Extrait de la pochette de l'album d'Arno Gonzalez

DANCE TO THE MUSIC

11.06.2025

Nous avons appris il y a quelques jours le décès de Sly Stone à 82 ans. Si ses excès en tout genre avaient conduit le leader des génialissimes Sly & The Family Stone à une vie plus qu’erratique ces dernières décennies, au tournant des années 60 et 70, ce groupe précurseur -qui mélangea aussi avant tout le monde les genres et les couleurs de peau au sein de sa formation- ouvrit de nouvelles voies en faisant se télescoper de manière alors inédite soul, funk, jazz et rock psychédélique dans une flopée de tubes fédérateurs : « Dance To The Music », « Everyday People », « I Want to Take You Higher », « If You Want Me to Stay » ou « Family Affair » pour n’en citer que quelques-uns… À la fois à la pointe de l’avant-garde et respectueux du passé, Sly Stone a largement participé à inventer la musique de demain. Qui est donc celle d’aujourd’hui, y compris chez nos groupes locaux. Démonstration à l’appui.

Pour CJ Beth, le lien est vite fait. La musique de la jeune angevine tire en effet sa sensualité et son groove de la soul si chère à Sly et ses collègues. Actualisée, adaptée, revigorée aux sons de notre époque, à savoir l’electro, le rap, la pop. La semaine dernière, CJ Beth lançait au grand jour un EP -presque un album- de 9 titres, dont elle a brillamment célébré la sortie au Qu4tre le week-end dernier. Quelques singles avaient déjà préparé le terrain, mais on est heureux de constater que le répertoire de la chanteuse ne repose pas que sur son grain de voix si singulier, mais également sur de solides compositions (les excellents « Walter », « Shades Of Tears », « I thought I was strange », « You’re my gold, I’m your silver », « Maybe I’m lying »…) qu’il va falloir désormais jouer le plus possible sur scène !

© Valentin Godineau

Les collègues de promo de CJ Beth dans l’Équipe Espoir du Chabada doivent aussi pas mal à Sly Stone, de manière plus surprenante. Parce que la musique de Rest Up paraît bien éloignée de la soul. N’oubliez pas que Sly et sa Family Stone ont réussi à embarquer dans leur sillage des centaines de milliers de hippies pendant leur set au festival de Woodstock, grâce à une énergie de possédé·es et à une musique beaucoup plus expérimentale qu’il n’y paraît. Des points communs avec Rest Up, donc, qui surprend pourtant ici son monde avec un deuxième single du prochain album, plus calme et shoegaze que tout ce qu’on connaissait d’eux jusqu’ici. On devrait l’entendre à notre Woodstock à nous, le samedi 28 juin sur la scène du festival Levitation.

Au tout début des années 80, quand des gamins de Detroit s’apprêtaient à inventer la techno, leur but ultime était de créer une musique futuriste qui fusionnerait la pop synthétique de Kraftwerk et le funk psychédélique de George Clinton ou Sly Stone. Autant vous dire qu’Arno Gonzalez peut dire merci à Sly lui aussi. Le producteur angevin sort son troisième album… dix ans après le deuxième. Mais ça valait le coup d’attendre. En plus d’une magnifique pochette, ce « The End Of Innocence » regorge de futurs classiques, tantôt techno raffinée (« The End Of Innocence », « Frankie Goes To Loire Valley », « Gold Or Rack », « Minilogue Jam »…), tantôt tech-house enflammée (« The Flugel Inside Me », « Dojo », « No Glue »…). Et cerise sur le gâteau, vous pourrez bientôt assister à une performance très spéciale, en direct live si vous avez de la chance, ou bien en live-streaming sur tous les bons réseaux.

Si les futurs inventeurs de la techno aimaient tant Sly Stone, c’est peut-être parce qu’il fut l’un des premiers à intégrer une boîte à rythme dans un album à visée commerciale dès le tout début des 70s (bien avant les groupes new wave). Ils sont donc légions aujourd’hui à pouvoir le remercier d’une telle vision, Scenius en premier plan. Le duo franco-anglais de synth-wave vient de sortir un nouveau single, plus posé que son prédécesseur, presque une ballade même, mais terriblement efficace. Le genre de truc que vous écoutez distraitement au petit dej’, mais qui vous colle aux basques jusqu’au coucher.

En 1973, Sly & The Family Stone sont au summum de leur succès (mais aussi à l’aube de leur déclin). Ils sont en pleine tournée américaine, et un jeune groupe jamaïcain les rejoint en première partie sur plusieurs dates. Les Wailers, menés par un certain Bob Marley encore largement inconnu, font des merveilles, jusqu’à éclipser la Famille Stone. Ils se réveilleront un matin pour constater que tout le monde a déjà mis les voiles depuis longtemps, les abandonnant sur le chemin sans trop d’explication. Mais Sly lui-même ne pouvait empêcher le reggae et le dub de devenir le nouveau son excitant de la fin des 70s, et ce pour les décennies à venir. Demandez à Zentone ce qu’ils en pensent. Le groupe angevino-lyonnais vient de sortir un nouveau single intitulé « Riverside » qui fleure bon encore le son très roots des 70s avec la voix céleste de Jolly Joseph et des échos de flûte cosmiques.

© Josic Jegu

On retrouve Vincent Erdeven de Zenzile / Zentone, ici à la console de mix pour cette live-session du batteur Béranger Vantomme. Les deux hommes se font face dans une salle du Musée des Beaux-Arts d’Angers pour une session qui tient plus d’une cérémonie de transe vaudoue que d’une simple prestation scénique (et si vous voulez savoir ce que Sly Stone pensait de la transe, allez juste voir des extraits de concerts de Sly & The Family Stone -celui de Woodstock au hasard- sur le Net, et ça vous donnera une petite idée…). Les mouvements de caméra de Josic Jegu, la beauté des œuvres autour, le niveau d’exaltation des deux hommes, tout concourt à faire de cette session un moment suspendu. Prenez une grande inspiration avant de cliquer.

À la fin des années 60, Miles Davis a une révélation. Il doit électrifier son jazz, pour essayer de sonner comme Sly Stone ou Jimi Hendrix que sa femme, Betty Davis, vient de lui faire découvrir. La révolution sera totale, dans la musique comme dans le look, faisant exploser le jazz en une multitude de sous-genres (jazz rock, jazz funk, rock progressif…) qui vont ramener le genre dans le giron des musiques écoutées par la jeunesse au milieu des gloires de la pop. Il va donc sans dire que Bodies n’existerait probablement pas si Miles n’avait pas flashé sur Sly. Le quartet, mené par le saxophoniste segréen Julien Behar, vient de sortir un EP qui explore justement toutes les options offertes au jazz aujourd’hui : groove, rock, post-, électronique. Un menu qui aurait plu à qui vous savez.

Rédaction : Kalcha