J’avais quinze ans quand le Chabada a investi le site des anciens abattoirs de la ville d’Angers. Depuis, il est là, à mes côtés, comme le témoin silencieux de chacune des étapes de ma vie. Son trentième anniversaire est l’occasion pour moi de faire le récit de notre aventure commune…
La première chose que mes parents ont faite après l’ouverture du Chabada, il y a tout juste trente ans, fut d’arrêter de râler. D’un coup. Définitivement. Et pour cela, ma sœur et moi sommes reconnaissants vis-à-vis des pionniers de l’aventure « chabadesque ».
Mes parents sont de cette génération épargnée par les soucis d’aujourd’hui – idée qu’ils réfutent pourtant systématiquement quand, après deux verres de vin, nous entreprenons de comparer le destin de nos générations respectives sur l’octogone sans règles que sont parfois nos repas de famille. Pourtant, ils ont un jour eu à cœur de défendre une juste cause : dénoncer l’absence d’un lieu de musique digne de ce nom sur la place d’Angers, avec une vigueur telle qu’au bout d’un moment, ma sœur et moi avons perdu de vue qui, de l’œuf de nos parents ou de la poule de leurs râleries, était venu au monde en premier.
“Ces passionnés de musique […] déploraient de devoir aller jusqu’à Nantes ou Rennes pour étancher leur soif de concerts.“
Néanmoins, leurs doléances étaient légitimes. Ces passionnés de musique – ma mère avait un faible pour le rock progressif des années 70, tandis que mon père rêvait probablement d’un jour être réincarné en pied de micro pour la Mano Negra ou les Thugs – déploraient de devoir aller jusqu’à Nantes ou Rennes pour étancher leur soif de concerts. Et, surtout, ils ne comprenaient pas pourquoi la mairie avait décidé la création de studios de répétition pour les musiciens locaux sans, fort logiquement, offrir à ces derniers un lieu où se produire ensuite. Ma mère disait que cela revenait à déboucher une bouteille de Pomerol devant ses convives, pour ne finalement leur proposer qu’une carafe d’eau du robinet pendant le repas. Mon père, lui, employait des comparaisons bien plus salaces, que je ne relayerai pas ici par respect pour le lecteur.
En 1994, je peaufinais ma culture musicale
J’écoutais de tout, tout le temps. Je faisais chauffer le vieux tourne-disque à lampes de mes parents, tout autant que je gavais mon lecteur CD avec toutes ces compilations commerciales que nous nous échangions entre copains, dans le fond des salles de classe du collège Félix Landreau.
Puis est arrivé mon quinzième anniversaire, en septembre 1994. Ce qui m’amène à la deuxième chose que mes parents ont faite après l’ouverture du Chabada : m’offrir un billet pour le concert d’IAM.
Ils ont tiré au sort qui d’entre eux m’y accompagnerait et, quelques jours plus tard, c’est auprès de ma mère que j’ai découvert ce qu’est une vraie salle de concert. Ce soir-là, j’ai compris pourquoi mes parents avaient tant espéré la création d’un tel lieu. Sur scène, ce qui n’était jusque-là que du son que j’entendais parfois à la radio prenait vie sous mes yeux, dans une ambiance folle que tous – artistes, spectateurs, salariés et bénévoles – étaient heureux d’alimenter.
© 1994-10 – public IAM
Ce soir-là, j’ai découvert la ferveur, la chaleur, cette obscurité moite que l’on ne trouve nulle part ailleurs et, accessoirement, la fabuleuse ligne de basse de « Je danse le MIA ». En clair, le virus de la scène. venait d’entrer en moi et je remercie mes parents de lui avoir si aimablement ouvert la porte…
LIRE PARTIE 2 – Le Chab et moi, trente ans déjà : 2000-2004 !
LIRE PARTIE 3 – Le Chab et moi, trente ans déjà : 2005-2010 !
LIRE PARTIE 4- Le Chab et moi, trente ans déjà : 2010-2013 !
LIRE PARTIE 5- Le Chab et moi, trente ans déjà : 2013-2019 !
Rédaction : Stéphane Mouton
La passion de l’écriture est un jour tombée sur les épaules de Stéphane ; c’était un jour de beau temps, quoiqu’un peu frais pour la saison. D’abord attiré par la nouvelle, il a finalement commis l’irréparable : écrire un roman, aujourd’hui auto-édité. Il est par ailleurs photographe bénévole au Chabada et musicien à ses heures perdues.