le MC de Rezinsky ou Pepso Stavinsky encore avant, non ?

Bien sûr. Stav est juste le fantasme de Benjamin. Il lui permet de faire tout ce que Benjamin n’oserait jamais. Finalement, dans mon disque « Voir la lune », sorti sous le nom de Pepso il y a des années, il y avait déjà ce côté rêveur, lunaire, qu’on peut retrouver aujourd’hui sous une forme musicale différente et plus aboutie dans Stav. Finalement, peut-être que la vraie rupture dans mon image, c’était surtout Rezinsky. Mais parce que Rezinsky, au départ, c’était un délire qui n’était pas censé durer aussi longtemps. On devait juste faire un EP 4-titres, qui est devenu finalement un EP 7-titres, qui a eu une sortie physique, et on a trouvé un tourneur, un manageur, y a eu d’autres disques… C’est le fait que ça a suscité de l’intérêt chez d’autres personnes qui a fait que ça a continué d’exister pendant quatre ans et que ça nous a boosté grave. Et puis on avait des morceaux comme « Jolie môme » ou « Caligula », écrits et composés super à l’instinct et qui restent peut être les tracks les plus évidents qu’on ait faits avec du recul. Les gens y croyaient et nous aussi. Mais à la base, Rezinsky c’est parti d’une interview que je faisais pour le site L’Abcdr du Son dans lequel le journaliste me parle d’un morceau sur lequel je posais créé par ce beatmaker rennais Rezo, et je réponds que c’est vrai que je kiffe ses prods et qu’on est super potes, mais que c’est peut-être trop ancré dans le boom bap des 90s, et que j’ai envie de trucs plus électroniques à l’avenir, et donc qu’on allait sans doute moins collaborer par la suite. Et quand Rezo a vu ça, par défi, il s’est mis à m’envoyer des prods boom bap que j’ai trop kiffées, il a réussi à me mettre en contradiction (rires). Rezinsky a donc démarré comme ça. Et on a kiffé à mort ! Et comme il y a plus de gens qui m’ont découvert avec Rezinsky que sur mes projets plus anciens, c’est peut-être pour ça qu’ils sont étonnés d’entendre Stav aujourd’hui.

Je pense que Stav nous touche parce qu’il ose des choses que plein de gens n’oseraient pas…

C’est un peu pareil pour moi aussi en fait ! (rires) Ce projet me fait beaucoup de bien parce quand j’étais ado j’étais foufou, je faisais beaucoup de conneries, des sports un peu extrêmes. Et puis j’ai vieilli, j’ai fumé beaucoup de joints, et je suis devenu plus peureux. Puis vient l’époque où tu dois taffer, tu as la tête dans le guidon, tu deviens un peu plus lâche. Stav me permet de retrouver cette insouciance, cette folie, de mon enfance, quand on peut tout se permettre. Ça me libère. Il y a plein de choses que je fais aujourd’hui dans mes interventions sur les réseaux sociaux, les petites vidéos que je lâche ici ou là, que je n’aurais jamais osé montrer avant, parce que je voulais que tout soit sous contrôle, ultra-chiadé, etc. Avec Stav, j’ai réappris la liberté et la spontanéité. Et je pense que les gens ont besoin de sentir cette folie, surtout en ce moment où la vie ne nous permet pas souvent d’en faire. Même si tout ça ne reste qu’un personnage, contrôlé, marketé, assumé. Je l’envisage aussi un peu comme un personnage de film…

D’ailleurs, le fait qu’on retrouve toujours le personnage de Billie, ton amoureuse, dans plusieurs chansons contribue à donner ce côté cinématographique à ton écriture, comme si chaque chanson était un épisode d’une histoire.

Dès le début, j’ai voulu raconter des histoires. Je vivais très mal à la fin de Rezinsky de ne plus écrire que sur ma vie de rappeur indé. Avec Stav, je voulais quelque chose de plus universel. Mais on s’inspire forcément de ce qu’on vit. Et moi, je suis en couple avec une fille qui m’inspire beaucoup, mais je ne me voyais pas citer son vrai nom dans mes chansons. Alors je lui ai piqué le nom d’un personnage d’histoires qu’elle avait écrites de son côté. Elle a été ok pour que je lui emprunte Billie dans mes chansons. Billie, c’est jamais le personnage central d’une chanson, mais elle n’est jamais très loin. Elle peut représenter plusieurs choses, plusieurs symboles de la féminité. J’ai toujours bien aimé les livres ou les films d’un auteur où on retrouve un même personnage, qui peut ne pas être tout à fait le même non plus, d’un livre à l’autre, comme le personnage d’Octave Parango dans les livres de Frédéric Beigbeder. Il y aura peut-être de nouveaux personnages qui apparaîtront dans mes chansons, c’est pas du tout impossible. Je me rends compte que ça m’aide beaucoup à creuser des histoires et de réussir à écrire sur des thèmes sur lesquels je n’aurais jamais réussi à écrire tout un texte.

Et la suite ?

Si tout va bien, on devrait sortir un autre EP, un « Musique de Supermarché 2 », mais plus organique, avec sans doute un vrai live band pour aller encore plus loin dans le côté pop 80s. Et ensuite un album. On y entendra sans doute un morceau comme « Breakdown » que je joue déjà sur scène, mais qui est un morceau plus hivernal, et qui mérite une instrumentation plus rock, avec une vraie guitare avec réverb comme dans les films de Tarantino… On ne manque pas d’idées.

EN AVANT TOU·TES !

« Who run the world? Girls ! » chantait Beyoncé il y a dix ans. Ce n’est certainement pas Clarisse Arnou qui la contredira. Aujourd’hui co-gérante du label et éditeur Yotanka (Laetitia Sheriff, Kid Francescoli, Lo’Jo, Zenzile, Muthoni Drummer Queen…), manageuse de Lo’Jo et Thylacine, vice-présidente de l’UPFI (Union des Producteurs Français Indépendants) et membre du conseil professionnel du CNM (Centre National de la Musique), la jeune femme a fait sa place dans un monde presque exclusivement masculin. Elle vient nous parler de Mewem, un programme de mentorat féminin.

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Les Thugs : Never Get Older

Vingt ans après leur cessation d’activité, Les Thugs refont parler d’eux. Il y a quelques semaines en effet, paraissait en librairie la biographie « Radical History », signée par le journaliste Patrick Foulhoux, qui revient sur le parcours peu commun de ce groupe qui marqua durablement la scène rock française et encore plus la scène angevine dans les années 80/90. Plutôt que d’interroger une énième fois les membres du groupe (dont deux officient aujourd’hui dans Lane) sur leur glorieux passé, nous trouvions plus intéressant de demander à de jeunes artistes angevins, dont aucun n’avait encore atteint la puberté au moment où Les Thugs raccrochèrent les crampons en 1999, ce qu’il restait du mythe pour eux en 2020. Les groupes de rock d’Angers d’aujourd’hui connaissent-ils, écoutent-ils, aiment-ils encore Les Thugs?

Stw (Limboy) :

Oui, bien sûr, c’est un groupe que j’écoute. J’ai découvert Les Thugs un peu avant leur reformation en 2008 et j’ai eu la chance d’être au dernier concert à Jean Vilar car stagiaire au Courrier de l’ouest ! Je me souviens les avoir découverts avec le morceau « Biking », et c’était une énorme claque ! C’est d’ailleurs toujours mon morceau préféré aujourd’hui. En un mot : hypnotique.

Nerlov :

Honnêtement, je ne connais pas très bien la carrière des Thugs, j’ai jamais creusé plus que ça, mais je le ferai parce que j’aime bien ce que j’ai écouté globalement. Pour ne citer que ceux-là par exemple, je trouve que « Waiting » est hyper cool et « Biking » vraiment un gros tube (c’est le batteur qui chante, donc ça rend vraiment autre chose…). Mais en vrai, j’ai surtout fait l’expérience que quand t’es d’Angers et que tu bouges faire des concerts un peu ailleurs en France, y a souvent un type pour te dire : « Angers ? Ah bah, Les Thugs !! ». En général il est pas tout jeune, et il achète toujours un truc au Merch. (rires)

Lucas (Péniche) :

On mentirait si on disait que le groupe a bercé notre jeunesse, puisqu’il s’est arrêté avant qu’on ne commence à écouter des sons et acheter des disques. Notre génération s’est plutôt construite autour de groupes comme La Ruda ou Zenzile pour rester dans la scène angevine. C’est d’ailleurs par ce biais-là qu’on a découvert Les Thugs, avec la compile « Tribute to les Thugs » en 2003, où La Ruda reprenait « Les lendemains qui chantent ». C’est donc ce titre qui nous vient à l’esprit en premier lieu quand on évoque Les Thugs. Un des rares textes en français du groupe, je crois bien ? Du coup c’est quand même bien plus tard qu’on a pu mesurer toute l’importance des Thugs, leur impact sur la scène rock en France, à l’international, un truc assez incroyable quand même. Aujourd’hui, nous, on pense surtout à L.A.N.E en fait, avec qui on a déjà pu jouer à Tours, l’an dernier.

Maxime (San Carol, Big Wool, Limboy) :

J’aime bien quelques titres parmi leurs plus mélodiques ou shoegaze, comme « I love you so » par exemple. J’écoutais un peu le groupe quand je vivais encore au Mans, mais j’avoue que lorsque je suis arrivé à Angers on m’en a un peu dégoûté avant même que je ne creuse davantage leur discographie. C’est sans doute une mauvaise raison, et j’ai tout à fait conscience de l’importance qu’ils ont pu avoir en local comme au national pour l’émergence d’une certaine idée du rock indépendant, mais j’en avais un peu marre de toujours entendre ce nom revenir en référence dès que quelqu’un tentait quelque chose. Parfois, j’ai même l’impression que ça a pu freiner certains groupes, ou les complexer sur leur véritable valeur. Une sorte d’héritage trop lourd à porter. Comme si à Angers, on ne pouvait / devait faire que du rock, et en même temps être condamné à faire forcément moins marquant que l’original.

Manu (Scuffles) :

Mon premier concert de punk-rock, c’était Les Thugs à la salle Jean Vilar d’Angers en 2008, pour leur reformation. J’y avais été amené par mes parents, amis de longue date de Thierry Méanard (le guitariste du groupe). A 11 ans, c’est le genre de choses qui marquent. Le bruit, les lumières, l’énergie intense, et évidemment les riff de « Waiting » ou de « Poison Head » qui m’auront permis quelques années plus tard d’apprendre à faire des power chords sur une guitare. Dans le genre moment fondateur d’une passion, on fait pas mieux. L’histoire se poursuit aujourd’hui car on est très amis avec Félix Sourice, le fils de PY (bassiste des Thugs), qui est notre technicien son… c’est pas grand, Angers! (rires)

MARKUS AND SHAHZAD : ASIAN OUD FOUNDATION

© Jeanne Bonnet

Il faut bien admettre que pour certaines choses la mondialisation et Internet ont eu du bon. Les frontières géographiques et esthétiques sont tombées à vitesse Grand V tandis que les humains pouvaient entrer en contact et découvrir les cultures des autres en quelques clics. Et parfois cela finit même par de véritables rencontres humaines et artistiques comme Markus And Shahzad. Le oudiste angevin et le chanteur pakistanais sortent leur deuxième album, et pour en parler nous avons posé quelques questions à l’homme de l’ombre, celui dont le prénom n’apparait pas dans le nom du groupe mais qui reste tout autant essentiel dans le projet, le claviériste touche-à-tout Xavier Pourcher.

La semaine dernière, vous avez joué au Chabada pour fêter la sortie de ce deuxième album, « Janna Aana ». Mais le suspense sur la venue de Shahzad a duré presque jusqu’au bout !

C’est le moins qu’on puisse dire. Le concert avait lieu le vendredi soir, et Shahzad est arrivé à Angers le jeudi soir. On a a peine eu le temps de répéter ensemble alors qu’on n’avait plus joué tous ensemble depuis fin juillet 2019. Il y a eu des tas de rebondissements administratifs. Shahzad nous a même expliqué qu’à la fin il n’y croyait tellement plus qu’il avait calé des concerts au Pakistan qu’il a dû annuler un peu au dernier moment pour pouvoir venir en France, et que les promoteurs de ces concerts sont même venus chez lui avec l’intention de lui casser la figure parce qu’ils n’étaient pas contents ! Il devait au départ arriver la semaine dernière mais au moment de monter dans l’avion, le type des frontières n’a jamais voulu le croire et a pensé que son laisser-passer était un faux. Et comme il était trois heures du mat’, le supérieur qu’il a appelé l’a envoyé bouler et lui a dit qu’on verrait ça le lundi suivant. Il a fallu refaire toutes les démarches administratives (parce que le visa est daté très précisément), le test COVID, racheter un billet, etc. Le stress… En revanche, quand il s’est repointé à l’aéroport jeudi matin, des gens avaient dû se faire engueuler parce que Shahzad nous a raconté qu’il avait été accueilli comme un prince. (rires)

Qu’est-ce qui a changé dans votre façon de travailler entre le premier et ce deuxième album ?

Si on veut schématiser un peu, on pourrait dire que pour le premier on avait quand même beaucoup avancé sur les compos avant que Shahzad vienne enregistrer ses voix. On avait donc composé un ou deux titres vraiment ensemble en fin de session, mais globalement il avait surtout posé sa voix sur nos compositions. Entre les deux disques, on est allés jouer au Pakistan, on a rencontré et joué avec ses musiciens là-bas, on s’est beaucoup mieux imprégnés de sa musique et de sa culture. On a écouté beaucoup de musique Qawwali, y compris celle du père et du grand-père de Shahzad qui est issu d’une célèbre famille de musiciens au Pakistan (son père a eu un BBC Award en 1983 !). Tous ces échanges ont nourri le nouvel album. Ce n’est plus seulement la voix de Shahzad qui amène l’élément Qawwali, mais tout un tas d’arrangements de percussions et autres qui font qu’on va plus loin dans le métissage des musiques. On a également eu de meilleures conditions d’enregistrement, dans un vrai studio, et une vraie production derrière. Donc on passe un cap, c’est normal.

Paradoxalement, je trouve ce nouveau disque plus pop que le précédent, en tout cas dans ses structures couplets-refrains efficaces…

Ah oui, je suis d’accord. Dans la structure des morceaux on a vraiment essayé d’aller à la concision et à l’efficacité. Mais on s’est aussi vite rendu compte que la musique Qawwali, contrairement par exemple à la musique indienne, repose beaucoup sur des mélodies chantées de ce qui ressemble à nos refrains, même si les structures de leurs morceaux peuvent être très longues puisque c’est une musique de transe. On a donc voulu s’appuyer sur ces lignes de chant archi mélodiques de Shahzad qui lui viennent super naturellement. C’est donc assez facile de construire des morceaux « pop » dessus. Quand on ne s’y intéresse pas de près, on pourrait penser que la musique indienne et la musique Qawwali sont assez identiques, alors que pas tellement. On s’est rendus compte que la musique indienne est beaucoup plus stricte, plus proche de la musique de chambre chez nous par exemple, alors que le Qawwali c’est une musique pour faire danser les gens, donc c’est finalement une musique populaire malgré toute sa base spirituelle puisqu’au départ ce sont des textes soufis qui sont chantés.

 

Tous les textes de Shahzad sont donc des poèmes soufis ?

Il s’arrange un peu. Il pioche des extraits de poèmes ici où là, qu’il retransforme à sa sauce parfois, qu’il mélange à ses propres écrits ou à des textes qu’il commande à d’autres. Pendant la composition du disque, je me souviens l’avoir vu téléphoner à quelqu’un au Pakistan pour lui expliquer qu’il voulait un texte qui exprime tel ou tel truc. C’est assez fascinant de le voir construire ses textes.

Dans les années 90 il y a eu une grosse scène autour de la musique Qawwali, de Nusrat Fateh Ali Khan à Asian Dub Foundation. Est-ce que c’est quelque chose dont vous cherchez à vous démarquer ou auquel vous vous sentez appartenir ?

Pour être honnête, on n’a jamais tellement pensé à ça. On a bien entendu beaucoup écouté Nusrat parce que c’est un nom incontournable dans la musique Qawwali, mais on n’a même jamais tellement apprécié ses disques « crossover » avec Peter Gabriel. Et puis il y a aussi le oud de Markus qui est plutôt un instrument du Moyen-Orient donc le métissage des musiques est plus large que le simple Pakistan, on est dans un bassin méditerranéen élargi. Et on mêle tout ça avec nos influences occidentales, pop ou electro. Les trucs qu’on a écoutés pendant la maturation de ce disque n’étaient pas forcément ces artistes qui ont fait des ponts avec les musiques indienne ou pakistanaise, mais plutôt des groupes d’aujourd’hui qui explosent de l’intérieur leurs musiques traditionnelles comme les Turcs de Baba Zula par exemple.

Y a-t-il une chose que vous avez découvert dans la musique Qawwali qui va marquer votre façon de travailler, et une chose que Shazhad a découvert chez vous qui marquera la sienne ?

De notre côté, on a vraiment pris conscience de la force de la mélodie des refrains dans leur musique. Ca a été une sorte de révélation. De voir à quel point c’est important dans leur musique, et donc finalement dans toutes les musiques. La force d’une mélodie qui t’accroche et qui t’emmène. Parce que ça finit forcément dans une sorte de ferveur collective où tout le monde se retrouve en transe. Et le point de départ, c’est la mélodie, plus que le rythme comme habituellement dans les musiques de transe. Ca m’a rappelé des sensations que j’avais pu avoir à Austin en assistant à une messe dans une église baptiste. Ca te met le frisson ! Shazhad, lui, ce qu’il aura retenu, je pense, c’est l’importance de respecter les structures d’un morceau. Parce que chez eux ils sont assez free là-dessus. C’est le chanteur qui mène la danse, les autres doivent le suivre. Ici il a dû comprendre et accepter que ça ne fonctionnait pas comme ça, et qu’il fallait tous s’écouter. C’est un véritable bouleversement culturel de réussir à comprendre ça. Je pense aussi qu’il a vécu des moments super forts avec nous sur scène, parce qu’il a pu jouer devant plusieurs milliers de personnes à donf sur certaines dates. C’est des émotions fortes. Y a un concert où il s’est carrément mis debout pour chanter tellement il était transporté par la foule, alors que c’est un truc interdit dans la tradition Qawwali normalement. Mais là l’émotion a été plus forte que la tradition !

CHERRY PLUM – LA DERNIERE SEANCE ?

Cherry Plum avait disparu comme le quintet était venu, sans faire beaucoup de bruit. Enfin, ce n’était pas si clair. Le groupe ne se produisait plus vraiment, mais Sébastien Chevillard, son chanteur-guitariste, jouait encore régulièrement sous ce nom en solo. Soudain, un nouvel album est sorti de nulle part, enregistré à cinq. Et comme cet « Allen Street » est de toute beauté, il fallait au moins pouvoir trier le bon grain de l’ivraie. Nous avions donc posé quelques questions au principal intéressé avant le concert de Cherry Plum le 4 juillet au château du Plessis-Macé.

Peux-tu nous résumer ce qu’il s’est passé entre les dernières dates qui ont suivi votre EP en 2016 et la sortie de ce nouveau disque, « Allen Street » ?

Seb : Je ne suis pas sûr de tout me souvenir moi-même… (rires) Après la sortie de notre deuxième EP, on a eu quelques belles dates pour le défendre. Puis certains des membres du groupe ont été pas mal occupés par la sortie d’un album de The Loire Valley Calypsos, dans lequel ils jouent également. On est alors retournés jouer à Austin, juste en trio, fin 2016. Au retour Sam, notre guitariste a rejoint lui-aussi The Loire Valley Calypsos. Xavier, notre clavier multi-instrumentiste, joue avec Markus and Shahzad, et moi-même j’ai été pris par divers projets plus rémunérateurs. Cherry Plum est donc peu à peu passé au second plan sans qu’on s’en rende bien compte. On avait pourtant déjà commencé à enregistrer une petite poignée de nouveaux titres.

On les retrouve sur « Allen Street » ?

Oui, bien sûr. Le single qu’on a déjà sorti, « Looking for troubles », est issu de ces vieilles sessions de 2016. Le reste des morceaux est davantage le résultat de démos qu’on a travaillé à deux ou trois, avec Sam et Xavier donc. Jusqu’à se dire qu’on tenait un album malgré le fait que l’activité du groupe était un peu au point mort. On a donc fait écouter le fruit de notre travail à Antoine (le batteur) et Pierre (le bassiste) qui ont eu envie de poser dessus. On a enregistré chez les Lo’Jo à l’été 2017. Le gros de l’album était fini à ce moment.

Et ce disque ne sort que maintenant ?

Une fois que le disque a été enregistré, il a fallu se poser la question de défendre son existence. Et le problème de la disponibilité de tout le monde restait entier. On a beaucoup tergiversé. En fait, ce qui était compliqué, c’est que dès le départ rien n’avait été véritablement défini. Le noyau du groupe, à la base, c’était censé être Sam et moi. Xavier, Pierre et Antoine devaient plutôt être des intervenants ponctuels. Mais très rapidement, comme ce sont de super musiciens et de belles personnes, ils se sont révélés indispensables à l’identité de Cherry Plum. Mais leur manque de disponibilité compliquait un peu les choses. Continuer sans eux ? Tout arrêter ? Le temps a passé sans qu’on prenne de réelle décision. Finalement, c’est Xavier et Sam qui m’ont beaucoup encouragé à jouer ces morceaux en solo. On était tous d’accord pour dire que les chansons étaient bien. C’était dommage de ne pas les faire entendre. Xavier m’a aidé à les réarranger pour un set en solo et je les ai jouées pendant un an ou deux comme ça, y compris sur un troisième séjour à Austin. J’y ai pris beaucoup de plaisir, à mon grand étonnement. Et puis récemment j’ai eu envie de clore ce chapitre en sortant ce disque. Je ne sais pas si ça veut dire mettre fin à Cherry Plum, mais en tout cas ça semblait important de sortir ce disque pour pouvoir démarrer une nouvelle page. Je me suis donc motivé pour qu’on termine les dernières touches qu’il restait à apporter à l’album, et on devait se faire une double soirée de release au Joker’s en avril au grand complet. Mais une épidémie mondiale est passée par là. On va se rattraper plus tard, j’espère. Pour l’instant, on jouera déjà en duo avec Sam au château du Plessis Macé le 4 juillet.

Je suis étonné que le gros du disque soit si ancien. Il y a une sacrée évolution par rapport au précédent EP…

En fait je pense qu’on a fait un très bon travail de pré-production en amont avec Sam et Xavier. Les morceaux étaient mieux composés, plus épurés. Avec une vraie réflexion sur le grain qu’on voulait obtenir dès les prises avec nos instruments. Du coup, ça a laissé de la place pour tenter ensuite des choses niveau arrangements à cinq. Avec une vraie mise en valeur des couleurs que ça pouvait apporter, comme les claviers, les percussions ou le tuba. C’est sans doute ça qui te donne l’impression d’une vraie évolution. Alors qu’en fait c’était sans doute qui on était dès le début du groupe. On s’est retrouvés à jouer des choses plus pop à nos débuts, alors que personne n’en écoutait vraiment dans le groupe. C’était presque un quiproquo. Ce disque nous ressemble beaucoup plus finalement. C’est un retour à nos sources. On écoute tous beaucoup de folk, de rock 70s, de musiques traditionnelles américaines et d’ailleurs.

Ça sonne aussi plus « synthétique » que le précédent, c’est plus dansant. Et plus cinématographique aussi.

Oui, le clavier a plus de place, c’est sans doute dû au fait d’avoir beaucoup trainé avec les gars de VedeTT et San Carol avec qui on était allés à Austin en 2016, ça nous a ouvert des voies auxquelles on n’avait pas forcément pensé. On voulait un son un peu vintage, comme sur les disques de Chris Isaac des 80s ou des BO de films de David Lynch. Pas mal de morceaux ont été composés ou finalisés après notre premier voyage à Austin et forcément on avait des images de paysages désertiques à perte de vue dans nos têtes. Ça s’entend fatalement dans le disque.

Plus d’infos sur le concert au château du Plessis Macé (samedi 4 juillet) ici: https://www.lechabada.com/events/alex-grenier-cherry-plum/

Le bruit et l’Odor

On vous parlait de son très bon premier EP « Inodore » il y a peu, c’était donc le timing rêvé pour enfin poser quelques questions à Odor et à son DJ Spok pour mieux comprendre comment ce projet a réussi à s’imposer aussi rapidement sur la paysage rap angevin. Conversation bruyante et à bâtons rompus avec deux passionnés de sons, de rimes et de punchlines qui claquent, malgré les 20 ans bien tassés qui les séparent !

Tu as tout juste 23 ans, mais ton projet a tout de suite fait preuve d’une grande maturité. Tu rappes depuis quand ?

Odor : J’ai commencé à 15 ans, parce que je m’ennuyais. J’avais un grand frère qui écoutait des trucs de rap américain comme De La Soul, A Tribe Called Quest, etc. donc je baignais dans cette culture sans trop m’en rendre compte depuis longtemps. Je me souviens par exemple regarder les vidéos live de NTM quand j’étais en CM2. Et j’hallucinais !! Mais si je suis vraiment honnête, je dois bien avouer qu’une des premières artistes rap qui m’a remué -moi, mais aussi un paquet de gamins de ma génération- c’est Diam’s… J’ai aussi beaucoup écouté l’album « Les Histoires Extraordinaires D’Un Jeune De Banlieue » de Disiz La Peste, puis Orelsan. Bref, grâce à ces disques, j’ai trouvé dans le rap un bon moyen d’exprimer mes émotions. Mais au départ, je rappais surtout dans le bus scolaire pendant mes 45mn de trajet depuis ma campagne de Juvardeil… (rires)

Tu as toujours rappé en solo ou bien tu as eu un groupe ?

O: Vers 2016, je faisais partie d’un collectif qui s’appelait Pen Soul Case avec des potes dont certains commencent aujourd’hui eux aussi à se faire un petit nom comme AsTec ou Cezur. On cherchait à rapper à tous les open mics qu’on trouvait, on voulait exister. Mais je me suis jamais senti obligé d’appartenir à une famille bien précise. J’ai toujours travaillé avec plein de gens différents.

En 2018, tu as sorti une première mixtape, « Jeu de fléchettes », qui était déjà super aboutie, des instrus jusqu’à la pochette, en passant par les flows et les textes.

O: J’ai toujours eu conscience qu’il fallait que je bosse avec les meilleurs dans leur discipline. Donc quand j’ai eu besoin d’une pochette par exemple, je suis allé demandé à celui que je considérais comme le meilleur graphiste que je connaissais : Gast Senseï du Groove Clan. Pour le master des instrus live, j’étais allé demander à Achaiss, qui travaille aujourd’hui avec Thylacine. Je veux toujours m’entourer des meilleurs pour ce que je ne sais pas faire seul. Et je peux être assez exigeant, avec les autres et avec moi-même. Mais j’ai aussi conscience d’avoir eu la chance de croiser les bonnes personnes au bon moment, comme Pepso de Rezinsky (aujourd’hui Stav) qui m’a présenté plein de gens, qui m’a invité sur un titre de Rezinsky, ou les gens du Chabada qui m’ont bien aidé à préparer le Buzz Booster dont j’ai remporté la finale régionale en 2018.

Et comment tu t’es retrouvé avec Spok, malgré vos 20 ans d’écart ?

O: Par hasard, en fait ! Je me suis retrouvé en galère de DJ un jour la veille d’un concert. J’étais un peu en panique, et tout le monde me disait « Y a que Spok qui pourra te tirer de là ! » (rires) Donc j’ai fini par le contacter, et la date s’est hyper bien passée, comme si on avait toujours bossé ensemble. On n’a pas arrêté depuis.

Spok : C’est clair, c’était dingue. Moi, en plus, c’était une époque où le rap commençait un peu à me saouler. Je refusais tous les plans que me proposaient les rappeurs du coin. J’étais plus trop dedans. J’ai accepté Odor parce qu’il y avait un cachet à la clé, mais je ne me faisais pas tellement d’illusions. Et en fait, il y a eu une pure alchimie entre nous. C’était évident pour tous les deux à la fin du concert qu’on allait continuer à bosser ensemble ! Et puis en apprenant à se connaître, on a réalisé qu’on avait plein de points communs : les vieux groupes de rap via son frère, les nouveaux groupes que j’avais découverts via les gamins des maisons de quartiers, on a aussi tous les deux travaillé dans l’animation d’ailleurs… Bref, on se nourrissait mutuellement de choses, et on se comprenait. Et surtout on est tous les deux des gros bosseurs. On sait tous les deux qu’il ne se passera rien si on attend que ça nous tombe tout cuit dans le bec. Donc on est tous les jours au turbin. On n’a pas l’argent pour payer des gens pour faire tel ou tel taf, alors on apprend à le faire nous-mêmes. Du coup, maintenant, Odor commence à produire ses propres instrumentaux, il bidouille de la vidéo, etc. C’est un vrai travail collaboratif, et pas chacun de son côté.

Sur « Inodore », votre premier EP ensemble, il y a huit titres et presque autant d’ambiances différentes. C’est une carte de visite ?

O: En fait, ces morceaux, je les ai écrits juste après la sortie de « Jeu de fléchettes ». Ils datent donc d’il y a deux ans déjà. Je voulais les sortir aussi pour tourner une page, parce qu’aujourd’hui on est dans une nouvelle dynamique avec Spok. Tout ce dont il vient de te parler, ça s’entendra sur les prochains morceaux. Sur « Inodore », les instrumentaux sont encore signés de différents beatmakers. Mais oui, j’ai aussi voulu plein d’ambiances différentes pour ne pas me laisser enfermer dans un seul style. C’est aussi pour moi un challenge de voir si je serai capable d’être aussi crédible dans des morceaux plus introspectifs comme sur « Lumière » avec Nerlov en feat. que sur « Baby Mama » qui est volontairement plus racoleur, voire carricatural, que sur les gros bangers qui font pogotter les gens en concerts.

Tu as une écriture très précise. On sent que tu travailles beaucoup tes textes.

O : J’ai beaucoup été inspiré par la plume du rappeur Alpha Wann qui était auparavant dans le groupe 1995. C’est lui qui m’a donné envie de jouer sur les assonances, sur les mots qui se ressemblent, créer des rimes en milieu et pas forcément en fin de phrase, etc. Je trouve que ce type utilisait son flow comme un saxophoniste de jazz, en se permettant des notes qui pouvaient donner l’impression de parfois être à côté de la grille, mais qui apportaient justement un groove particulier. Ça demande beaucoup de technique pour le placement de la voix, et beaucoup de travail d’écriture, oui. C’est pour ça que j’ai toujours été un gros bosseur, parce que j’ai tout de suite compris que ça ne viendrait pas tout seul. Je voulais tout mettre de mon côté pour faire un maximum de bruit !

Ne loupez pas Odor sur scène, avec Joh Berry, le 27 Mars au 122https://www.facebook.com/events/1447443258756146/

ATELIER NaN : CONCOURS DE BITS

Vous êtes déjà dans le futur et vous ne le savez pas. Il y a bien longtemps qu’il ne suffit plus de savoir jouer d’un instrument pour composer de la musique. Dès le début du 20ème siècle, Edgar Varèse abandonne les méthodes de composition classiques pour jouer directement avec la matière sonore. Les musiciens n’ont eu de cesse depuis de chercher à synthétiser et recréer/moduler les sons qui les entourent. L’atelier de recherche NaN (Not A Number) est le fruit d’un travail expérimental collaboratif entre des étudiants de l’ESAD Tours-Angers-Le Mans (École supérieure d’art et de design, qu’on connaissait sous le nom de Beaux-Arts par le passé) et des étudiants de Polytech-Angers (qui fait partie du regroupement national d’écoles d’ingénieurs polytechniques). Ils ont cherché à tester les frontières du live-coding. Kezaco ? Explications avec Mathieu Delalle, enseignant à l’ESAD.

Le live coding, ça consiste en quoi ?

C’est une façon de composer de la musique électronique en utilisant le coding informatique en direct. En clair, le musicien entre une ligne de code informatique dans un logiciel qui va lancer une boucle d’un son préalablement défini. La ligne de code apparaît sur un écran visible du public en même temps que le son se déclenche. Au fur et à mesure que le morceau avance, le ou les musicien.ne.s se trouvent à composer/improviser en jouant avec les algorithmes. Il existe désormais une véritable scène nationale et internationale de live coding. C’est un prolongement assez naturel des premières musiques jouées sur des synthétiseurs.

Et qu’est-ce que l’atelier de recherche NaN (Not A Number) veut creuser là-dedans ?

Généralement, quand on entend collaboration entre des écoles comme les nôtres, ça cache souvent de la simple sous-traitance : ceux qui ont le savoir-faire technique exécutent une commande pour ceux qui ne savent pas faire. Là, on a voulu que les étudiants travaillent véritablement ensemble. Qu’ils mutualisent leurs connaissances, qu’ils réfléchissent ensemble à ce qui leur manque, comment ils peuvent l’inventer, et pour quoi faire. Ce qui est donc intéressant pour nous, c’est que le live coding est un outil intuitif et créatif. C’est-à-dire que contrairement aux logiciels de MAO (Musique Assisté par Ordinateur) habituels, le logiciel SuperCollider sur lequel nous travaillons est un logiciel libre et évolutif. On peut donc créer nous-mêmes des programmes et des fonctions dont on a besoin et les incorporer au logiciel de départ. On peut donc ajouter une somme infinie de nouveaux sons et de nouvelles façons de les manipuler/modifier.

Tout se passera donc exclusivement du clavier à l’écran ?

Non, car on a aussi voulu inventer de nouvelles interfaces, et ne pas se contenter du clavier pour lancer des sons. Par exemple on a construit une machine qui fait tourner une sorte de palme qui vient heurter des clous disposés en cercle, et chaque clou heurté va déclencher un son. La vitesse de rotation de cette roue va donc influer sur le rythme de ces sons. Les étudiants vont aussi devoir composer avec ces contraintes qui vont évoluer dans le mix. On aura aussi un vélo d’appartement, et la personne qui pédalera aura un capteur de rythme cardiaque qui déterminera le BPM (Beat Par Minute) du morceau. On veut une vraie conversation entre du langage informatique et des déclencheurs très physiques, presque artisanaux. On sera entre le concert et l’installation.

Comment va se dérouler la soirée Echos Numériques du jeudi 19 Mars ?

A 19h00, il y aura la conférence «Technologies, usages et créations… quel renouveau dans la musique ?» de Fabrice Jallet. A 20h30, il y aura une performance expérimentale d’une quinzaine d’étudiants de l’atelier assez proche de ce qu’on connaît dans la musique concrète, ou l’ambient, où le public pourra voir une œuvre se créer en direct sur un écran. En gros, c’est le processus qu’il ne voit jamais d’habitude puisque que le compositeur fait ça tout seul chez lui. Pour finir à 22h00, les étudiants utiliseront le même logiciel, mais dans une optique plus festive, assez electro, pour faire danser les gens. Tout ça gratuit, bien entendu !

Toutes les infos pour la soirée Echos Numériques ici: https://www.lechabada.com/events/echos-numeriques/

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En raison du Covid-19, l’atelier NaN à quelques mètres de l’arrivée au Chabada a été stoppé et comme tout le monde sommé de quitter les lieux.
Maintenant confinés et disciplinés, les étudiants se sont retrouvés sur le bon canal et ont décidé de faire chacun chez soi, ce qu’ils savaient faire ensemble, dans les ateliers de L’ESAD TALM Angers.

Alors voilà chaque semaine accompagnés de Julien Bellanger l’Artiste-Host, NaN vous propose de se retrouver sur http://zoneblanche.org/stream.html pour écouter et regarder ses Jam session LiveCoding en streaming.

Grise Cornac dans le grand bain

Crédit: Simon Jourdan

En 2016, nous avions été séduits par le premier album de Grise Cornac, tout en poésie et en complicité. Il faut dire que ces deux-là se connaissent bien. Couple à la ville et à la scène, ils partagent des émotions depuis plus d’une décennie. Le duo est aujourd’hui de retour avec « Tout Baigne » (sorti le 17 janvier 2020), un disque surprenant, plus charpenté, plus organique. On a donc invité Aurélie alias Grise et Quentin alias Cornac à prendre un café…

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