LA LIE EN ROSE

06.03.2024

J’ai lu la presse ce matin : un remake annoncé pour les prochaines élections américaines, des accusions d’agressions sexuelles en cascade, les guerres qui s’obstinent, les inégalités salariales entre les femmes et les hommes qui s’entêtent, le racisme et la bêtise qui ont pignon sur rue… Bref, la lie de l’humanité partout. Franchement, j’envie de plus en plus les optimistes. Il ne reste plus qu’à noyer notre désarroi dans la musique. Locale. Et de qualité. Ouf.

Les gars de Sandwich aussi ont l’air bien remonté contre l’état du monde. En tout cas si on en croit le titre de leur nouveau morceau, capté en live-session au Garage. Deuxième morceau pour le quatuor, et deuxième grosse balle. Le groupe avait laissé entendre à la sortie de son premier single qu’il serait sans doute le plus pop des titres à venir, mais la fureur ne les empêche visiblement pas d’avoir envie de se trémousser. Les guitares ont beau être abrasives et le chant possédé, la rythmique impose un groove imperturbable digne de Battles, Holy Fuck ou La Jungle. Un Sandwich gastronomique, donc.

© Marceau Van Der Bijl

Autre live-session, enregistrée au Qu4tre cette fois, d’un nouveau morceau de Joanne O Joan, qui risque également de vous inciter à pousser les meubles du salon. Si ces derniers mois le duo (trio sur scène) avait plutôt laissé parler la face sombre et mélancolique de sa musique, Joanne O Joan lâche cette fois la bride à ce « Patrick » qui passe son temps à surfer sur cette pulsation techno absolument irrésistible jusqu’au climax du morceau qui devrait faire un malheur sur les prochains concerts. Bref, on n’attendait pas « Patrick » (oui, oh, ça vaaaa…).

Que les gens qui préfèrent danser des slows langoureux se rassurent, Chahu n’a pas viré techno hardcore. Son nouveau single a beau s’appeler « Bolide (Vroum) », le chanteur ne fait manifestement aucun excès de vitesse. Voguant sur des nappes synthétiques vaporeuses, la voix grave de Chahu s’étire toujours paresseusement, jusqu’à créer une sorte d’état hypnotique, où le reste du monde n’existe plus. On risque donc de devoir l’écouter plus que de raison ces prochains mois.

© Pilou

Ça pourrait sembler contradictoire au vu de la vitesse d’exécution de leur indie-punk, mais les gars de Tiny Voices prennent eux aussi leur temps. En tout cas pour sortir des clips. Le groupe vient en effet de lâcher un nouveau clip pour « A Reasonable Bully », single tiré de son album sorti il y a presque un an. Autant dire une éternité dans cette époque ultra-connectée, boulimique de nouveautés, et noyée dans son fil d’actualités. Mais Tiny Voices semble s’en soucier comme de sa première paire de Converse, et continue de ne faire que ce qu’il lui plaît. À savoir, flâner à 200Km/h.

Attention, OVNI. Soyons honnête, Julien Sfeir nous a posé un cas de conscience. On a souvent eu du mal à se positionner envers le chanteur sarthois, pharmacien dans le civil installé à Angers (ça aura son importance dans quelques lignes) : dans nos meilleurs jours, on le rangerait volontiers parmi les artistes un peu lunaires et décalés façon Katerine ou Stav, et quand on a tendance à voir tout en gris, on y entendrait davantage une plaisanterie bien potache à la Kamini ou Michael Youn. Quoi qu’il en soit, son nouveau titre « Je jette des boîtes » a tout pour cartonner (ah, ah !). Imaginez donc un pharmacien en exercice chanter sur un sujet effervescent (le gaspillage des médicaments), ponctué d’un refrain addictif et porté par une instru electro ultraaaaaa-calibrée (on est à deux doigts du « Gangnam Style » !). Rajoutez un clip super efficace, une choré homéopathique et des costumes parfaits et vous obtenez la posologie d’un tube au potentiel viral évident, qui pourrait faire danser des millions de personnes dans toutes les soirées (étudiantes, c’est quasi sûr) jusqu’à l’été, pour peu qu’on y investisse quelque argent (« Allô, Big Pharma ? »). Bref, c’est de toute façon disponible avec ou sans prescription. Et c’est sans effets secondaires notoires, alors, hop, tout le monde sur la piste !

En voilà un autre de tube potentiel. En tout cas, si vous avez des marmots. Testé et approuvé. Depuis sa sortie il y a quelques semaines, je dois entendre ce « Pop Culture », nouveau single des rois du rap-game pour kids Les Frères Casquette, rappé/hurlé à tue-tête dix fois par jour. Il faut dire que le texte est bourré de références impeccables et que l’instru tape dans le mille avec sa chaloupe electro-dub à l’ancienne. Allez, vas-y, fais péter le onzième passage : « Cooooooomme un perso d’manga… »

Une fois que tout le monde sera couché, et que vous vous retrouverez seul·e au milieu de votre salon ravagé, vous serez dans les meilleures conditions possibles pour écouter ce très beau « Ciel », le nouveau single de Cornac. Ça vous aidera à redescendre (ou pas, d’ailleurs) en douceur avec cette magnifique ritournelle de piano, perdue dans des crépitements électroniques du plus bel effet. D’aucuns utiliseront les adjectifs « contemplatif », voire « méditatif », toujours est-il que ce nouveau petit poème musical de Cornac nous permet au moins, à défaut de réussir à voir la vie en rose, de tout oublier dans un infini bleu.

Rédaction : Kalcha