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Révolution électrique

© Édouard Beau

Après trente de carrière et vingt albums au compteur, Titi Robin fait une révolution. Au sens mathématique du terme. Il boucle la boucle, et revient à son point de départ. Enfin presque. S’il revient à l’électricité de sa prime jeunesse pour ce nouveau «Rebel Diwana», le guitariste angevin n’en oublie pas pour autant tout le bagage accumulé dans ses pérégrinations aux quatre vents. Titi Robin raconte donc toujours la même histoire, construite sur une même syntaxe, mais avec un vocabulaire renouvelé. Et ça change quand même pas mal de choses… Explications avec l’intéressé.

«Rebel Diwana» est vraiment ton premier disque enregistré avec une guitare électrique ? Ça semble hallucinant…

Adolescent, j’ai un peu joué de la guitare électrique, mais c’était bien avant de devenir professionnel. Ensuite, l’acoustique s’est assez vite imposée à moi, et c’est devenu ce pour quoi j’ai été connu. Mais au milieu des années 80, on avait monté le groupe Johnny Michto avec deux amis de la Roseraie, Abdelkrim Sami et Abdellah Achbani. J’y jouais d’un bouzouk branché sur un pédalier de guitare, et Karim beuglait dans le micro ! On avait un matos pourri, ça sonnait comme un garage band ! Dans l’esprit, c’était même très punk. J’aimerais d’ailleurs beaucoup réentendre les cassettes qu’on avait enregistrées à cette époque avec le trio. Si quelqu’un à ça ?? Pour l’anecdote, on répétait dans une petite cave, dans un parking sous-terrain, juste à côté d’un autre groupe d’Angers qui débutait sa carrière : Les Thugs. Johnny Michto n’a jamais vraiment décollé. A l’époque, personne n’avait entendu parler de «musiques du monde». Le raï n’était pas encore arrivé, il n’y avait pas encore de groupes comme Les Négresses Vertes qui allaient populariser ces musiques. Ensuite, j’ai commencé à me faire un nom, d’abord en jouant du oud, puis surtout avec le disque «Gitans» en 1993. La suite ne sera qu’acoustique. Quand j’ai fait écouter ce nouveau disque à ma mère, je m’attendais à ce qu’elle me demande ce qui m’avait pris. Et au contraire, elle m’a dit : «Tiens, tu reviens à tes premières amours ?». C’est donc elle qui m’a fait prendre conscience la première de ce retour à l’électricité de mes tout débuts.

Finalement, tu as commencé avec un instrumentarium très «musiques du monde» (bouzouk, percussions…) pour un rendu très rock, et aujourd’hui tu utilises un instrumentarium très rock (guitare électrique, basse, batterie) pour un rendu qui ressemble finalement à ce que tu joues habituellement. Ce sont juste de nouveaux outils en fait ?

Exactement, c’est ce que j’ai voulu dès le début : utiliser des outils différents. J’ai parfois dit en rigolant que cette fois, j’avais utilisé les armes de l’ennemi. Parce que j’ai toujours eu à cœur de ne pas me laisser influencer par la culture anglo-saxonne. Je ne parle pas là en tant qu’amateur de musiques, parce que c’est bien sûr une culture très riche, que j’écoute et que j’apprécie. Je parle surtout d’un point de vue de musicien professionnel qui a toujours voulu jouer des musiques qui n’ont rien à voir avec les codes anglo-saxons, et là il existe un véritable rapport de force. C’est très difficile d’exister face à ce bulldozer. Dans mon disque précédent, «Taziri», on jouait un blues méditerranéen, qui puisait sa source au Maroc, sans faire l’aller/retour à traverser l’Atlantique. Pour montrer que c’était possible de jouer le blues avec nos codes à nous. J’ai toujours revendiqué ça, jusqu’à devenir limite têtu sur la question. Tous les disques que j’ai enregistrés, je l’ai fait avec des gens de différents pays, mais dans lesquels je me reconnaissais, que je comprenais, qui me comprenaient, avec lesquels c’était donc facile de jouer. C’est plus facile et évident pour moi de jouer avec des musiciens gitans ou berbères que si je devais jouer du rock ou du jazz américain. Donc «utiliser les armes de l’ennemi», c’est une boutade. Mais je dois bien admettre qu’il y a un véritable confort de jeu de pouvoir utiliser des instruments qui sont nés avec l’électricité. Quand je jouais sur mon bouzouk électrifié, il fallait beaucoup bricoler. C’est un instrument acoustique à la base, qu’on devait amplifier. Ça ne se fait pas si facilement. Techniquement, ce sont beaucoup de contraintes. Ça entraine une certaine fragilité. Une guitare électrique, quand tu veux la faire sonner, ça sonne ! Et j’avais besoin de cette puissance sonore pour exprimer ce que je voulais sur ce disque.

Quel a été le déclic ?

Je pense que ça a toujours été dans un coin de ma tête. Mais quand tu t’engages dans un nouveau projet, c’est un peu comme pour un fleuve qui grossit à partir de confluents. Là aussi, je crois qu’on se trouve à faire telle ou telle chose pour différentes raisons qui n’ont rien à voir les unes avec les autres, mais qui se rejoignent au même endroit à un instant T. Ici, il y avait des raisons politiques et la violence de la société qui me donnent envie de faire plus de bruit. Il y avait aussi des raisons purement techniques. Quand tu joues d’une guitare acoustique à la maison, tu obtiens un son bien particulier, dans lequel tu mets toute ta vie. Il n’y a aucun filtre. Tu entends ce que tu joues, ce que tu es. Puis quand tu te retrouves à jouer la même chose sur une scène, tu ne retrouves plus jamais ce son, parce qu’il est tributaire de l’acoustique de la salle, du matériel, etc. Chaque date est donc un défi pour essayer de se rapprocher au maximum du son originel de la composition. Ces fluctuations sont beaucoup moins importantes avec une guitare électrique. Je peux donc emporter mon son avec moi sur toutes les scènes. Quand j’ai une envie de puissance, j’ai juste à monter le volume de mon ampli, et c’est parti ! C’est une chose dont j’ai souvent parlé avec Toumani Diabaté, le jour de kora malien. On jouait ensemble dans des festivals WOMAD en Océanie. Ces festivals sont normalement censés être une célébration des musiques du monde entier, mais techniquement rien n’est prévu pour un oud, un bouzouk ou une kora. Dès qu’on montait sur scène avec nos instruments, la galère commençait pour nous et pour les techniciens ! C’était la fête du larsen ! (rires)

Il n’y pas que l’électricité qui étonne dans ce disque. Tu chantes aussi pour la première fois ?

J’avais déjà un peu chanté sur le disque «Kali Gadji» en 1998. Mais je n’avais pas trouvé l’essai très concluant, donc je n’avais pas continué. Je n’ai pas souvent chanté, mais j’écris depuis toujours. En 2014, j’ai enregistré un disque avec l’acteur Michael Lonsdale qui lisait ma poésie. Sa voix était un vrai stradivarius. Et ça m’a donné envie de m’y remettre. Je trouvais que le moment était venu d’assumer. Mais comme je ne suis pas un chanteur au départ, j’ai voulu qu’il y ait un autre vrai chanteur dans le groupe. C’est Shuheb Hasan, un chanteur indien qui chante donc des traductions de mes textes en hindi. Il est aussi très fort pour improviser, à la manière d’un musicien soliste. Et moi, je déclame en français, plus que je ne chante vraiment. C’était important pour moi qu’il y ait ces trois niveaux de voix.

Tu as travaillé avec Alain Bashung en 2005/2006. La façon dont tu poses ta voix sur ce disque m’a un peu fait penser à lui. C’était volontaire ?

Tu n’es pas le premier à me faire remarquer cette similitude. Ce n’était pas conscient, mais c’est évident que cet homme m’a marqué. Je me souviens quand j’allais répéter chez lui, juste en duo, son phrasé était vraiment très impressionnant. Je ne l’avais jamais relevé à ce point, avant d’avoir à jouer avec lui. Il était d’une précision et d’une exigence extrêmes. Il travaillait beaucoup ça en amont avec ses paroliers. Donc je n’ai pas cherché à l’imiter, et je sais bien que le résultat n’est pas du tout à son niveau, mais c’est évident que cette expérience m’a nourri.

Après trente ans de carrière, tu avais besoin de te lancer de nouveaux défis ?

C’est sûr que je me mets en danger sur ce disque. Je ne l’ai pas tellement choisi. Il y a des artistes qui revendiquent de se mettre régulièrement en danger pour se surpasser, mettre du piment dans leur vie, ou autre. Je ne vois pas du tout les choses comme ça. Il y a des choses que je veux atteindre, que je veux exprimer. Parfois ces choses impliquent que je me mette en danger. Donc j’y vais. Mais pas pour le simple plaisir de me mettre en danger, mais vraiment parce que la musique l’exigeait. C’est comme si tu es amoureux de quelqu’un qui est de l’autre côté d’une rivière, tu dois la traverser pour la rejoindre. C’est la vie. Je sais qu’une partie de mon public ne va pas aimer cette nouvelle direction. Et ils ont bien le droit. Ils cherchent un timbre précis dans ma musique qu’il ne retrouveront pas là. C’est comme si je leur proposais une très bonne viande alors qu’ils veulent manger du poisson. Donc c’est normal. Je sais qu’une autre partie aura besoin de temps pour apprivoiser ce disque. Donc là ça sera intéressant de voir comment ils vont réagir. Et j’espère bien sûr que cet album électrique donnera envie à de nouvelles personnes qui n’avaient encore jamais écouté mon travail de s’y intéresser.

« Rebel Diwana » (Suraj / Molpé Music) est disponible depuis le 30 mars 2018.

Site officiel de Titi Robin: www.titirobin.com

THE BLIND SUNS : AMERICAN IDOLS

© Antoine Villiers

Le cap du deuxième album est souvent délicat à négocier. Surtout quand le premier a créé un petit émoi au-delà des espérances. The Blind Suns n’a pas tremblé et s’est appuyé sur son expérience en Do-It-Yourself et ses nombreux concerts pour forcer le destin. Résultat, le trio angevin a su se constituer une équipe solide autour de lui (label, tourneur, producteur, etc.) et revient avec un album sous le bras taillé pour lui ouvrir les portes du succès. Rencontre avec Romain et Dorota avant la release party au Chabada le mercredi 18 avril…

L’état d’esprit pour la composition de ce deuxième album devait forcément être très différent de l’ambiance du premier ?

Dorota : Oui, pour le premier album, on n’a jamais pris conscience qu’on était en train de composer notre premier album. On composait tous les deux avec Romain des chansons qui nous plaisaient, c’est tout. Sans pression. Sans agenda. Et un beau jour, on s’est retrouvés avec plein de chansons qu’on aimait, et on s’est dit « Pourquoi ne pas en faire un album ?» Ensuite, on a recruté Jérémy à la batterie et on a commencé les concerts. Il n’y a donc pas eu de réflexion spécifique en amont. Ce sont les chansons qui ont été le point de départ de l’aventure. Là, c’est un deuxième album. Ca fait plaisir déjà parce que ça veut dire que l’aventure se poursuit dans le temps. Mais oui, il a demandé plus de réflexion, plus de travail sur la réalisation des morceaux. On avait aussi l’expérience des concerts qui influence forcément notre façon de composer. Ce nouvel album est probablement plus psyché-shoegaze et moins surf insouciant que le premier. Parce que c’est le son qu’on a sur scène…

Il reste tout de même plusieurs tubes à fort potentiel mélodique…

D: Oui, la mélodie, c’est toujours notre base de travail. C’est ce qu’on sait faire de mieux depuis le début. Le son, la production, ça doit venir après. On compose nos chansons à la guitare acoustique-voix. Si la chanson est bonne dans ce plus simple appareil, elle sera bonne avec tout type de traitements derrière, que ça soit du shoegaze, du surf, etc. Ca a été le cas pour « Ride », notre premier single de ce nouvel album. Il a été composé à la guitare acoustique + voix, alors qu’on avait tout de suite l’idée d’en faire quelque chose d’ultra-efficace, de très radio-friendly. C’est d’ailleurs le morceau qu’on a commencé en premier et qu’on a terminé en dernier, tellement on a essayé des arrangements dessus. On doit en avoir cinq versions différentes sur les disques durs… (rires) Mais c’est donc bien toujours la mélodie qui prime. Ca nous a permis de jouer nos morceaux dans des tas de conditions, des plus roots aux plus confortables.

Vous avez travaillé avec Charles Rowell, du groupe californien Crocodiles. Quel a été son rôle ?

D: On l’a rencontré au festival South by Southwest (SXSW) à Austin, l’album était déjà plus ou moins maquetté. Humainement, Romain et lui ont tout de suite accroché. C’était même drôle, ils se ressemblent beaucoup, humainement, musicalement et même vestimentairement ! (rires) On l’a invité à venir nous voir en concert, et finalement on espérait presque qu’il ne vienne pas, parce que les conditions du lieu n’étaient pas top, et on aurait préféré pouvoir lui présenter notre projet dans des conditions optimales. Mais finalement il est venu, et il a adoré le concert ! Il nous a proposé de travailler avec nous pour le nouvel album. On n’a pas voulu trop s’emballer, on s’est dit que c’était des paroles en l’air de fin de soirée… Et finalement il nous a relancés. Il se trouve qu’il habite à Lyon depuis un ou deux ans parce que sa chérie est française. Du coup, ça a pas mal simplifié l’organisation. Mais il était super motivé. Il est arrivé avec plein d’idées d’arrangements pour les morceaux qu’on lui avait envoyés. On a finalisé le disque avec lui pendant une dizaine de jours en studio.

C’est plutôt drôle, parce que je sais que le concert de Crocodiles au Chabada il y a quelques années a été un moment déterminant dans ton parcours musical, Romain ?

Romain : Oui, je lui en avais parlé quand on s’est rencontrés la première fois. Mais il a vite changé de sujet. Il était surtout intéressé par notre projet. A ma grande surprise, il avait déjà entendu parler du groupe qu’il avait dû voir passer sur le Net. Je l’avais ajouté en tant qu’ami sur Facebook, et même si on ne s’était jamais parlé, il avait repéré mon profil parce que lorsqu’on s’est rencontrés en vrai, il m’a vite remis. Et c’est vrai qu’on a tout de suite sympathisé, et qu’on est dans une même dynamique en terme de musique. C’est génial de pouvoir vivre ça avec quelqu’un dont tu respectes beaucoup la démarche et le travail. J’espère que ce n’est que le début d’une longue collaboration.

Je crois que Jérémy a abandonné la batterie électronique pour une batterie classique sur scène désormais ?

R: Au départ, le choix de la batterie électronique avait été un choix de raison, très pratique, parce que ça nous permettait de jouer dans des configurations ultra-légères, des petits lieux, etc. Mais ça bride quand même pas mal son jeu de batterie. Et aujourd’hui on a de plus en plus l’opportunité de jouer sur de plus grosses scènes, des festivals, et clairement, en terme de puissance sonore et d’énergie, une vraie batterie s’est vite imposée.

Vous êtes retournés jouer aux Etats-Unis pour la cinquième fois. Ils vous adorent !

R: Oui, on avait sept dates là-bas du 9 au 17 Mars. On y va tous les ans en fait. Au départ, jouer aux Etats-unis, c’était juste un rêve de gosse. Et plus on avance, et plus on se dit qu’on a peut-être une carte à jouer là-bas. Cette tournée a été bookée un peu au dernier moment. Finalement, on a juste eu à envoyer quelques mails et tout s’est calé très vite. On est tous surpris des retours. Le fait d’y être allés plusieurs fois commencent à porter ses fruits. Notre nom a circulé parmi les pros à Austin, on commence à être mieux identifiés. On a la chance de jouer une musique qui leur est super familière, mais sans doute avec un je-ne-sais-quoi d’exotique pour eux, parce que je connais des potes américains qui jouent une musique assez similaire à la nôtre, et qui galèrent un peu plus à trouver des dates chez eux. C’est la prime à l’exotisme ! (rires)

Vous avez appris des choses à force de jouer là-bas ?

D: Je crois qu’on a surtout appris à s’adapter. En France, on a la chance de jouer dans de super conditions techniques. Et du coup, on a tendance à devenir un peu exigeants. Dès qu’il y a le moindre souci de son, tout le monde se prend la tête pour le résoudre, etc. Là-bas, si un ampli te lâche, et bien tu fais sans. Tu te démerdes. Le public s’en fout un peu. Ca ne l’empêchera pas de t’écouter et d’apprécier tes chansons. Désormais, on est vachement plus cool au moment de monter sur scène. On ne se prend pas la tête. On y va, et on joue nos chansons. C’est le principal !
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Rezinsky – Benjiskhan

Le duo Rezinsky dévoile le premier extrait de son album « Mal Poli », à paraître au printemps. Ce « Benjiskhan » bénéficie comme d’habitude d’un clip à l’univers et à l’esthétique très marqués, qui collent à la perfection au texte moite et borderline de Pepso Stavinsky, le MC du duo. Ca devrait vous donner envie d’en savoir plus et ça tombe bien, on a interviewé le groupe il n’y a pas longtemps et c’est toujours à lire ici: https://www.lechabada.com/rezinsky-retour-vers-le-futur/

Le groupe a une campagne Ulule en cours pour financer ses prochains clips. Si vous voulez participer, c’est ici: https://fr.ulule.com/mal-poli/

Jamie Gallienne : Visite guidée

Si les gens de l’Office de Tourisme d’Angers sont un peu malins, ils vont vite contacter Jamie Gallienne pour lui piquer son nouveau clip. Les images du morceau « Sophisticated Animal » mettent en scène le chanteur angevin dans les lieux les plus atypiques et/ou emblématiques de la ville, du rond central du stade Raymond Kopa au banc de sable au milieu de la Loire. Une manière astucieuse de (re)visiter la ville en tapant du pied!

The electric Titi Robin

Titi Robin sort un nouvel album le 30 Mars 2018. Dans « Rebel Diwana », d’où est extrait « Ce pays sombre au bord du fleuve » ici clippé, Titi Robin a décidé de jouer des guitares électriques. Et cette simple amplification emmène la musique de l’Angevin dans des toutes autres sphères. On pourrait presque penser parfois à une rencontre entre Bashung et Tinariwen sur ce premier morceau. On attend donc la suite avec impatience!

Pen Soul Case : le collectif qui monte

On vous parle de plus en plus souvent de cette toute nouvelle scène rap angevine, portée par le collectif Pen Soul Case (d’où sont issus Odor, As Tec…). Quelques images valent parfois mieux qu’un long discours pour comprendre l’engouement que suscitent ces nouveaux rappeurs auprès du public angevin. Retour sur la soirée qui a eu lieu le 7 février dernier à l’Espace Culturel de l’Université d’Angers.

Des Lions Pour Des Lions : Comme des fauves en cage

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Ils sont dans les starting-blocks. Des Lions Pour Des Lions sortent « Derviche Safari », leur premier album, le 30 Mars prochain sur le label angevin MaAuLa. Autant vous dire que les membres de la fanfare-punk tournent en rond en attendant de pouvoir vous présenter enfin leurs nouveaux morceaux. On a donc bravé ces grands fauves pour aller leur poser quelques questions. Entretien à bâtons rompus (et mordillés) avec Babette (saxophones, chant) et Momo (percussions). Ca les fera peut-être patienter un peu jusqu’à la release-party au Chabada le 3 Avril…

Le groupe existe officiellement depuis 2010. Votre premier album ne sort qu’en 2018. Vous devez être sur des charbons ardents?

Babette: Oui, on a hâte! Mais on a vraiment l’impression que le groupe a eu une seconde naissance il y a deux ans avec l’arrivée de Freddy à la guitare dans le trio qu’on formait alors avec Momo, Bouchon et moi. Ca a beaucoup fait évoluer notre son. Ca nous a ouvert plein d’horizons nouveaux. Auparavant, ce projet était surtout une sorte de défouloir à idées, on adorait tenter des trucs, mais on n’a jamais trop rien fait pour développer le projet. Là, on est enfin entourés de partenaires qui nous aident à avancer (label, booker…). C’est une nouvelle dynamique, ça n’a plus rien à voir!

Momo: Freddy a plusieurs casquettes. C’est un très bon guitariste, capable de jouer plein de choses différentes, des choses très rock comme des trucs très fins, juste des textures de son pour enjoliver une atmosphère. Ca a enrichi le spectre sonore qu’on pouvait avoir. Auparavant, on n’avait que des sons percussifs et secs, comme des impacts, avec les cuivres et les percussions, aucun son long. Ca change donc beaucoup de choses. Ca permet aussi plus de mélodie. Et Freddy est aussi ingénieur du son. C’est d’ailleurs comme ça qu’on l’a rencontré, via tous les groupes de copains qu’il avait enregistrés (Titi Zaro, The Loire Valley Callypsos…). Il a donc une oreille différente de la nôtre. Il nous cadre un peu plus, tout en nous laissant beaucoup de liberté, en s’adaptant à nous.

Je trouve votre univers assez proche du mouvement dada. C’est quelque chose que vous revendiquez?

Babette: Oui, ça nous parle à fond. J’aime bien les écrits de Tristan Tzara, l’un des fondateurs du mouvement dada. Et je suis une grande fan du compositeur Erik Satie, qui était proche de ce mouvement également. Dada, ça renvoie aussi au côté enfantin en chacun de nous, à l’humour, à l’absurde, au non-sens, au non-respect des règles, à la liberté. Ce sont des choses qui font écho en nous. Peut-être que notre côté dada vient du fait qu’avec Bouchon on écoute et on joue pas mal de classique pour nous entraîner avec nos instruments. Sauf qu’on vient d’une culture beaucoup plus punk-rock à la base. On n’a pas tout le background des instrumentistes classique, et donc on bouscule forcément un peu plus ces codes, parce qu’on ne les maîtrise pas bien.

Vous reprenez d’ailleurs un morceau de Mozart sur le disque et un autre du compositeur anglais Purcell. Et finalement ça sonne parfaitement comme vos autres compositions!

Babette: C’est cool! Le morceau de Mozart ne fait pas partie de ses « tubes ». C’est un truc qui était déjà assez ludique à la base, avec des choeurs en canon. Ca nous correspondait bien. C’est un morceau qu’on jouait déjà sur scène. On avait envie de le mettre sur l’album.

Momo: Le morceau de Purcell, ça vient un peu d’une commande. On devait jouer à l’Abbaye de Fontevraud, et il fallait jouer un morceau de classique. Bouchon a eu envie d’essayer ce morceau de Purcell, parce que c’est l’oeuvre qui a inspiré Walter/Wendy Carlos, pour le thème principal de la BO du film « Orange Mécanique » de Stanley Kubrick. C’est aussi possible de jouer ces trucs parce que Freddy peut également jouer de la guitare classique, et qu’il sait tout à fait trouver sa place dans une composition comme celles de Purcell ou Mozart. Et finalement, même dans la musique classique, on retrouve très rapidement cette notion de transe qui nous plaît tant. La répétition, l’évolution, l’explosion…

La reprise de « Sweet Black Angel » des Rolling Stones, c’est suite à votre participation à la soirée « Sors Tes Covers: Beatles vs Stones » il y a trois ans?

Babette: Oui, ce morceau, c’est un double plaisir. Parce que c’est un titre des Stones qu’on aime beaucoup jouer, et qu’on a souvent fait sur scène depuis la « Sors Tes Covers ». Et c’est surtout un morceau qui parle d’Angela Davis, une militante américaine pour les Droits Civiques dans les années 60. Et on est super fans de cette femme. Dans nos autres morceaux où on utilise du chant, on fait bien plus attention à la musicalité des mots, à ce que peut provoquer leur imbrication ensemble, qu’au sens qu’ils ont. Mais pour Angela Davis, on pouvait faire une exception! (rires)

On a l’impression que tout peut arriver avec vous?

Babette: C’est sans doute quelque chose qu’on a attrapé à force de jouer dans la rue. Quand tu déambules dans la rue, tu dois composer avec ce qui va se passer pendant que tu joues. Tu n’es pas protégé comme sur une scène avec les lumières dans les yeux qui t’empêchent de trop voir le public. Quand tu joues dans la rue, tu peux tomber nez à nez avec une mamie au look improbable et ça va forcément t’inspirer. Tu ne peux pas faire comme si de rien n’était. Tu dois inventer. Donc on a beaucoup appris à cette école-là. On accepte l’imprévu, l’accident. On aime bien jouer sur ce fil. Mais au final, c’est drôle, parce que je pense que ça nous permet de toucher des publics très différents. A la fin des concerts, on a parfois des fans de jazz à la Don Cherry ou The Art Ensemble Of Chicago qui viennent nous voir pour nous féliciter, et on a aussi des gamins à donf dans la techno qui viennent nous dire qu’ils ont trouvé ça hyper transe! (rires)

Vous sortez l’album sur le label MaAuLa. Comment les avez-vous rencontrés?

Babette: Je joue avec Antoine dans Titi Zaro. C’est le batteur de The Loire Valley Callypsos et l’un des fondateurs du label MaAuLa. On cherchait un label, et eux avaient envie d’ouvrir un peu leur ligne éditoriale, qui était plus axée sur des musiques folkloriques (calypsos, mento, cumbia, etc.) détournées. Et on a tout de suite bien aimé leur façon de fonctionner. De par nos parcours et nos instruments, on n’avait jamais vraiment été assimilés à une famille musicale précise. On n’a jamais été pop, ou metal, ou rap, ou je ne sais pas quoi. On a toujours été au milieu du gué, à écouter tous ces trucs, à en jouer parfois, mais jamais intégrés dans un groupe de gens précis. Ca nous a même peut-être parfois un peu manqué. On était un peu isolés. Du coup, avec toute la clique du label MaAuLa, The Loire Valley Callypsos, Titi Zaro, on a vraiment trouvé des gens qu’on comprend et qui nous comprennent, et qu’on aime beaucoup. C’est donc génial d’avoir des gens comme ça comme label, en plus dans sa ville. C’est un luxe, un confort de travail. Ca met en confiance, ça motive.

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Notre chronique de « Derviche Safari » à lire le 30 Mars.