Archives de catégorie : Scène Locale>Le Chab à Show

# T’AS VU? : DAVID AVANT BOWIE

Le 3 juillet 1973, sur la scène de l’Hammersmith Odeon à Londres, du haut de ses 26 ans, David Bowie crée la stupeur parmi ses fans en annonçant la fin de la carrière de Ziggy Stardust. Ce personnage, caricature du glam-rocker inventée par Bowie, fut le premier d’une série qui imposerait son auteur au firmament pendant des décennies, jusqu’à sa mort en 2016. Pourtant Bowie a bien failli ne jamais trouver son public. Dès 1962, à 15 ans, il passe de groupe en groupe pour essayer de décrocher le jackpot. Mais il multiplie les échecs. Ses disques font tous des bides, à l’exception du single « Space Oddity » en 1969 qui lui donne la preuve qu’il a le potentiel pour voler haut.

C’est cette période où David n’est pas encore vraiment devenu Bowie que raconte le très bon documentaire de Francis Whately : 11 ans de galères et de déception, des tas de bonnes chansons qui seront redécouvertes parfois des décennies plus tard, et une ambition jamais prise au dépourvu.

« David avant Bowie » est disponible sur le site d’Arte TV jusqu’au 10 Juin : https://www.arte.tv/fr/videos/086145-000-A/david-avant-bowie/

Quelques chansons du Bowie qui se cherche encore une identité avant 1972 :

# T’ASLU? : KAREN DALTON

Ce dimanche, nous vous recommandons encore une BD oui ! Mais cette fois-ci sur une femme, une artiste folk au destin rare : Karen Dalton. Une bande dessinée scénarisée par Cédric Rassat et dessinée par une femme Ana Rousse.

Karen Dalton a été, au début des années 60, l’une des principales figures de la scène folk de Greenwich Village. Elle évoluait en particulier avec Fred Neil, Tim Hardin, les Holy Modal Rounders et Bob Dylan. Ce dernier l’incita à faire un disque, tellement il était subjugué par sa voix d’écorchée vive. Son talent et sa démarche artistique particulière, affranchie des codes, l’avaient toujours située à la marge. À 21 ans déjà mariée et divorcée deux fois, c’était aussi une femme libre et très indépendante. Elle n’était pas compositrice, mais faisait sienne chaque chanson qu’elle interprétait : des vieux blues, des chansons de ses amis ou des tubes de musique soul. Esquintée par la vie, l’alcool et les drogues, elle vivra la dernière partie de sa vie dans une grande pauvreté, accro à l’héroïne, et finira par mourir du sida en 1993.

Plus d’infos et des extraits sur le site de l’éditeur.

L’interprétation et la voix de Karen Dalton avec les quelques extraits ci-dessous se prêteront en plus parfaitement à votre repos dominical.

# T’ASLU? : UNDERGROUND

On vous le répète souvent dans les # T’asVu/Lu/Écouté?, le monde de la musique regorge de personnages au destin extraordinaire, bigger than life, dont la vie quotidienne détrônerait beaucoup de romans d’aventures. C’est le cas pour bien des stars adulées, mais aussi parmi les artistes moins connus du grand public. Le scénariste Arnaud Le Gouëfflec et le dessinateur Nicolas Moog sont allés fouiller dans les limbes de la musique, du punk au jazz, en passant par la country, le gothique ou le metal, pour vous présenter dans un très beau livre une quarantaine de portraits de « rockers maudits et de grandes prêtresses du son ».

Vous y trouverez quelques noms plus familiers comme Boris Vian, Patti Smith, Cramps, Brigitte Fontaine ou Sun Ra, mais vous risquez tout de même de faire beaucoup de découvertes incroyables comme Kevin Coyne, John Fahey, Éliane Radigue ou Eugene Chadbourne. « Underground » est une véritable merveille journalistique et graphique. Hautement recommandé!

Plus d’infos et des extraits sur « Underground » sur le site de l’éditeur.

Quand ce genre de livre est réussi, on meurt d’envie à chaque page d’aller écouter les chansons évoquées. En voici une dizaine -parmi beaucoup d’autres- qu’on a adorées.

# T’AsVu? : Le Don : L’Odyssée de Johnny Cash

Johnny Cash a eu plusieurs vies. Le grand public connaît souvent mieux son retour en grâce des dernières années grâce à ses disques avec le producteur Rick Rubin et ses reprises hantées de Nine Inch Nails ou Depeche Mode. Ou bien ses disques dopés aux amphétamines des turbulentes années 60. Mais on connaît souvent moins son travail d’animateur télé au tout début des 70s (qui ne plaisait pas beaucoup au KKK) ou sa période bigote des années 70s. Un très bon documentaire revient sur la longue route de Johnny Cash, éternellement entre subversion et rédemption : « Le Don : L’Odyssée de Johnny Cash ». On y croise bien sûr les plus grands symboles de la pop culture des US : Elvis, Bob Dylan, Bruce Springsteen, Ray Charles, Stevie Wonder… Et on y comprend un peu mieux un petit bout de l’Histoire de l’Amérique.

Johnny Cash a bien sûr influencé un nombre incalculable de groupes folk, grunge, cowpunk ou rockabilly. Mais il est plus étrangement devenu également une référence pour tout un tas de groupes de rap. Ci-dessous, trois exemples de l’héritage du Man In Black dans le hip hop, parmi beaucoup d’autres.

Un des chefs d’oeuvres du rap américain, le premier album de De La Soul, tire son titre « 3 Feet High And Rising » d’un morceau de Johnny Cash. On entend d’ailleurs la phrase concernée samplée à la fin du morceau « The Magic Number ».

Le personnage de Johnny Cash inspire au moins autant que sa musique.Son fantôme hante ainsi cette chanson-hommage de Sage Francis, sortie en 2004 (un an après le décès de Cash). « The smoke didn’t kill Johnny. The drink didn’t kill Johnny. The junk didn’t kill Johnny. And the women didn’t kill Johnny. Was it the road? I don’t know. Was it rock and roll? I don’t think so. But God, God, God, God, God…would never…kill…Johnny Cash »

Vous vous souvenez du « Jump Around » de House Of Pain? Everlast, le leader du groupe, a repris le « Folsom Prison Blues » de Cash dans une version taillée pour les dancefloors.

# T’ASVU? : Hype ! : L’histoire du mouvement Grunge

Le 5 avril 1994, il y a donc tout juste 27 ans, Kurt Cobain décidait de mettre un terme brutal à sa vie. En l’espace de trois ans depuis la sortie de « Nevermind », Nirvana avait en effet suscité un engouement mondial qui avait totalement dépassé ses membres, jusqu’à les transformer en jouet d’un système, contre lequel ils avaient justement décidé de monter le groupe. Deux ans plus tard, « Hype ! », un très bon documentaire réalisé par Doug Pray (à qui on devra aussi l’excellent « Scratch », sur le turntablism), revient sur ces années de folie, de la fin des années 80 jusqu’au milieu des années 90, où Seattle était devenue l’eldorado de tous les fans de rock, et où les cheveux sales et les chemises à carreaux étaient le summum du bon goût.

En toute logique, ce documentaire vous donnera envie de réécouter quelques guitares saturées de l’époque, alors on vous a fait une petite sélection plus bas pour (re)faire connaissances avec vos voisins de palier.

# T’AsÉcouté? : Eddie Rosner, le jazzman du goulag

Ce qu’il y a aussi de passionnant dans la musique, c’est le destin de personnages extraordinaires, au sens premier du terme (« bigger than life », disent les Anglo-saxons). Et dans cette catégorie, le trompettiste de jazz Eddie Rosner est sans conteste dans le haut du panier. Nous sommes à la fin des années 1920, à Berlin. Un jeune musicien juif passionné de jazz, prénommé… Adolf, devient une star, adoubée par Louis Armstrong en personne. Pour fuir le régime nazi qui n’est pas archi-fan de cette musique « judéo-nègre », il s’enfuit en Pologne, puis en Russie où il devient une immense vedette, jouant devant des centaines de milliers de spectateurs, demandée en concert privé par Staline lui-même. Mais, en 1946, quand la victoire des Alliés se transforme en guerre froide entre les deux super-puissances, tout symbole américain -et donc le jazz- devient interdit. Eddie Rosner est alors déclaré persona non grata et envoyé au goulag pendant huit ans, où la première chose qu’on lui ordonne, c’est de former un orchestre de jazz parmi les prisonniers pour divertir le personnel pénitencier! Et ce n’est même pas la fin des aventures rocambolesques de celui qu’on surnommait le Tsar et qui avait gagné l’admiration de ses pairs américains Duke Ellington et Benny Goodman.

Toute son histoire est formidablement racontée dans deux épisodes de 30mn sur France Culture.

Et pour ceux qui veulent aller plus loin, il y a aussi « Red jazz, ou la vie extraordinaire du camarade Rosner » (chez Parangon), une très bonne biographie racontée à la première personne par Natalia Sazonova (qui intervient dans les émissions de France Culture) et un documentaire intitulé « Le Jazzman du goulag » peut-être disponible sur les plateformes de streaming. En attendant le biopic hollywoodien qui finira bien par arriver…

# T’ASLU? : FRENCH POP

Vous avez peut-être suivi hier soir le livestream de l’Equipe Espoir du Chabada? Huit groupes d’Angers qui jouent de la pop, du rap, du rock, de l’electro-pop, du shoegaze, de la new-wave… Mais vous n’avez peut-être pas remarqué un petit détail? Sur les huit chansons, six étaient chantées en français. Ça vous paraît sans doute absolument normal aujourd’hui, mais il y a dix ans encore c’était souvent un sujet de foire d’empoigne : avait-on le droit de chanter en français sans être étiqueté « chanson française » ou « rap français »?

« French Pop », une excellente BD par Hervé Bourhis et Hervé Tanquerelle, revient d’ailleurs sur cette longue évolution des artistes français -des plus cultes aux plus obscurs- qui ont oeuvré à ce que la langue de Molière puisse s’acclimater aux rythmes de musiques populaires souvent d’origine anglo-saxonne. C’est passionnant, ludique, érudit, inventif, drôle, bref, indispensable.

Plus de détail sur « French Pop » sur le site de l’éditeur.

Ci-dessous, quelques morceaux, parmi des centaines d’autres, plébiscités par les deux auteurs.