Dans le cadre du projet Off the Report, mené par Le Chabada et l’association d’éducation aux médias Report’Cité, Assia, Sajida et Rania, de la MPT Monplaisir, ont interviewé Odor, rappeur angevin de l’équipe Espoir 2019, en présence de son DJ, Spok.
À quel âge as-tu commencé à chanter et pourquoi ?
À 15 ans, parce que je m’ennuyais beaucoup. J’ai débuté dans les open-mic.
Pourquoi tu as choisi le rap et pas un autre style de musique ?
C’est plus mon style. Les paroles ont un sens, le message est plus condensé.
Quel est ton état d’esprit quand tu écris tes textes ?
Je suis inspiré, ça me démange : c’est comme quand tu as envie de faire un foot ou une partie de Fifa !
Pourquoi tu parles de « grosse chaine en Californie » dans ta chanson « Côte Ouest » ?
Je fais référence à la Californie où les rappeurs ont de grosses chaînes, de grosses voitures…C’est un symbole représentatif de la réussite. C’est du second degré mais, en même temps, peut-être que je kifferais vraiment.
Pourquoi tu as choisi de faire ce genre de clip ?
Parce que c’est marrant. On est très décalé dans ce que l’on fait. Je ne vais pas me mettre en bas des tours, ça ne me correspond pas. Souvent, ça part juste d’une phrase ou d’un délire, pour ne pas trop se prendre au sérieux.
Quel est ton état d’esprit quand tu montes sur scène ?
J’ai envie de tout arracher.
Est-ce que tu veux devenir une grosse star comme Maître Gims ?
Pas forcément comme Maître Gims mais si je peux avoir autant de Sacem que lui, je ne suis pas contre ! Au début, ce qu’il faisait, c’était très novateur. Après Sexion d’Assaut, il est revenu plus haut, plus fort. C’est le Johnny Hallyday de maintenant. C’est un peu trop, je ne sais même pas s’il kiffe encore.
Pourquoi tu as un style différent des autres ?
Dans le rap à la base, il fallait avoir un style unique. Avec l’évolution de la musique, il y a eu une uniformisation des styles. Aujourd’hui, même les Français arrivent à faire sonner leur rap comme les Ricains. Il y en a plein qui mentent dans leurs textes aussi : nous on dit la vérité. À une époque, le rap c’était forcément la rue. Mais aujourd’hui, il y a du rap pour tout le monde, en ville, en campagne, des blancs, des arabes, des noirs, des indiens… Du coup, quand tu me demandes « pourquoi tu ne fais pas comme les autres ? » je le prends comme un compliment.
Comment tu te vois dans 5 ou 10 ans ?
J’aimerais bien faire plein de tournées et pouvoir m’enfermer en studio quand je le veux.
À voir sa longue silhouette, ses cheveux longs et ses larges lunettes de soleil, on imaginerait plus facilement Joh Berry chanteur dans un groupe de garage/punk façon The Ramones. Pourtant le trentenaire fait du rap, et il vient même de sortir un très bon deuxième album, « Mood », qui le propulse immédiatement aux côtés d’Odor et Stav (ex-Rezinsky) parmi les patrons de la scène angevine. Rencontre.
Tu es arrivé à Angers il y a peu. Peux-tu te présenter rapidement ?
Bien sûr, on m’appelle Joh Berry. A la base, je suis Parisien. J’ai grandi là-bas. Ma famille a emménagé à Ingrandes sur Loire il y a une dizaine d’années. Et j’ai débarqué à Angers il y a environ un an. J’ai sorti un premier album il y a deux ans qui s’appelait « Lunettes Noires Pour Nuits Blanches », enregistré à Ingrandes donc. C’était un projet beaucoup plus axé sur du rap classique avec de grosses influences jazz et soul. Beaucoup moins moderne que le mini-album « Mood » qui vient de sortir.
Ça explique alors sans doute pourquoi je trouve « Mood » justement à la bonne distance entre la trap d’aujourd’hui et le hip hop des années 90/00 ?
Ça s’est fait assez naturellement. J’ai beaucoup saigné tous les vieux groupes de rap comme IAM, NTM & co. C’est ma culture. Après, c’est surtout une question de BPM (Beats Par Minute, NdR). La trap, ça se joue entre 120 et 140. Dès que tu descends sous 120 BPM, tu te retrouves assez naturellement à poser un flow plus classique, où tu peux débiter plus de choses. Donc l’équilibre s’est fait sans trop y penser.
Mais tu as cherché délibérément à avoir quelque chose de plus moderne avec « Mood » ?
En fait, quand je bossais sur mon premier album, la scène rap était déjà bien en train de changer. Dans le public on voyait déjà pas mal de gros pogos. Ça m’a tout de suite fait kiffer. J’ai eu envie de provoquer ce genre de réactions chez les gens avec ma musique. Ça a un effet presque orgasmique de sentir que tu donnes ça aux autres. Et moi, je n’ai jamais été le gars renfermé sur ma musique, à ne pas vouloir que ça change. Donc la trap j’ai tout de suite kiffé. J’ai tout de suite senti que ça allait apporter du sang frais à la musique. En termes de mélodie, de rythmique, de sons de drum…
Tu fais donc également tes instrumentaux ? Tu as une formation musicale ou tu es autodidacte ?
Je suis entièrement autodidacte. Je maquette seul mes morceaux chez moi, avec un clavier et des logiciels de composition. Quand je suis satisfait de la maquette, je la refile à mon pote Scaro qui réarrange le morceau en lui donnant des nouvelles basses, des nouveaux sons de drum, et ensuite ça part chez Kad’Krizz à Saumur (Sixième Sens) qui masterise le tout et fait en sorte que le son tabasse ! Donc on travaille un peu en trio, avec des superpositions de couches. On s’entend parfaitement, donc les choses s’articulent très bien entre nous.
Tu disais que ton premier disque avait de grosses influences soul et jazz. Mais on en entend aussi sur « Mood » ?
Oui, on ne peut pas renier ses origines. Ce sont des musiques que j’écoute toujours beaucoup. Donc on en retrouve forcément dans ce que je fais, même si cette fois-ci le traitement du son leur donne un côté plus synthétique. Il y a pourtant de vrais instrumentistes invités sur le disque : le saxophoniste Clément Desbordes (du groupe tourangeau Vssvd) et le guitariste Etienne Besnier qui jouent sur quelques morceaux. A part eux et la jeune chanteuse Nani sur un titre, il n’y a pas d’invités. En tout cas pas d’autres rappeurs. Je voulais que ce disque puisse servir à faire les présentations avec les gens, me servir un peu de carte de visite pour montrer ce que je pouvais faire.
J’ai l’impression que c’est important pour toi de travailler différentes choses avec ton flow ?
Oui, c’est quelque chose que je travaille même de plus en plus. Je pense que pour « Mood 2 », pour lequel je viens de commencer à composer, je vais aller encore plus loin dans ce sens. J’aime bien essayer de jouer avec les temps, ne pas atterrir forcément là où les gens m’attendent, un peu comme le fait super bien Snoop Dogg, dont on a toujours l’impression qu’il est à côté du beat alors que tout est précisément calculé.
Ce « Mood » est assez mélancolique, non ? Jusque dans sa très belle pochette aux couleurs bleu nuit…
La pochette a été réalisée par mon oncle Benjamin Asseraf. Quand il a écouté les morceaux, il m’a tout de suite dit que ça lui évoquait une virée nocturne un peu déprimée dans une grande ville. J’avais pourtant l’intention de faire un truc un peu plus positif que ça à la base. (rires) Mais j’ai vécu notamment une séparation qui m’a pas mal remué et ça a forcément dû transpirer dans ma musique. J’en ai pas eu nécessairement conscience quand je composais. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui je sens bien que même les morceaux un peu plus bangers sont très sombres. Ça devrait être différent pour « Mood 2 ». Je veux apporter plus de couleurs. Ça va mieux dans ma vie maintenant, donc j’ai envie de nouvelles choses aussi, même si j’ai de toute façon toujours été quelqu’un d’assez mélancolique.
Il y a aussi pas mal de références éloignées des codes habituels du rap. Je pense par exemple au morceau « Kurt » qui fait référence au chanteur de Nirvana.
A la base, j’ai deux parents qui sont férus de musique. Il y a toujours eu beaucoup de disques à la maison, et j’ai grandi en écoutant des choses très variées, de Brel aux Rolling Stones, de Gainsbourg à Cesaria Evora. C’est quelque chose que j’ai gardé en grandissant. Tout ça fait donc partie de mon histoire. Aujourd’hui, j’écoute encore beaucoup plus souvent tous ces trucs que du hip hop par exemple. Et j’adore Kurt Cobain. J’ai lu beaucoup de ses interviews et on voit bien que c’était un gros bordel dans sa tête, et parfois j’ai l’impression de me retrouver dans ce chaos. En fait, c’est un peu mon grand regret de gosse : j’aurais adoré être un chanteur de rock. Déjà j’ai la dégaine, avec les cheveux longs, tout ça. Sur scène, je joue beaucoup avec des postures, une énergie très rock. On m’a d’ailleurs déjà dit que je dégageais quelque chose d’androgyne sur scène, à l’image de Mick Jagger ou David Bowie. Je le prends comme un super compliment. Je veux bien être le rockeur du rap, sans problème ! (rires)
On l’a découvert dans une autre vie à la guitare d’un groupe de potes à peine sortis de l’adolescence dont le but ultime était de faire un maximum de boucan, avant qu’il ne vole de ses propres ailes pour jouer… du jazz. Depuis une grosse dizaine d’années, Alex Grenier s’est construit une carrière déjà bien remplie. Il compte aujourd’hui passer encore à la vitesse supérieure avec un disque qui sort le 24 Mai. Explications avec l’intéressé.
Tu jouais en trio depuis déjà quelques années avec les deux mêmes musiciens. Pourquoi soudainement ce disque en septet ?
Je joue avec Hervé Moquet à la basse et Franck Durand à la batterie depuis 2012/2013. On s’est vraiment trouvés musicalement et humainement. On a pu essayer plein de choses différentes tous ensemble sur plusieurs disques, deux EP et deux albums. Mais j’ai senti qu’on prenait le risque de la routine si on ne restait que tous les trois. J’ai eu besoin d’intégrer de nouveaux instrumentistes pour renouveler la formule, pour imaginer de nouvelles choses, composer différemment. Mais là aussi, je ne voulais pas prendre n’importe quel musicien sur ses simples compétences musicales. Il faut que ça colle humainement, c’est hyper important. Les quatre musiciens qui nous ont rejoints sont donc des gens qu’on connaît depuis longtemps ou bien qui nous ont été recommandés par des amis. Un bon groupe, c’est un groupe qui dure. En jazz, il y a une bonne part d’improvisation, de feeling, donc c’est très important de bien connaître les musiciens avec qui tu joues. C’est primordial pour moi en tout cas, la musique va toujours plus loin si l’humain est au centre du jeu. C’est une expérience humaine avant tout.
Est-ce que ça veut dire que tu as composé toutes les parties des musiciens ? Ou bien tu leur as laissé le champ libre ?
On avait déjà plus ou moins maquetté les morceaux avec le trio. On a ensuite envoyé ces démos aux quatre autres pour qu’ils comprennent ce qu’on attendait d’eux. Et on s’est vus deux fois avant d’enregistrer le disque. La plupart des compositions étaient donc déjà écrites, mais je tenais aussi à laisser des parties un peu plus freestyle dans certains morceaux. La formation à sept permet ça, alors que c’est plus compliqué en trio. Par exemple, un truc que j’ai trouvé génial pendant l’enregistrement et que je n’avais jamais pu expérimenter avant, c’est que pour un morceau je lance l’intro à la guitare, puis je m’arrête de jouer et je peux me transformer en chef d’orchestre pour guider les autres musiciens. En trio, c’est impossible à faire. Si l’un de nous s’arrête de jouer, ça devient bancal. A sept, tu peux dire à untel de s’exprimer, à l’autre de laisser du champs, etc. Je découvrais donc ma musique en train de se créer devant moi, sans en être vraiment acteur. C’était une sensation absolument géniale !
D’un point de vue strictement logistique/économique, c’est plus compliqué de faire tourner un septet qu’un trio, non ?
Oui, surtout qu’on a un technicien son sur la route avec nous. Mais c’était un peu un pari. Quand tu es un trio pas encore très connu, on ne te propose au mieux que des premières parties. C’est compliqué de tenir l’affiche sous ton seul nom. Les programmateurs pensent que ça n’aura pas la puissance pour tenir les gens tout le long. Un septet, on ne lui propose pas souvent de première partie, justement parce que c’est un peu plus cher à programmer. C’est donc un peu une façon de mettre le pied dans la porte et de pousser un peu de l’épaule pour entrer dans la cour des plus grands. On a gagné pas mal de gros tremplins, on a fait de belles premières parties, j’aimerais bien qu’on puisse passer au niveau supérieur maintenant. Après, j’ai toujours la possibilité d’adapter la formation suivant les propositions de dates, revenir au simple trio, passer en quartet, en sextet…
En Juillet, tu pars faire une tournée en Angleterre ?
Le disque sort le 24 Mai. Je viens de jouer au Sunset à Paris pour la release-party. Ensuite, j’ai quelques dates et on part en Angleterre. Ca va donc nous faire une belle aventure pour commencer à faire vivre l’album, même si on fait cette tournée en trio pour justement les raisons logistiques que tu évoquais. Mais comme c’est notre première tournée là-bas, le public n’attend pas forcément que je ne joue que les morceaux de ce nouveau disque. Pour le moment on a déjà six dates calées dans de belles villes comme Londres, Manchester, Glasgow, Leeds… On va jouer à Wigan aussi, la ville jumelée avec Angers. Et je cherche encore à en caler d’autres.
Cette formation élargie t’a permis d’explorer de nouveaux territoires ?
Oui, c’était le but. J’avais une vision assez précise de ce que je voulais faire avec ce septet. Notamment essayer des choses qui viraient vers le jazz-funk des 70s avec des parties moins écrites, mais super vivantes. Des choses qui se dansent aussi.
C’est déjà ce qui se dessinait pas mal dans tes derniers concerts en trio où tu incorporais quelques parties aux claviers/machines. Ca sonnait presque disco-jazz, ou French Touch comme Superdiscount.
Oui, c’était suite à l’EP « Red Nova », on avait envie d’incorporer un peu d’électronique à notre jazz, de s’éloigner un peu du jazz purement acoustique. Du coup, sans doute que certains morceaux du septet ont gardé un peu la même saveur. Il faut dire qu’avec une flûte et des congas, on a vite une couleur latine qui marche bien avec un jazz très dansant sur des morceaux à rallonge. C’est la première fois que je compose des morceaux qui vont jusqu’à sept minutes, ce qui veut dire qu’en live ils seront sans doute encore plus longs, plus évolutifs. Mais je ne voulais pas me l’interdire sous prétexte d’essayer de passer en radio, ou je ne sais quoi. Même pour le vinyle, je vais devoir faire des choix et enlever certains morceaux parce qu’ils ne tiennent pas tous sur le disque. Mais tant pis, je les voulais comme ça.
Ce nouveau disque sort sur le label angevin MaAuLa ?
Oui, je ne les connaissais pas vraiment, même si on faisait tous souvent appel au même photographe, Fabien Tijou. C’est Fabrice qui travaille au Chabada qui m’a soufflé l’idée et qui nous a connectés. Je suis assez loin de leur catalogue habituel, même s’il y a d’évidentes passerelles à faire avec le jazz. Du coup, je pense qu’ils sont contents d’ouvrir leurs horizons et moi je suis content de travailler avec de nouvelles personnes motivées. Le fait qu’ils soient tous eux-mêmes musiciens (dans The Loire Valley Calypsos) est aussi très important pour moi. Ca veut dire qu’on se comprend, qu’on sait ce que l’autre vit, on connaît la réalité de la vie d’un musicien indépendant. On reste donc bienveillants entre nous. L’humain, encore…
Quand vous démarrez un groupe, soit vous avez de la chance et un de vos morceaux cartonne tout de suite, soit vous avez de la chance et certains des membres de votre groupe ont joué auparavant dans une formation mythique. LANE coche la seconde case. On y croise Eric et Pierre-Yves Sourice (Les Thugs), son fils Félix, et Camille et Etienne Belin (Daria). Rencontre avec Pierre-Yves aka Piwaï et Félix, respectivement bassiste et guitariste de LANE.
Comment en êtes-vous venus à jouer dans le même groupe ?
Félix : Il se trouve que j’avais économisé un peu d’argent et que j’ai eu envie de m’acheter une vieille guitare dont j’ai appris à jouer tout seul dans ma chambre. Assez rapidement, j’ai eu des idées de compos que j’ai là aussi travaillées tout seul, sans trop savoir ce qu’elles deviendraient. Parallèlement à ça, Piwaï jouait de temps en temps avec Camille et Etienne de Daria dans leur local de répète. Assez naturellement, on s’est donc retrouvés à jouer nos morceaux ensemble avec mon père, puis on a retrouvé Cam et Etienne. Il se trouve que Camille bossait beaucoup la batterie depuis quelques mois, il avait besoin d’essayer autre chose que la guitare/chant qu’on connaît de lui dans Daria. On a fait des essais au chant avec tous les autres membres du groupe qui se sont révélés catastrophiques. (rires) Piwaï a donc demandé à Eric si ça le brancherait, et il a tout de suite accepté. Trois semaines plus tard, on a fait une première répétition tous ensemble, et on a tout de suite vu que ça collait ! Mais rien n’a été vraiment réfléchi en fait.
F : Oui, on s’est assez rapidement retrouvés avec quatre morceaux bien aboutis. On a eu envie de les enregistrer au local, on les a mixés par nous mêmes et puis on les a fait masteriser à New York par Dan Coutant qui avait déjà travaillé sur les disques de Daria. Au départ, on pensait juste s’en servir pour démarcher des programmateurs.
Pierre-Yves : Quand finalement on a décidé de le sortir commercialement, les gens de Pias (notre distributeur) nous ont dit « Les gars, plus personne ne sort des EP en CD aujourd’hui. Vous allez en vendre 200 ou 300 au mieux. » Finalement, on en a déjà vendu 1700. Donc c’est plutôt pas mal vu l’état du marché du disque. Après, on ne va pas jouer les faux-modestes, Eric et moi, on se doutait quand même un peu que ça aurait de l’écho. On a fait quelques trucs par le passé qui ont intéressé pas mal de gens. Avec ce projet, on est très conscient qu’on fait quelque chose de très proche de ce qu’on faisait avec Les Thugs, parce que c’est ce qu’on sait faire de mieux, que c’est ce qu’on aime. Donc on imaginait bien que ça pourrait parler à quelques personnes. Mais c’est vrai que ça a tendance à dépasser nos attentes quand même. Camille et Etienne nous disent souvent qu’on a eu en un an avec LANE ce qu’ils ont mis près de dix ans à obtenir avec Daria.
Justement, n’est-ce pas un peu ironique d’avoir refusé toutes ces reformations avec Les Thugs pour lancer aujourd’hui un nouveau groupe qui ressemble beaucoup à du Thugs fait par des Thugs ?
PY : Bien sûr, il y a un peu de ça. Après, la motivation première de ce groupe, ça a été l’envie de jouer, de faire des morceaux, de les enregistrer, de faire des concerts. Donc finalement, exactement comme lorsque Les Thugs sont nés. Ca reste quand même une des plus belles histoires de ma vie, et de celle d’Eric. Il nous dit souvent « J’ai 58 ans, je n’ai plus de temps à perdre. » Moi, j’en ai 51, ça sera donc très probablement mon dernier projet musical. Donc s’il y a des gens qui ont envie d’écouter la musique de LANE, on ne va quand même pas les repousser. On repart sur les routes, entre potes, il y a du monde aux concerts, on a de bonnes sensations sur scène. Ca durera le temps que ça durera, mais pendant ce temps on joue du rock’n’roll.
Et toi Félix ? A 21 ans, tu te retrouves à faire un groupe avec des vieux. Et en même temps, tu dois avoir conscience que tu ne vivrais pas la même aventure avec des gens de ton âge ?
F : Non, c’est sûr. J’avais déjà joué dans quelques groupes sur Angers avec des potes, mais ça n’est jamais allé bien loin. Comme tu peux l’imaginer, je baigne un peu là-dedans depuis que je suis tout petit, et en même temps tout était toujours resté assez abstrait. Donc quand l’occasion s’est présentée de faire ce groupe avec les gars, j’ai pas hésité. Je peux enfin voir ce que c’est de partir sur la route pour jouer sa musique. Je découvre ce qu’est vraiment un label, un tourneur, le travail des techniciens son et lumière (d’autant plus que je me dirige vers le métier de sonorisateur). Je ne savais pas ce que c’était que de jouer devant plus de mille personnes. Rien que cette interview, ça m’aurait paru totalement extraterrestre il y a encore un an. Donc j’ai fini par oublier assez vite le fait que je joue avec mon père et mon oncle, qu’il y a une différence d’âge entre nous, etc. Quand on est dans le local de répé, on est juste cinq musiciens qui essayons de jouer un truc qui nous plaît à tous.
P.Y : La relation père-fils dans le groupe, elle a duré trois concerts. J’ai dû vouloir lui faire une remarque sur le fait qu’il buvait une bière dans les loges à 15h, il m’a envoyé balader, et c’était plié. (rires) Quand on joue, Félix est le guitariste de LANE avant d’être mon fils.
On a l’impression que vous ne savez pas faire de la musique en dehors du cadre familial chez les Sourice ?
P.Y : Je ne saurais pas trop l’expliquer. Tout s’est fait très naturellement comme on te l’a dit. Félix jouait dans sa chambre, j’avais envie de rejouer moi aussi. Quand on a eu besoin d’un chanteur, j’ai juste demandé à mon chanteur préféré qui se trouve être mon frère Eric. Il a accepté, donc on l’a gardé. S’il avait dit non, on aurait probablement cherché quelqu’un d’autre. Mais ça n’a pas été le cas. Il n’avait plus chanté depuis la tournée des Thugs en 2008. Et pourtant je trouve qu’il chante mieux que jamais. Dans les commentaires sous les vidéos YouTube, y a plein de gens qui disent qu’ils sont hyper contents de réentendre cette voix !
F : Il y a plusieurs compos dont on n’était pas totalement convaincus avec les gars. On les trouvait parfois trop pop-punk de base à l’américaine. Et il suffisait qu’Eric pose son chant si particulier dessus et ça emmenait le morceau complètement ailleurs.
Vous avez des dates jusqu’à l’été ?
P.Y : Oui, on a une vingtaine de date en France jusqu’à la fin du printemps, dont le Chabada le 29 Mars. On attend aussi quelques réponses pour l’étranger. Ensuite, peut-être que la sortie du premier album nous placera sur quelques festivals dont la prog ne serait pas encore tout à fait complète, sinon on tournera à nouveau à la rentrée. Et on enregistrera le deuxième album fin 2019, on a déjà pas mal de morceaux de prêts. C’est reparti !
Leur récent « 5+1 : Zenzile meets Jay-Ree » a été élu deuxième meilleur album dub de l’année par les lecteurs de Reggae.fr (il est le premier pour nous!). C’est précisément ce disque que Zenzile vient défendre à la maison ce vendredi 8 Février, sonnant ainsi un retour fracassant au dub-reggae qui les placés sur orbite à la fin des 90s. Raggy (sax, claviers, percussions) se charge de faire le teaser…
On a eu envie de faire ce disque dès 2010, quand on a terminé l’enregistrement de l’album « Electric Soul » (qui sortira en 2012). C’est sur ce disque qu’on commence notre collaboration avec le chanteur Jay-Ree, et comme ça a tout de suite collé humainement et artistiquement, on a eu envie de faire d’autres morceaux où il pourrait prendre davantage de place. A cette même époque, on nous a proposé de faire le ciné-concert « Berlin » (2014), puis le disque « Éléments » (2017) suite à une création au Quai. Après ces deux disques, qui étaient davantage centrés sur une sorte de krautrock-new wave-psychédélique, on a eu envie de revenir à nos fondamentaux, à savoir un dub plus proche de ses racines reggae. Et Jay-Ree est le chanteur idéal pour ça. Il maîtrise une large palette de voix pour tous les rythmes jamaïcains. On a donc commencé à retravailler ensemble l’an dernier. Il se trouve que Jamika était également moins disponible qu’à l’époque de « Electric Soul », on s’est ainsi retrouvés à surtout travailler avec Jay-Ree comme seul vocaliste. C’était donc le bon moment pour sortir enfin ce 5+1.
Vous avez construit le disque comme beaucoup de classiques reggae des années 70/80, à savoir une version chantée suivie de sa version instrumentale dub.
Oui, les Jamaïcains appellent ce genre de disque un « Showcase ». C’est effectivement presque un passage obligé pour plein d’artistes reggae dub. C’est surtout venu du fait qu’on a réactivé le Zenzile Sound System pour une soirée à Nantes fin 2017. C’est une formule du groupe sans la basse et la batterie. C’est Vince aux claviers qui lancent les riddims, qui les dubbe en direct, et sur lesquels Alex (le guitariste) et moi posons des instruments. Et Jay-Ree nous a rejoints sur scène et a commencé à poser des voix sur certains morceaux. Ca collait vraiment super bien. On avait enregistré le concert et on est reparti de cet enregistrement pour les squelettes de plusieurs des compositions du 5+1. Pour l’enregistrement du disque, on a un peu fonctionné de la même façon, on mixait en direct sur la console pendant que ça jouait, de manière très live. Comme à nos débuts, en fait. Et je crois que c’est la meilleure manière de faire quand tu fais du dub. Ca garde la spontanéité du live, plutôt que de faire tout le mix a posteriori sur un ordinateur.
Justement, en parlant de live, vous jouez bientôt au Chabada. Vous avez prévu des choses spéciales ?
Il y aura Jay-Ree, bien sûr. Et comme Jamika ne pourra pas être là pour des raisons d’agenda (même si elle est sur la photo du programme), on a demandé à Yamina et Nadia Nid El Mourid, et à Richard Bourreau, les chanteuses et le violoniste de Lo’Jo, de nous rejoindre sur scène pour jouer de vieux morceaux de l’époque de « Sachem In Salem ». La setlist va donc incorporer des vieux morceaux de plusieurs albums, des titres de ce 5+1 et même quelques inédits avec Jay-Ree. Globalement, les morceaux qu’on va jouer seront plus uptempo, plus dansants, que ce qu’on a fait ces dernières années. Ca colle bien avec le chant de Jay-Ree, alors que Jamika est plus à l’aise sur des climats plus atmosphériques. Et nous jouerons donc en version live dans la grande salle, puis en version sound-system dans le club. Ca va nous permettre de pouvoir jouer plein de morceaux des différents albums, ça sera moins frustrant (rires). Pour les premières parties, on a également invité nos vieux copains de Brain Damage et Junior Cony, qui sont un peu des gens qui sont là depuis les débuts du dub en France, comme nous. On peut parfois avoir l’impression que cette scène s’est délitée au fil des années, mais en fait elle a surtout muté en sound-systems, quand au départ elle était justement caractérisée par des groupes de scène que High Tone, Improvisators Dub et nous. La scène dub française est donc toujours vivante et active !
Des groupes qui lancent leur propre label, on en a connus quelques-uns sur Angers. Quand ces labels survivaient à leur deuxième sortie, c’était déjà une petite victoire. Du coup, l’aventure de MaAuLa Records, initiée par les musiciens de Loire Valley Calypsos, est en train de devenir un véritable cas d’école. Le label angevin des « musiques exotiques » trouve son public parfois par delà les océans. Rencontre avec Thibaut Kret, label manager en chemise hawaïenne.
Peux-tu nous résumer MaAuLa Records en quelques chiffres ?
Le label existe depuis fin 2015, même si on avait déjà sorti le premier 45-t de Loire Valley Calypsos sous cette étiquette, mais qui n’avait alors aucune véritable structure juridique. On vient de sortir notre neuvième sortie physique (en LP et CD), en plus de trois compilations digitales, les « MaAuLa-o-rama ». Donc on en est à douze sorties. On a déjà quatre projets de sorties pour 2019, en plus de l’album de Loire Valley Calypsos. Donc 2019 devrait être une année intense pour le label. On a démarré avec des pressages de 500 LPs et 1000 CDs de chaque référence du catalogue, mais au fil du temps on a dû faire des repressages de certains disques qui marchaient plutôt bien. Et là, pour la compilation « Cumbia Madame ! », on est partis directement sur un pressage de 1000 LPs et 2000 CDs, ce qui n’est pas ridicule puisque certains « gros » labels sur notre niche musicale sont également à peu près sur ces chiffres. On a la chance d’être plutôt bien distribué en France mais aussi dans plusieurs pays étrangers (Suisse, Allemagne, Benelux, Espagne…). On commence aussi à exporter pas mal au Japon ! Et on démarre la prospection pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
Vous vendez des disques au Japon ?
Oui, et même plutôt pas mal ! (rires) Sur Instagram, si tu cherches le #MaAuLaRecords, tu tombes sur pas mal de Japonais qui se sont pris en photo avec leurs disques du label… Globalement, ce sont surtout nos rééditions des vieux groupes de calypso comme The Wrigglers ou The Talbot Brothers ou la compile « Calypso Madame ! » qui marchent le mieux là-bas, mais on a quand même également vendu pas mal de copies de notre premier album de Loire Valley Calypsos. Une des choses dont on est le plus fier, c’est qu’on a pas mal de retours de gens qui nous disent qu’ils aiment beaucoup le label, et pas seulement telle ou telle sortie. Ca nous laisse penser qu’on avance plutôt dans la bonne direction !
Comment réussissez-vous à être visible au milieu de toutes ces rééditions qui inondent le marché actuellement ?
On mise beaucoup sur notre identité graphique pour être bien repéré. C’est Antoine Gadiou, un graphiste de Nantes, qui fait tous nos visuels, et ça aide beaucoup. D’un disque à l’autre, les gens comprennent aussitôt que c’est une sortie du label. Et comme on touche quand même un public de gens passionnés, quand ils aiment une sortie, ils cherchent généralement à écouter les autres disques estampillés MaAuLa. On essaie également d’avoir une vraie ligne éditoriale, d’aller chercher à fouiller des choses pas encore trop explorées par d’autres labels, ou alors de le faire différemment. Par exemple, on trouve beaucoup de compilations thématiques sur des pays africains où tu as deux disques gavés à ras bord de morceaux, comme pour documenter cette scène de manière encyclopédique. J’adore ces compiles, j’en possède beaucoup. Mais j’ai réalisé que souvent je n’écoutais pas beaucoup le deuxième disque, parce que j’étais déjà « rassasié » par le premier. Donc on prend plutôt le pli de sortir des disques assez courts, quitte à laisser plein de titres qu’on aurait aimé pouvoir rééditer sur le carreau. Pour ce « Cumbia Madame ! », on avait largement de quoi sortir un double vinyle par exemple. Mais on a préféré faire une sélection plus drastique. Quitte à sortir un volume 2 plus tard si le disque marche bien.
Pour ces deux compilations « Calypso Madame ! » et « Cumbia Madame ! », vous avez travaillé avec un collectionneur ?
Oui, il s’agit de Tom Stakhanov, un collectionneur avec qui on a tout de suite super accroché humainement et musicalement. On parle d’une troisième compilation avec lui autour des musiques de l’île de Curaçao (oui, comme la liqueur bleue). C’est une île des Petites Antilles, qui a été un véritable carrefour d’influences (latines, brésiliennes, caribéennes…) et qui a eu la particularité de développer une langue créole un peu à part, le papiamento. Plusieurs groupes de l’île ont choisi de faire de la musique dans cette langue locale plutôt que d’utiliser les langues des colons qui permettaient de s’exporter plus facilement. On prépare donc une compilation sur tous ces groupes, en lien également avec un universitaire suisse spécialiste du papiamento pour essayer d’aller plus loin que la seule musique.
Vous vous intéressez surtout aux musiques créoles, qui se sont construites sur des métissages. A l’heure où le monde a tendance à se replier sur des tentations identitaires, c’est presque un acte politique ?
On ne se revendique pas comme des militants, mais c’est sûr que mettre en avant ces musiques créoles, issues de mélanges entre l’Afrique, l’Amérique, l’Europe, l’Asie, c’est forcément politique. Peut-être aussi parce que finalement toutes les musiques se sont construites comme ça, en se mélangeant, hier comme aujourd’hui, même si on a tendance à vouloir l’occulter parfois. Et que c’est donc un véritable exemple de réussite des métissages qu’il est difficile de nier. La culture -et la musique- a toujours été le meilleur moyen de rapprocher des gens très différents, de faire des ponts. Même pour des musiques qui sont très identifiées à un territoire précis comme le reggae ou la salsa par exemple, dès qu’on gratte un peu on se rend compte qu’elles sont nées d’une multitude de rencontres et de croisements.
Il sort fin Avril. On fera une release-party le jour de la sortie au Chabada. Il est un peu différent du premier album, notamment parce qu’on a accueilli Sam à la guitare électrique, juste après la sortie du premier album qui avait donc été enregistré en trio. Du coup, la basse s’est électrifiée aussi, il y a une vraie batterie en plus des percussions. Le son s’est étoffé. On a aussi quelques morceaux en français. On aura quelques invités, comme la chanteuse de Lord Rectangle, un groupe calypso de Bordeaux, qui a une voix magnifique, ou les cuivres de nos copains de Big Joanna… Ca ne sera pas la révolution par rapport au premier album non plus, mais ça évolue à notre rythme, en chaloupant. (rires)
Le label MaAuLa vient d’ailleurs de lancer sa propre web-radio. Faîtes le plein de chaleur en écoutant Radio MaAuLa ici: http://radiomaaula.com/
Vous avez déjà écouté un disque dont vous ne comprenez pas pourquoi ni comment il ne résonne pas déjà dans toutes les chaumières du monde entier ? C’est ce qu’on ressent avec la musique de San Carol depuis déjà trois albums, et encore plus flagrant avec cette dernière fournée. « Houdini » sort le 19 octobre, et vous l’aimez déjà sans le savoir. Rencontre avec Maxime Dobosz, âme, cœur et cerveau de San Carol.
On n’avait plus trop entendu parler de San Carol depuis la fin 2016. Est-ce que tu avais fait une croix sur le projet avant de changer d’avis? Ou bien était-ce juste une très longue maturation?
Je ne sais pas si en réalité deux années peuvent être considérées comme une période longue. On est dans une époque où tout va très vite et tout doit aller très vite, c’est d’une angoisse que je ne m’explique pas. Au fond, deux ans, c’est si peu de choses. Deux semaines après notre retour d’Austin, nous sommes entrés en studio en sachant que nous voulions faire un disque qui nous rendrait fiers des années durant, on a simplement pris le temps de faire notre belle musique. Qu’est-ce-qui nous obligerait à tout faire vite et ne pas prendre le temps de respirer, penser les choses ? Je déteste la superficialité, prendre le temps d’écrire, expérimenter à notre échelle, profiter de jouer ensemble et construire une œuvre que nous aimons, ce n’était pas une option, c’était vital.
Je trouve ce nouveau disque globalement plus « pop » (ou au moins plus mélancolique?) que les deux précédents. As-tu l’impression que ta parenthèse chez Big Wool a libéré des choses?
Je ne pense pas, car le processus d’écriture entre les deux groupes est très différent si ce n’est opposé. Même si ce n’est pas ce que tu dis, je ne crois pas que les deux projets se ressemblent et qu’ils expriment ni la même chose ni ne l’expriment de la même manière. Par contre, « Houdini » est clairement un disque très mélancolique et introspectif, ces chansons me sont très intimes et traitent de sujets importants pour moi. Cependant, j’ai essayé de faire que ces chansons ne soient pas autocentrées, au fond, on s’en fiche pas mal des malheurs et questions de Monsieur Maxime Dobosz. Ce sont des textes assez ancrés dans l’époque et dans la vie de ma génération qui se demande où est sa place. Alors si le résultat de tout ça sonne « pop », tant mieux, mais peu m’importe.
Les titres des chansons (« Meaning Of Life », « Turn To Dust », « Cancer », « Parachutes », « Lone Star », « Doesn’t Matter »…) laissent deviner des textes plutôt sombres, alors que le titre de l’album « Houdini », du nom d’un célèbre amuseur/magicien, sonne beaucoup plus léger. Est-ce pour dire qu’il faut parfois créer l’illusion? Faire semblant?
Non car faire semblant ne m’intéresse absolument pas, et je ne m’en crois pas capable. « Houdini » est simplement un pseudonyme que je donnais aux premières chansons que je composais étant plus jeune, « Little Houdini » pour être précis, tiré d’une chanson de Sage Francis que j’aime beaucoup. Je suis venu à ce titre d’album car j’ai repris deux de mes vieilles chansons sur ce disque, « Lone Star » et « Doesn’t Matter ». Ces chansons ferment le disque et en sont la clé de voûte. Ceci dit, San Carol est à mon image, sérieux et stupide, malaisé. Peut-être qu’indirectement le titre de l’album est un gag.
Sur ce disque, tu as travaillé avec Raphaël d’Hervez (Pégase). Tu peux nous expliquer en quoi a consisté son travail?
Je souhaitais travailler avec Raphaël sur « Humain Trop Humain » déjà, mais cela n’avait pas été possible à l’époque. Raphaël a produit l’album, il a eu en quelque sorte un rôle de directeur artistique. Pour expliquer concrètement son travail, il faut savoir comment l’album a été composé. Nous sommes arrivés en studio avec presque rien, uniquement des compositions de piano/voix, guitare/voix ou rien (« Parachutes » a par exemple été composé à partir d’une jam de studio). L’idée était que nous arrivions le matin au studio, je jouais ma chanson avec la guitare ou le piano, si le morceau était beau et nous provoquait une émotion, on travaillait avec Stw, Nerlov et Simon l’instrumental ensemble. Raphaël nous aidait sur le son et à faire les bons choix d’écriture pour complexifier notre musique, la rendre cohérente. Le but étant qu’à la fin de la journée, le morceau soit fini afin que nous conservions l’urgence de l’instant et ne pas finir avec une musique fatiguée par les allers et retours.
J’ai aussi la sensation que les musiciens qui t’accompagnent (soit les trois musiciens de VedeTT) ont aussi eu plus de place pour s’exprimer sur ce troisième album ?
J’ai toujours aimé écrire de la musique à plusieurs dans une pièce, je trouve ça noble et c’est la manière d’écrire qui me correspond le plus. Pour l’album précédent, le line-up n’était pas stable, donc le groupe n’avait pas pu être impliqué autant qu’espéré. Pour « Houdini », les gars ont fait un travail phénoménal. Nous avons vécu une expérience de studio assez incroyable et humainement très enrichissante. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, peut-être le fait de revenir des Etats-Unis avec un paquet d’ondes positives, mais nous étions clairement dans une sorte de communion au service de la musique. C’était très fort et ces trois garçons sont de grands artistes. San Carol est un projet complexe car c’est un projet solo qui ne l’est pas vraiment, mais de toute évidence, sans Simon, Stw et Nerlov, le disque n’aurait pas cette allure dont nous sommes si fiers.
A l’écoute de « Houdini », on croit entendre planer les fantômes de Bowie (période berlinoise), Radiohead, ou même parfois du Pink Floyd. Des groupes qui ont toujours cherché l’équilibre entre musiques progressives et efficacité pop. C’est aussi ton obsession?
David Bowie est mon influence première, il illustre tout ce que j’aime dans la pop. La prise de risque, l’anti-snobisme, la volonté de création, c’est le plus grand. J’essaie à mon échelle de poursuivre cette manière de faire. C’est une personne qui tout au long de sa carrière, sauf quelques rares exceptions, a tenté (consciemment ou non) de rendre accessible des pans de la musique underground, les expérimentations du kraut sur sa fameuse trilogie berlinoise que tu cites, la musique industrielle avec « Outside », le jazz avec un titre comme « Aladdin Sane ». C’est une pop qui n’a pas de limite. Quitte à étonner, je dirais aussi que ce disque doit pas mal à quelqu’un comme Elton John, dont j’aime beaucoup les premiers disques. En matière de chant et de storytelling, c’est un monstre. J’aime la démesure de certains de ses disques et je trouve par exemple « Goodbye Yellow Brick Road » ou « Honky Château » assez érudits et finalement proches de Bowie.
Le morceau « Lone Star » est particulièrement impressionnant. Très long (9mn), structuré en plusieurs mouvements assez distincts avec une dernière partie presque ambient/dub, et pourtant toujours super efficace. Ce morceau a une histoire particulière?
J’ai composé ce morceau il y a huit ans quand je vivais encore au Mans, j’avais fait une démo de « Lone Star » dans ma chambre en utilisant Audacity, ma guitare Peavy et une darbouka qu’avait abandonnée un ami chez moi. Il s’appelait à l’époque « Corpses & Dolphins » et on doit encore le trouver sur internet si on cherche bien. C’était joué de la pire manière qui soit, avec un son frôlant l’interdiction de séjour, mais il représente bien l’état dans lequel j’étais en 2010, boulimique de musique, à bouffer des dizaines de disques par jour sans exagérer et à avoir soif de composition, de création dans une ville où je n’avais absolument aucune manière de m’exprimer. C’était très galvanisant. Je n’ai que 27 ans maintenant, mais c’est l’âge où on n’est plus adolescent du tout normalement. Parmi mes peurs, il y en a une particulière : celle de n’être plus capable de découvrir, ne plus être curieux, ne plus créer.
En attendant la sortie de « Houdini » le 19 octobre et le concert de San Carol au Chabada le 20 octobre, nous ne pouvons que vous inviter à réviser les deux premiers albums de San Carol.
« Mais non, t’inquiète, c’est pas la saison des renards… » C’est ainsi que Gérard Lanvin essaie de rassurer son pote Michel Blanc dans « Marche à l’ombre », en plein bad trip après un pétard géant. Dans un remake d’aujourd’hui, on pourrait sans doute mettre la musique de Wild Fox en fond sonore, tant la pop-garage psyché des jeunes Angevins est également hallucinogène ! Présentation de ces renards sauvages avant deux grands rendez-vous à la rentrée…
Vous êtes tous les quatre très jeunes, mais j’ai cru comprendre que vous jouez ensemble depuis assez longtemps? Comment est né le groupe?
John (batterie) : Ca fait un an et demi qu’on joue tous ensemble. Jack et moi jouions ensemble depuis longtemps, Josic et Lucas avaient un autre groupe. On a réuni un bout des deux groupes et Wild Fox est né.
Josic (guitare) : Quand chacun commençait à jouer dans les bars/concerts les plus proches, on a commencé à se croiser, à réaliser qu’on partageait pas mal de goûts musicaux. Un soir, nos groupes jouaient sur la même scène, et on a fini naturellement par jouer tous ensemble.
Qu’est-ce qui vous a amenés à la musique? Vous avez tout de suite voulu jouer ce style de musique, ou bien vous vous êtes essayés à autre chose auparavant?
Jack (guitare, chant) : On baigne tous dans la musique depuis tout petit, on a commencé par jouer du rock blues au collège et on s’est mis au garage/psyché au lycée.
Le rock psyché n’est habituellement pas le genre musical qu’on découvre tout de suite quand on a une vingtaine d’années. Quel a été votre déclic? La discothèque familiale? Des concerts? Des groupes précis?
Jack : Dès notre début de lycée on a commencé à être assez rapidement gavé par le rock mainstream, on a cherché plus loin et on a découvert une scène plus underground, comme King Gizzard, The Oh Sees… Le festival Levitation, qui a lieu à Angers, nous a aussi mis la puce à l’oreille bien sûr.
Vous avez déjà enregistré trois EPs en moins de deux ans, et chacun vous a vu faire un grand bond qualitatif. Est-ce dû simplement au fait que vous progressez sur vos instruments et/ou en composition, ou bien est-ce le résultat de remises en question et de réels choix esthétiques?
John : Notre premier EP a vu le jour au moment ou Wild Fox s’est créé, c’était plutôt une sorte de base de départ de notre musique, on découvrait nos premiers horizons, la distance de nos frontière musicales. C’était aussi un peu flou dans la mesure où nous étions en pleine découverte de styles.
Lucas (basse) : Quelques mois plus tard le deuxième est sorti, on le considère comme la suite de notre recherche, un travail un peu plus précis aussi, mais surtout le fait d’avoir exploité notre volonté d’approfondir cette recherche.
Jack : Le troisième ne traduit absolument pas notre position musicale définitive. On le considère quand même comme notre premier « véritable » EP. Un travail plus abouti, une préparation en amont faites des mois à l’avance, quelque chose de plus professionnel et plus travaillé.
« Lock », le nouveau titre que vous avez clippé récemment, laisse apercevoir un côté plus pop que vos précédents morceaux. Un truc assez anglais, dandy un peu canaille, façon Supergrass ou Arctic Monkeys. C’est quelque chose que vous voulez creusez sur le prochain EP?
Jack. Pour nous ça veut simplement dire qu’on ne veut surtout pas mettre de frontières à notre musique, on trouverait ça bien trop dommage. « Lock » est le résultats de nos goûts, de notre évolution qui ne restera pas que psyché, que garage ou encore que pop. Je pense aussi que c’est le résultat des rencontres musicales qu’on est amené à faire avec Wild Fox, on s’imprègne de tout ce qu’on entend et des groupes que l’on rencontre, je pense notamment à MNNQNS.
Lucas : Pour le prochain EP, on continue notre réflexion sur le sujet. On veut faire les choses bien, continuer à faire évoluer notre musique. On y trouvera des morceaux que l’on joue déjà sur scène mais il y aura aussi de la nouveauté évidemment.
Aujourd’hui, il semble difficile de communiquer sur la musique sans un bon clip cinématographique. Mais j’imagine que ça a un coût pour un très jeune groupe, encore à ses études? Comment vous êtes-vous débrouillés pour les vôtres?
Josic : Quand on veut on peut. On est très fans des clips cinématographiques, mettre en accord le cinéma et la musique est une idée très intéressante et que l’on souhaite vraiment exploiter. En disant « quand on veut on peut » on veut dire par là qu’on a rassemblé une équipe de 20 personnes, Ernest Bouvier et Pierre Fournier à la réalisation, une équipe technique très professionnelle avec des chefs-opérateurs, des cadreurs, un directeur post prod… Mais aussi un arrêté municipal, plusieurs partenariats, pour les solexs, la privatisation d’un super U par exemple et tout ça pour 100 euros tout rond (clopes, bières, essence). On aime travailler avec des gens de notre âge avec un esprit pro, et qui ont la même hargne que nous. Je pense notamment à Jules Ricou, notre manager qui a rejoint l’équipe il y a un an et qui est maintenant en quelque sorte la queue du renard. Ainsi que Pierrick et Félix au son. Pour ce qui est des études, on a tous arrêté, on ne s’y retrouvait pas tellement à vrai dire. (rires)
Si vous deviez résumer l’univers des Wild Fox avec la musique de 5 autres groupes, quels seraient-ils et pourquoi?
-The Black Angles : Ce sont pour nous The Doors d’aujourd’hui, ils font partie des premiers groupes à avoir fait renaître la vague psyché des années 60 tout en la remettant au goût du jour.
-Black Rebel Motorcycle Club : Pour toute l’influence rock brut, la voix éraillée bien sûr, la représentation du rock’n roll pur et aussi pour le côté sauvage.
-Fidlar : Le côté garage californien, destroy quelque part, le côté jeune branleur pour ne pas parler que de musique.
-Thee Oh Sees : La considération d’un père du garage d’aujourd’hui, il a influencé tous les groupes de garage de notre âge.
-Night Beats : Pour le son vintage, un peu dégueulasse, et pour la simplicité des compositions.
John : On est très heureux de pouvoir annoncer ces dates, on a vraiment hâte d’y être. Dans notre carnet des choses à faire quand on sera plus grand, il y avait en première page le Festival Levitation, et Le Chabada. Donc oui, on est vraiment ravis de faire partie de ces programmations.
Après trente de carrière et vingt albums au compteur, Titi Robin fait une révolution. Au sens mathématique du terme. Il boucle la boucle, et revient à son point de départ. Enfin presque. S’il revient à l’électricité de sa prime jeunesse pour ce nouveau «Rebel Diwana», le guitariste angevin n’en oublie pas pour autant tout le bagage accumulé dans ses pérégrinations aux quatre vents. Titi Robin raconte donc toujours la même histoire, construite sur une même syntaxe, mais avec un vocabulaire renouvelé. Et ça change quand même pas mal de choses… Explications avec l’intéressé.
«Rebel Diwana» est vraiment ton premier disque enregistré avec une guitare électrique ? Ça semble hallucinant…
Adolescent, j’ai un peu joué de la guitare électrique, mais c’était bien avant de devenir professionnel. Ensuite, l’acoustique s’est assez vite imposée à moi, et c’est devenu ce pour quoi j’ai été connu. Mais au milieu des années 80, on avait monté le groupe Johnny Michto avec deux amis de la Roseraie, Abdelkrim Sami et Abdellah Achbani. J’y jouais d’un bouzouk branché sur un pédalier de guitare, et Karim beuglait dans le micro ! On avait un matos pourri, ça sonnait comme un garage band ! Dans l’esprit, c’était même très punk. J’aimerais d’ailleurs beaucoup réentendre les cassettes qu’on avait enregistrées à cette époque avec le trio. Si quelqu’un à ça ?? Pour l’anecdote, on répétait dans une petite cave, dans un parking sous-terrain, juste à côté d’un autre groupe d’Angers qui débutait sa carrière : Les Thugs. Johnny Michto n’a jamais vraiment décollé. A l’époque, personne n’avait entendu parler de «musiques du monde». Le raï n’était pas encore arrivé, il n’y avait pas encore de groupes comme Les Négresses Vertes qui allaient populariser ces musiques. Ensuite, j’ai commencé à me faire un nom, d’abord en jouant du oud, puis surtout avec le disque «Gitans» en 1993. La suite ne sera qu’acoustique. Quand j’ai fait écouter ce nouveau disque à ma mère, je m’attendais à ce qu’elle me demande ce qui m’avait pris. Et au contraire, elle m’a dit : «Tiens, tu reviens à tes premières amours ?». C’est donc elle qui m’a fait prendre conscience la première de ce retour à l’électricité de mes tout débuts.
Finalement, tu as commencé avec un instrumentarium très «musiques du monde» (bouzouk, percussions…) pour un rendu très rock, et aujourd’hui tu utilises un instrumentarium très rock (guitare électrique, basse, batterie) pour un rendu qui ressemble finalement à ce que tu joues habituellement. Ce sont juste de nouveaux outils en fait ?
Exactement, c’est ce que j’ai voulu dès le début : utiliser des outils différents. J’ai parfois dit en rigolant que cette fois, j’avais utilisé les armes de l’ennemi. Parce que j’ai toujours eu à cœur de ne pas me laisser influencer par la culture anglo-saxonne. Je ne parle pas là en tant qu’amateur de musiques, parce que c’est bien sûr une culture très riche, que j’écoute et que j’apprécie. Je parle surtout d’un point de vue de musicien professionnel qui a toujours voulu jouer des musiques qui n’ont rien à voir avec les codes anglo-saxons, et là il existe un véritable rapport de force. C’est très difficile d’exister face à ce bulldozer. Dans mon disque précédent, «Taziri», on jouait un blues méditerranéen, qui puisait sa source au Maroc, sans faire l’aller/retour à traverser l’Atlantique. Pour montrer que c’était possible de jouer le blues avec nos codes à nous. J’ai toujours revendiqué ça, jusqu’à devenir limite têtu sur la question. Tous les disques que j’ai enregistrés, je l’ai fait avec des gens de différents pays, mais dans lesquels je me reconnaissais, que je comprenais, qui me comprenaient, avec lesquels c’était donc facile de jouer. C’est plus facile et évident pour moi de jouer avec des musiciens gitans ou berbères que si je devais jouer du rock ou du jazz américain. Donc «utiliser les armes de l’ennemi», c’est une boutade. Mais je dois bien admettre qu’il y a un véritable confort de jeu de pouvoir utiliser des instruments qui sont nés avec l’électricité. Quand je jouais sur mon bouzouk électrifié, il fallait beaucoup bricoler. C’est un instrument acoustique à la base, qu’on devait amplifier. Ça ne se fait pas si facilement. Techniquement, ce sont beaucoup de contraintes. Ça entraine une certaine fragilité. Une guitare électrique, quand tu veux la faire sonner, ça sonne ! Et j’avais besoin de cette puissance sonore pour exprimer ce que je voulais sur ce disque.
Quel a été le déclic ?
Je pense que ça a toujours été dans un coin de ma tête. Mais quand tu t’engages dans un nouveau projet, c’est un peu comme pour un fleuve qui grossit à partir de confluents. Là aussi, je crois qu’on se trouve à faire telle ou telle chose pour différentes raisons qui n’ont rien à voir les unes avec les autres, mais qui se rejoignent au même endroit à un instant T. Ici, il y avait des raisons politiques et la violence de la société qui me donnent envie de faire plus de bruit. Il y avait aussi des raisons purement techniques. Quand tu joues d’une guitare acoustique à la maison, tu obtiens un son bien particulier, dans lequel tu mets toute ta vie. Il n’y a aucun filtre. Tu entends ce que tu joues, ce que tu es. Puis quand tu te retrouves à jouer la même chose sur une scène, tu ne retrouves plus jamais ce son, parce qu’il est tributaire de l’acoustique de la salle, du matériel, etc. Chaque date est donc un défi pour essayer de se rapprocher au maximum du son originel de la composition. Ces fluctuations sont beaucoup moins importantes avec une guitare électrique. Je peux donc emporter mon son avec moi sur toutes les scènes. Quand j’ai une envie de puissance, j’ai juste à monter le volume de mon ampli, et c’est parti ! C’est une chose dont j’ai souvent parlé avec Toumani Diabaté, le jour de kora malien. On jouait ensemble dans des festivals WOMAD en Océanie. Ces festivals sont normalement censés être une célébration des musiques du monde entier, mais techniquement rien n’est prévu pour un oud, un bouzouk ou une kora. Dès qu’on montait sur scène avec nos instruments, la galère commençait pour nous et pour les techniciens ! C’était la fête du larsen ! (rires)
Il n’y pas que l’électricité qui étonne dans ce disque. Tu chantes aussi pour la première fois ?
J’avais déjà un peu chanté sur le disque «Kali Gadji» en 1998. Mais je n’avais pas trouvé l’essai très concluant, donc je n’avais pas continué. Je n’ai pas souvent chanté, mais j’écris depuis toujours. En 2014, j’ai enregistré un disque avec l’acteur Michael Lonsdale qui lisait ma poésie. Sa voix était un vrai stradivarius. Et ça m’a donné envie de m’y remettre. Je trouvais que le moment était venu d’assumer. Mais comme je ne suis pas un chanteur au départ, j’ai voulu qu’il y ait un autre vrai chanteur dans le groupe. C’est Shuheb Hasan, un chanteur indien qui chante donc des traductions de mes textes en hindi. Il est aussi très fort pour improviser, à la manière d’un musicien soliste. Et moi, je déclame en français, plus que je ne chante vraiment. C’était important pour moi qu’il y ait ces trois niveaux de voix.
Tu n’es pas le premier à me faire remarquer cette similitude. Ce n’était pas conscient, mais c’est évident que cet homme m’a marqué. Je me souviens quand j’allais répéter chez lui, juste en duo, son phrasé était vraiment très impressionnant. Je ne l’avais jamais relevé à ce point, avant d’avoir à jouer avec lui. Il était d’une précision et d’une exigence extrêmes. Il travaillait beaucoup ça en amont avec ses paroliers. Donc je n’ai pas cherché à l’imiter, et je sais bien que le résultat n’est pas du tout à son niveau, mais c’est évident que cette expérience m’a nourri.
Après trente ans de carrière, tu avais besoin de te lancer de nouveaux défis ?
C’est sûr que je me mets en danger sur ce disque. Je ne l’ai pas tellement choisi. Il y a des artistes qui revendiquent de se mettre régulièrement en danger pour se surpasser, mettre du piment dans leur vie, ou autre. Je ne vois pas du tout les choses comme ça. Il y a des choses que je veux atteindre, que je veux exprimer. Parfois ces choses impliquent que je me mette en danger. Donc j’y vais. Mais pas pour le simple plaisir de me mettre en danger, mais vraiment parce que la musique l’exigeait. C’est comme si tu es amoureux de quelqu’un qui est de l’autre côté d’une rivière, tu dois la traverser pour la rejoindre. C’est la vie. Je sais qu’une partie de mon public ne va pas aimer cette nouvelle direction. Et ils ont bien le droit. Ils cherchent un timbre précis dans ma musique qu’il ne retrouveront pas là. C’est comme si je leur proposais une très bonne viande alors qu’ils veulent manger du poisson. Donc c’est normal. Je sais qu’une autre partie aura besoin de temps pour apprivoiser ce disque. Donc là ça sera intéressant de voir comment ils vont réagir. Et j’espère bien sûr que cet album électrique donnera envie à de nouvelles personnes qui n’avaient encore jamais écouté mon travail de s’y intéresser.
« Rebel Diwana » (Suraj / Molpé Music) est disponible depuis le 30 mars 2018.
Le cap du deuxième album est souvent délicat à négocier. Surtout quand le premier a créé un petit émoi au-delà des espérances. The Blind Suns n’a pas tremblé et s’est appuyé sur son expérience en Do-It-Yourself et ses nombreux concerts pour forcer le destin. Résultat, le trio angevin a su se constituer une équipe solide autour de lui (label, tourneur, producteur, etc.) et revient avec un album sous le bras taillé pour lui ouvrir les portes du succès. Rencontre avec Romain et Dorota avant la release party au Chabada le mercredi 18 avril…
L’état d’esprit pour la composition de ce deuxième album devait forcément être très différent de l’ambiance du premier ?
Dorota : Oui, pour le premier album, on n’a jamais pris conscience qu’on était en train de composer notre premier album. On composait tous les deux avec Romain des chansons qui nous plaisaient, c’est tout. Sans pression. Sans agenda. Et un beau jour, on s’est retrouvés avec plein de chansons qu’on aimait, et on s’est dit « Pourquoi ne pas en faire un album ?» Ensuite, on a recruté Jérémy à la batterie et on a commencé les concerts. Il n’y a donc pas eu de réflexion spécifique en amont. Ce sont les chansons qui ont été le point de départ de l’aventure. Là, c’est un deuxième album. Ca fait plaisir déjà parce que ça veut dire que l’aventure se poursuit dans le temps. Mais oui, il a demandé plus de réflexion, plus de travail sur la réalisation des morceaux. On avait aussi l’expérience des concerts qui influence forcément notre façon de composer. Ce nouvel album est probablement plus psyché-shoegaze et moins surf insouciant que le premier. Parce que c’est le son qu’on a sur scène…
Il reste tout de même plusieurs tubes à fort potentiel mélodique…
D: Oui, la mélodie, c’est toujours notre base de travail. C’est ce qu’on sait faire de mieux depuis le début. Le son, la production, ça doit venir après. On compose nos chansons à la guitare acoustique-voix. Si la chanson est bonne dans ce plus simple appareil, elle sera bonne avec tout type de traitements derrière, que ça soit du shoegaze, du surf, etc. Ca a été le cas pour « Ride », notre premier single de ce nouvel album. Il a été composé à la guitare acoustique + voix, alors qu’on avait tout de suite l’idée d’en faire quelque chose d’ultra-efficace, de très radio-friendly. C’est d’ailleurs le morceau qu’on a commencé en premier et qu’on a terminé en dernier, tellement on a essayé des arrangements dessus. On doit en avoir cinq versions différentes sur les disques durs… (rires) Mais c’est donc bien toujours la mélodie qui prime. Ca nous a permis de jouer nos morceaux dans des tas de conditions, des plus roots aux plus confortables.
Vous avez travaillé avec Charles Rowell, du groupe californien Crocodiles. Quel a été son rôle ?
D: On l’a rencontré au festival South by Southwest (SXSW) à Austin, l’album était déjà plus ou moins maquetté. Humainement, Romain et lui ont tout de suite accroché. C’était même drôle, ils se ressemblent beaucoup, humainement, musicalement et même vestimentairement ! (rires) On l’a invité à venir nous voir en concert, et finalement on espérait presque qu’il ne vienne pas, parce que les conditions du lieu n’étaient pas top, et on aurait préféré pouvoir lui présenter notre projet dans des conditions optimales. Mais finalement il est venu, et il a adoré le concert ! Il nous a proposé de travailler avec nous pour le nouvel album. On n’a pas voulu trop s’emballer, on s’est dit que c’était des paroles en l’air de fin de soirée… Et finalement il nous a relancés. Il se trouve qu’il habite à Lyon depuis un ou deux ans parce que sa chérie est française. Du coup, ça a pas mal simplifié l’organisation. Mais il était super motivé. Il est arrivé avec plein d’idées d’arrangements pour les morceaux qu’on lui avait envoyés. On a finalisé le disque avec lui pendant une dizaine de jours en studio.
C’est plutôt drôle, parce que je sais que le concert de Crocodiles au Chabada il y a quelques années a été un moment déterminant dans ton parcours musical, Romain ?
Romain : Oui, je lui en avais parlé quand on s’est rencontrés la première fois. Mais il a vite changé de sujet. Il était surtout intéressé par notre projet. A ma grande surprise, il avait déjà entendu parler du groupe qu’il avait dû voir passer sur le Net. Je l’avais ajouté en tant qu’ami sur Facebook, et même si on ne s’était jamais parlé, il avait repéré mon profil parce que lorsqu’on s’est rencontrés en vrai, il m’a vite remis. Et c’est vrai qu’on a tout de suite sympathisé, et qu’on est dans une même dynamique en terme de musique. C’est génial de pouvoir vivre ça avec quelqu’un dont tu respectes beaucoup la démarche et le travail. J’espère que ce n’est que le début d’une longue collaboration.
Je crois que Jérémy a abandonné la batterie électronique pour une batterie classique sur scène désormais ?
R: Au départ, le choix de la batterie électronique avait été un choix de raison, très pratique, parce que ça nous permettait de jouer dans des configurations ultra-légères, des petits lieux, etc. Mais ça bride quand même pas mal son jeu de batterie. Et aujourd’hui on a de plus en plus l’opportunité de jouer sur de plus grosses scènes, des festivals, et clairement, en terme de puissance sonore et d’énergie, une vraie batterie s’est vite imposée.
Vous êtes retournés jouer aux Etats-Unis pour la cinquième fois. Ils vous adorent !
R: Oui, on avait sept dates là-bas du 9 au 17 Mars. On y va tous les ans en fait. Au départ, jouer aux Etats-unis, c’était juste un rêve de gosse. Et plus on avance, et plus on se dit qu’on a peut-être une carte à jouer là-bas. Cette tournée a été bookée un peu au dernier moment. Finalement, on a juste eu à envoyer quelques mails et tout s’est calé très vite. On est tous surpris des retours. Le fait d’y être allés plusieurs fois commencent à porter ses fruits. Notre nom a circulé parmi les pros à Austin, on commence à être mieux identifiés. On a la chance de jouer une musique qui leur est super familière, mais sans doute avec un je-ne-sais-quoi d’exotique pour eux, parce que je connais des potes américains qui jouent une musique assez similaire à la nôtre, et qui galèrent un peu plus à trouver des dates chez eux. C’est la prime à l’exotisme ! (rires)
Vous avez appris des choses à force de jouer là-bas ?
D: Je crois qu’on a surtout appris à s’adapter. En France, on a la chance de jouer dans de super conditions techniques. Et du coup, on a tendance à devenir un peu exigeants. Dès qu’il y a le moindre souci de son, tout le monde se prend la tête pour le résoudre, etc. Là-bas, si un ampli te lâche, et bien tu fais sans. Tu te démerdes. Le public s’en fout un peu. Ca ne l’empêchera pas de t’écouter et d’apprécier tes chansons. Désormais, on est vachement plus cool au moment de monter sur scène. On ne se prend pas la tête. On y va, et on joue nos chansons. C’est le principal ! facebook.com/theblindsuns
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